« désarmer », définition dans le dictionnaire Littré

désarmer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

désarmer

(dé-zar-mé) v. a.
  • 1Débarrasser quelqu'un de son armure.
  • 2Enlever à quelqu'un ses armes ou le contraindre à les rendre. On désarma la garde nationale. Désarmez les vaincus sans les désespérer, Racine, Alex. III, 7. Et pour le désarmer il avance le bras, Racine, Théb. V, 3.

    Fig. Hercule à désarmer coûtait moins qu'Hippolyte, Et, vaincu plus souvent et plus tôt surmonté, Préparait moins de gloire aux yeux qui l'ont dompté, Racine, Phèdre, II, 1.

  • 3 Terme d'escrime. Désarmer son adversaire, lui faire sauter l'épée hors de la main.
  • 4 Terme de manége. Désarmer les lèvres d'un cheval, désarmer un cheval, tenir ses lèvres hors de dessus les barres.
  • 5 Fig. Apaiser. … Vous pouvez d'un mot désarmer sa colère, Corneille, Pomp. IV, 2. Plût aux dieux… Que sa bonté [de César] touchât la beauté qui me charme, Et la pût adoucir comme elle me désarme ! Corneille, Cinna, III, 2. Mais je vous ai laissé désarmer mon courroux, Corneille, Rodog. V, 4. Il ne faut qu'un peu de patience pour désarmer la colère des belles, Hamilton, Gramm. 9. Cette action acheva de le désarmer, Hamilton, ib. 8. [Rome] Ne désarma point sa fureur vengeresse Qu'elle n'eût accablé l'amant et la maîtresse, Racine, Bérén. II, 2. Vos pleurs, votre présence N'ont point de ces cruels désarmé l'insolence, Racine, Brit. II, 6. Rarement l'amitié désarme sa colère [de Mithridate], Racine, Mithr. I, 5. Sans doute, ce chagrin qui vient de m'alarmer N'est qu'un léger soupçon facile à désarmer, Racine, Bérén. II, 5. Il ne propose son système qu'avec une modestie qui en répare la faiblesse et désarme les critiques, Fontenelle, Guglielmini. Vous n'êtes point ici sous vos antiques rois Qui laissent désarmer la rigueur de leurs lois, Voltaire, Orphel. V, 2. Le vieux divan [les vieilles nonnes], désarmant sa vengeance, De l'exilé borna la pénitence, Gresset, Vert-Vert, IV. Il sut triompher des difficultés par les deux moyens les plus sûrs peut-être pour désarmer l'amour-propre, la modestie et la pureté d'intentions et de conduite, Condorcet, Duhamel.
  • 6Dépouiller, priver. Ces princes que la mort a désarmés de leur puissance. Mais [ô Dieu] désarme d'éclairs ta divine éloquence ; Fais-la couler sans bruit au milieu de mon cœur, Corneille, Imit. III, 2.
  • 7 Terme de marine. Désarmer un vaisseau, lui ôter son artillerie, ses agrès, etc. le rendre inutile pour la guerre. Nous gagnâmes enfin Toulon ; on avait commencé à y désarmer les vaisseaux arrivés avant nous, Mém. de Villette en 1674, dans JAL.

    Absolument. La flotte doit désarmer. Ce vaisseau alla désarmer à Brest.

    Désarmer les avirons, les rentrer après qu'ils ont nagé.

  • 8 Terme de guerre. Désarmer un canon, en ôter le boulet.

    Désarmer un fusil, mettre sa batterie à l'état de repos.

  • 9 V. n. Cesser de se tenir sur le pied de guerre, congédier des troupes. Les puissances, la paix conclue, désarmèrent. … Qu'ils ne désarmeraient point qu'on ne leur eût mis entre les mains les auteurs de la division, Vaugelas, Q. C. 579. Il [Clément XI] arma, et s'en repentit bientôt ; il vit que les Romains, sous un gouvernement tout sacerdotal, n'étaient pas faits pour manier l'épée ; il désarma, Voltaire, Louis XIV, 21.

    Terme de marine. Être congédié et quitter un bâtiment. Ces matelots désarment. L'équipage désarme.

  • 10Se désarmer, v. réfl. Ôter son armure, quitter ses armes.

    Fig. Se laisser fléchir. Heureux, sage Nestor, si le fils de Thétis, Touché de nos malheurs, se désarme à ce prix, Desfontaines.

HISTORIQUE

XIe s. Icele nuit [il] ne se velt desarmer, Ch. de Rol. CLXXIX.

XIIe s. De moi desarmer fu adroite, Qu'ele le fist et bien et bel, Et m'afubla d'un cort mantel, Chrestien de Troyes, Cheval. au lyon, V. 228. Dist lur que il alassent à lui tut desarmé ; Il mirent jus lur armes, quant ço lur out mustré ; Vindrent à l'arcevesque…, Th. le mart. 125. Pur co qu'iert dezarmés, tut premiers le siwi, E bien fu coneüz e al vis e al cri ; Une cote vert out e mantel mi-parti, ib. 150. Grant honte en ot por les apertenans ; Bien sot qu'estoit Bernier ses max vuellans ; Desarmeis ert, s'en fu mu et taisans, Raoul de C. 92. Desarmés [ils] ont les Grix [Grecs] soupris ; Assez en ont et mors et pris, Gautier D'Arras, p. 300, verso, col. 4.

XIIIe s. Dont se desarmerent come cil qui mout estoient lassé et travaillié, Villehardouin, LXXXIII. Chil chevauchierent tout desarmé comme chil qui ne doutoient que nus encombriers leur deust avenir, H. de Valenciennes, XIV. Li cors le comte de saint Pol fu desarmés et fu vuidiés et embaussemé et fu mis en un lonc coffre, Chron. de Rains, 176. Puis qu'il pert les armes esqueles il se presente, il demore, quant il est desarmés, en pure se [sa] quemise, Beaumanoir, LXIV, 2. Si l'ot tost mort, car il estoit armez, et Hanguis desarmez, Merlin, f° 43, verso.

XIVe s. Se vient à l'assaillir, par la vierge sauvée ! Point n'y faudra aler à teste desarmée, Guesclin. 19811-19835.

XVe s. Et s'en alla chascun desarmer et coucher, Commines, I, 5. Il s'en va au petit lit, et tout coiement de sa robe se desarme [dévêt], Louis XI, Nouv. IX. Lors sur la meschine se desarma de [lui remit] l'estamine et du bluteau, Louis XI, ib. XVII. Elle lui manda que, du plutos qu'elle sauroit se desarmer de son mari, qu'elle viendroit vers lui, Louis XI, ib. XXXIX.

XVIe s. Si nous nous desarmons, le roi nous mesprisera, D'Aubigné, Hist. II, 429. Il la desarme [depouille] maintenant de ses pierreries et riches joyaulx, Carloix, II, 11. Ces instantes prieres luy desarmerent ce martel de la fantaisie, et le firent plier à misericorde, Carloix, VII, 4. La confession genereuse et libre enerve le reproche et desarme l'injure, Montaigne, IV, 114.

ÉTYMOLOGIE

Dés… préfixe, et arme ; provenç. et espagn. desarmar ; ital. disarmare.