« discourir », définition dans le dictionnaire Littré

discourir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

discourir

(di-skou-rir), je discours, tu discours, il discourt, nous discourons, vous discourez, ils discourent ; je discourais ; je discourus ; je discourrai ; je discourrais ; discours, qu'il discoure, discourons, discourez, qu'ils discourent ; que je discoure, que tu discoures, qu'il discoure, que nous discourions, que vous discouriez, qu'ils discourent ; que je discourusse ; discourant, discouru v. n.
  • 1Proprement, courir çà et là. … Ta bonté discourt au bien de tes sujets, Régnier, Sat. I.

    Ce sens, qu'on trouve dans le XVIe siècle, est tout à fait hors d'usage.

  • 2 Fig. S'étendre sur un sujet, en parler avec une certaine méthode et quelque étendue. Je te veux discourir comme je trouve étrange Le chemin…, Régnier, Sat. V. Philosophes rêveurs, discourez hautement ; Sans bouger de la terre, allez au firmament, Régnier, Sat. IX. Selon l'intérêt tout le monde discourt, Régnier, Sat. XI. Lorsque, nous discourant des choses de la terre, Molière, Sgan. 2. On peut discourir sans fin sur tout cela, Bossuet, Lett. Corn. 84. On croirait à vous voir, dans vos libres caprices, Discourir en Caton des vertus et des vices…, Boileau, Sat. IX. Lamoignon, nous irons, libres d'inquiétude, Discourir des vertus dont tu fais ton étude, Boileau, Épît. VI. Il [Phédon] n'est jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour discourir, La Bruyère, VI. La sotte envie de discourir vient d'une habitude qu'on a contractée de parler beaucoup et sans réflexion, La Bruyère, Théophraste, III. Il est plus aisé de bien discourir que de bien écrire, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 15 mars 1678. [On] Préférait l'art de bien vivre à l'art de bien discourir, Rousseau J.-B. Odes, IV, 3.

    Fig. Et c'est aux mieux disants une témérité De parler où le ciel discourt par tes oracles, Et ne le faire pas où parlent tes miracles, Régnier, Sat. I.

    Familièrement. Discourir sur la pointe d'une aiguille, discourir de choses très futiles ou très subtiles.

  • 3Tenir de longs propos. Auteurs d'aventures tragiques, De quoi n'osez-vous discourir ? Malherbe, V, 23. Il montre tes faveurs, tout haut il en discourt, Régnier, Élég. II. … Marchons sans discourir, Corneille, Cid, II, 2. Force-les au silence, et, sans plus discourir, Sauve ta renommée en me faisant mourir, Corneille, ib. III, 4. … Laissons-la discourir, Et ne nous perdons point de crainte de mourir, Corneille, Othon, II, 6. Nous avons fort discouru de toutes vos affaires, Sévigné, 118.

    Quelquefois discourir ne signifie rien de plus que parler. Eux discourant, pour tromper le chemin, De chose et d'autre…, La Fontaine, Or. … ne parlons plus de querelle : c'est fait ; Discourons d'autre affaire, Molière, Femmes sav. II, 8.

    Ne faire que discourir, ne dire que des choses frivoles et inutiles.

  • 4 S. m. Le discourir, les longs discours … Mais, ami, laissons le discourir, Régnier, Sat. VIII.

REMARQUE

1. Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

2. Dans la tragédie de Clitandre par Corneille, Pymante, à qui Dorise crève un œil avec une aiguille, fait un long monologue adressé à cette même aiguille. L'éditeur de l'édition de 1738 (in-12) se demande (t. I, Avertissement, p. IX) si ce n'est pas de là qu'est né le proverbe : discourir sur la pointe d'une aiguille. Mais il n'est pas, ce semble, besoin d'aller si loin ; la locution s'explique d'elle-même, comme la locution grecque : être sur le tranchant d'un rasoir.

SYNONYME

DISCOURIR DE, DISCOURIR SUR. Discourir sur quelque chose, c'est en parler avec quelque méthode. Discourir d'une chose, c'est en parler comme on en parle dans la conversation.

HISTORIQUE

XVIe s. Assez y a en ceste nation, Sans discourir d'un à autre hemisphere, De quoy trop plus qu'à mes vœus satislaire, Saint-Gelais, 215. Tel discourt bien en privé, qui harangueroit mal un peuple, Montaigne, IV, 133. Democritus presupposant une opinion et une doctrine fausse en la philosophie, et qui induit les hommes en superstitions infinies, qu'il y ait des images bonnes et mauvaises qui discourent [errent] par l'air, Amyot, P. Aem. 1. À la fin il commencea à entrer en propos, et à leur discourir de la fortune et de l'incertitude des choses humaines, Amyot, ib. 45. N'ayant jamais au paravant discouru à par soy en son entendement, qu'ils esbranloient, en ce faisant, tout l'empire des Lacedaemoniens, Amyot, Pélop. 14. Et n'y avoit celuy qui ne se meslast de discourir combien d'avantage ilz auroient sur leurs ennemis si…, Amyot, Marcel. 47. En discourant plusieurs grandes entreprises qu'il mettoit en son entendement, il…, Amyot, Pyrrh. 11. La reyne [Cath. de Médicis] qui sçavoit discourir de toutes choses très bien à propos…, Brantôme, Marignan. Quant je vais discourant et des yeux et d'esprit Sur les perfections qu'en toy le ciel escrit, Amad. Jamyn, Poésies, p. 173, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Lat. discurrere, de dis… préfixe, et currere, courir.