« dépense », définition dans le dictionnaire Littré

dépense

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dépense

(dé-pan-s') s. f.
  • 1Argent employé à toutes choses, privées ou publiques, qu'on se procure, qu'on fait ou fait faire. Il ne faut pas que tu penses Trouver de l'éternité En ces pompeuses dépenses Qu'invente la vanité, Malherbe, II, 2. L'aumône ne se fait pas sans dépense, mais le profit surpasse la perte, Maucroix, Hom. 15, dans RICHELET. Gens de grosse dépense, La Fontaine, Berc. Cela empêche que l'on ne fasse la dépense d'une corde pour se pendre, Sévigné, 221. La grande dépense que vous faites à Aix, Sévigné, 404.

    Dépense sourde, dépense secrète et qui ne paraît pas. Cet homme se ruine en dépenses sourdes.

    Dépenses secrètes d'un gouvernement, s'est dit quelquefois comme fonds secrets.

    Faire de la dépense, dépenser de l'argent. Je n'entends pas que vous fassiez de dépense, Molière, Pourc. I, 10. Ils avaient de l'esprit et faisaient de la dépense, Hamilton, Gramm. 4. Il ne trouve plus à propos d'y faire de la dépense, Sévigné, 507. Faisant de la dépense dans Jérusalem, Massillon, Car. Riche.

    Se mettre en dépense, faire une dépense qui n'est pas ordinaire.

    Fig. Vous eûtes de la complaisance, Mais vous en deviez moins avoir, Et ne vous pas mettre en dépense, Pour ne me donner que l'espoir, Molière, Mis. I, 2.

    Mettre quelqu'un en dépense, être pour lui cause de dépenses.

    Faire la dépense, être chargé du détail des frais.

    Forcer la dépense, les dépenses, augmenter la dépense, ou l'évaluer, la compter plus grande qu'elle n'est.

    En termes de jurisprudence, dépenses nécessaires, celles qui sont faites par celui qui n'est pas propriétaire d'une chose, pour la conserver ; utiles, pour l'améliorer ; voluptuaires, de pur agrément.

  • 2Compte où se trouve relatée chaque somme déboursée. Porter en dépense. Chapitre de dépense. La dépense se monte chaque mois à tant. Nos pères comptaient en toutes choses avec eux-mêmes : leur dépense était proportionnée à leur recette, La Bruyère, VII.

    Terme de ménage. Écrire la dépense, écrire chaque jour ce qui a été dépensé dans la journée. Qu'une autre écrive la dépense… Je veux que mon maître de danse…, Béranger, Éduc.

  • 3 Fig. Emploi d'une chose quelconque. Il avait coutume de dire… que la plus forte dépense que l'on puisse faire est celle du temps, La Bruyère, Disc. sur Théophr.

    En cet emploi, dépense se dit quelquefois avec une nuance d'ironie et comme pour signifier que la dépense ne servira à rien. Il a fait une grande dépense d'érudition, d'esprit.

  • 4Dans un château, dans une maison royale, dans une communauté, lieu où l'on reçoit et où l'on distribue les objets en nature.

    Dans les maisons particulières, lieu où l'on serre les provisions et différents objets destinés à la table. Ces pommes étaient au fond d'une dépense, Rousseau, Conf. I.

    Dans les vaisseaux, lieu où l'on distribue les vivres, aujourd'hui cambuse.

  • 5 Terme d'hydraulique. Quartité de liquide fournie, dans un temps donné, par un orifice d'écoulement.

    PROVERBE

    Le gain n'en vaut pas la dépense, c'est-à-dire la chose coûte plus qu'elle ne rapporte.

HISTORIQUE

XIIIe s. Li philosophe apeloient l'estomac despense du cors ; car ausi com vous veés que de le [la] despense de l'ostel sont aministré li norrissement à ciaus [ceux] de l'ostel…, Alebrand, f° 38. Ses cors meïsmes ira avec vous en la terre d'outre mer, ou envoiera, se vos cuidiés que ce soit miels [mieux], à tous dis mil homes de sa despense [à ses frais], Villehardouin, LI. Renart l'a moult bien esgardée ; Com il la vit et si s'apense Que il en fera sa despense, Ren. 22844. Foulz est qui contre mort cuide trover deffense ; Des biaux, des fors, des sages fait la mort sa despanse ; La mors mort Absalon et Salomon et Sance [Samson], Rutebeuf, 141. Au chief du cloistre d'autre part estoient les cuisines, les panneteries, les bouteilleries et les despenses, Joinville, 206.

XIVe s. Nous posons et mettons que despense soit donacion, Oresme, Eth. 108.

XVe s. Mais quant ce vint au fait de la despence, Il restraingnit eufs, chandelle et moustarde, Et oublia pain, vin, char et finance : Tout se detruit, et par default de garde, Deschamps, Admin. de l'hôtel du prince. Ils trouvent les façons de dissimuler à ouyr les parties et les tesmoings, pour tenir la personne et destruire en despense, et attendent tousjours si nul ne se veult plaindre de celluy qui est detenu, Commines, V, 18.

XVIe s. Allez-vous-en à la despense [office] demander à desjeuner, Despériers, Contes, LXXV. Les oreilles [oreillettes] du cœur ont esté faites de telle capacité, à fin qu'elles peussent (comme une despense) recevoir le sang ou air qui durant le temps du diastole pourroit estre introduit au cœur…, Paré, II, 11. Outre lequel rapport, la vigne donne du vin de despence pour le mesnage, qu'on fait avec de l'eau sur le marc des raisins, De Serres, 145. Dans deux ou trois jours le premier trempé ou despence sera tiré de la cuve et entonné comme le vin, De Serres, 220. Selon l'entrée la despense ; sage n'est qui bien n'y pense, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 414.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. despensa, despessa ; portug. despesa, despeza ; ital. dispensa ; du supin depensum, de dependere, dépenser (voy. DÉPENDRE 3).