« don », définition dans le dictionnaire Littré

don

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

don [1]

(don) s. m.
  • 1Action d'accorder gratuitement à quelqu'un la propriété ou la jouissance de quelque chose ; la chose ainsi accordée. Faire un don à quelqu'un, lui faire don de quelque chose. De riches dons. Il lui fit don d'une terre. Tu n'es point charmé des richesses ; Les dons ne te peuvent tenter ; Et tu n'en saurais accepter Que pour en faire des largesses, Chapelain, Ode au card. de Richelieu, dans RICHELET. J'eus toujours pour suspects les dons des ennemis, Corneille, Médée, IV, 4. Mais commet-on un crime indigne de pardon Quand la reconnaissance est au-dessus du don ? Corneille, Cinna, II, 1. Pour jouir de ses dons faut-il l'assassiner ? Corneille, ib. III, 3. Je crois qu'on doit trouver plus de félicité À posséder un bien sans l'avoir mérité ; J'estime plus un don qu'une reconnaissance ; Qui nous donne fait plus que qui nous récompense, Corneille, Menteur, I, 2. … Qui veut un don ne doit pas l'exiger, Corneille, Toison, IV, 4. Pourrais-je refuser les dons de votre main ? Corneille, Sertor. II, 2. Car de prêter, à moins que sur bons gages, Point de nouvelle ; on oublia les dons, Et le mérite, et les belles raisons De Frédéric, et sa première vie, La Fontaine, Fauc. Je n'ai que faire de vos dons, Molière, l'Av. IV, 5. Il est bien moins content du don que de la manière dont il lui a été fait, La Bruyère, VIII. Les spectacles, les dons, invincibles appas, Vous attiraient les cœurs du peuple et des soldats, Racine, Brit. IV, 2. J'accepte tous les dons que vous me voulez faire, Racine, Phèd. II, 3.

    En purdon, c'est-à-dire de la façon la plus gratuite. Elle leur donnait en pur don cette visite, Sévigné, 445.

    Faire don de son cœur, accorder à quelqu'un son entière amitié, et, s'il s'agit d'une femme, lui vouer un profond amour.

    Le don d'amoureuse merci, les faveurs qu'une femme accorde à un homme.

    Dans les contes de fée, don se dit de quelque faculté extraordinaire accordée par une fée à un enfant qu'elle favorise. La fée lui fit un don.

  • 2 Par analogie, ce qui, comparé à un don, vient de Dieu, de la nature, etc. Et comme si vos feux étaient un don fatal, Il en fait un présent lui-même à son rival, Corneille, Poly. IV, 5. Chacun a son don de Dieu, et il faut prendre garde de ne pas vouloir le servir dans le don d'un autre, Nicole, Ess. mor. 2e traité, ch. IV. Forces du corps, capacité, santé, noblesse, beauté, dons de la nature et par conséquent du Créateur, Bourdaloue, Myst. Concept. de la Vierge, t. II, p. 17. Dans cette religion Dieu a renfermé tous les dons : le don des miracles, le don des langues, le don de prophétie, le don de science, le don de sagesse, Bourdaloue, Serm. 20e dim. après la Pentec. Dominic. t. IV, p. 246. J'envisage les dons qu'il a reçus du ciel, Fléchier, le Tellier. Il commande au soleil d'animer la nature, Et la lumière est un don de ses mains, Mais sa loi sainte, sa loi pure, Est le plus riche don qu'il ait fait aux humains, Racine, Athal. I, 4. … De tous les dons des cieux Il est orné dès son enfance, Racine, Athal. II, 9. Que de dons du ciel ne faut-il pas pour régner ? une naissance auguste, un air d'empire et d'autorité…, La Bruyère, X. Si vous saviez connaître le don de Dieu, Massillon, Car. Rech.

    Les dons de la terre, ses productions. Les dons de la fortune, les richesses.

    Poétiquement. Les dons de Cérès, le blé, le pain. Le linge orné de fleurs fut couvert, pour tout mets, D'un peu de lait, de fruits et des dons de Cérès, La Fontaine, Phil. et Baucis.

    Les dons de Flore, de Bacchus, du printemps, les fleurs, le vin, la verdure.

    Dans le rite grec, saints dons, nom des symboles du corps et du sang de Jésus-Christ.

    Avoir le don des langues, se dit des apôtres qui reçurent de Jésus-Christ la faculté de parler toutes les langues, et, par analogie, de ceux qu'on suppose, dans les contes de fées ou autres, savoir les langues à mesure qu'ils en ont besoin, sans les avoir apprises. Il avait le don des langues aussi bien que le Sirien, Voltaire, Microm. 6.

    En un sens différent, avoir le don des langues, se dit de ceux qui ont une facilité toute particulière pour apprendre les langues.

    Avoir le don des larmes, se dit de ceux qui pleurent à volonté, et aussi de ceux qui pleurent trop facilement. M. de Vardes répondit parfaitement bien et d'un air pénétré, et ce don de larmes que Dieu lui a donné ne fit pas mal son effet dans cette occasion, Sévigné, Lett. 26 mai 1682.

  • 3 Fig. Qualité, avantage naturel. La nature le combla de ses dons. Elle a le don de plaire. Et l'art et le pouvoir d'affermir des couronnes Sont des dons que le ciel fait à peu de personnes, Corneille, Hor. V, 3. Monsieur, quand une femme a le don de se taire, Corneille, le Ment. I, 4. Je n'ai pas le don de placer si juste les noms sur les visages, Sévigné, 29. Vous avez le don de vous faire aimer quand il vous plaît, et quelquefois plus, beaucoup plus que vous ne voudriez, Sévigné, 432. Il avait le don de faire valoir les choses, Hamilton, Gramm. 2. Ils n'avaient pas trop le don de plaire, Hamilton, ib. 4.

    Familièrement et ironiquement. Il a le don de me déplaire. Il a le don de rendre mauvaises les meilleures choses, Sévigné, 441.

  • 4Offrande. [Ce juste juge.] Qui jusque dans ton cœur sait lire ton péché, Qu'aucun don n'éblouit, qu'aucune erreur n'abuse, Corneille, Imit. I, 24. Il me nourrit des dons offerts sur son autel, Racine, Athal. II, 7.
  • 5 Terme de droit. Donation. Don mutuel entre époux. D'un souverain pouvoir il [le roi] brise les liens Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens, Molière, Tart. V, 7. Tout l'avantage qu'homme et femme conjoints par mariage se peuvent faire l'un à l'autre, c'est un don mutuel entre vifs, Molière, Mal. imag. I, 9.

    Terme d'ancienne coutume. Don mobil [écrit sans e], avantage que la femme accordait en Normandie sur sa dot, pour aider aux dépenses du ménage.

  • 6Autrefois, en un sens particulier, certaines grâces utiles accordées par le prince. Ils ont avis de cette aubaine, et en demandent le don au roi.

    Don d'aubaine, de bâtardise, de déshérence, etc. don que le roi faisait des objets qui venaient à lui échoir par droit d'aubaine, de bâtardise, de déshérence, etc.

  • 7Don gratuit, taxe que le roi demandait au clergé assemblé en corps, et qui, accordée par le clergé, était payée par tous les bénéfices du royaume. Les états des provinces faisaient aussi des dons gratuits. Savez-vous ce que nous [la province de Bretagne] donnons au roi pour témoigner notre reconnaissance ? deux millions six cent mille livres, et autant pour le don gratuit ; c'est justement cinq millions ; que dites-vous de cette petite somme ? Sévigné, Lett. 1er janv. 1674. Les filles de Chaillot m'écrivent sur leur affaire du don gratuit, et me prient de vous presser parce que le temps s'écoule, Maintenon, Lett. Card. de Noailles, 23 juill. 1700.
  • 8 Terme de commerce. Ce que les marchands en gros ont coutume de déduire sur le poids net des marchandises.
  • 9 Terme d'alchimie. Don céleste, la matière de la pierre philosophale.

    PROVERBE

    Il n'y a pas de plus bel acquêt, il n'y a si bel acquêt que le don, c'est-à-dire il n'y a point de plus belle acquisition que le don, il n'y a pas de bien plus agréablement acquis que celui qui est donné.

SYNONYME

DON, PRÉSENT. Le don est ce qu'on donne ; le présent est ce qu'on présente. Dès lors, toutes les fois que la chose donnée ne pourra être présentée, c'est don qui devra être employé : il lui fit don de son cœur, et non présent.

HISTORIQUE

XIe s. Et tote Espaigne [il] tiendra par vostre don, Ch. de Rol. X.

XIIe s. Li soit li dons donez, Ronc. p. 16. Par amistié [je] vous en faiz ci le don, ib. p. 29. Un don [je] vous quier, c'est le cor de Rolant, ib. p. 39. Berarz de Montdidier en a perdu le don [d'une dame] ; Rois, vous lui otroiastes, or l'ont Saisne en prison, Sax. XI.

XIIIe s. Li don qu'on prend lient la gent, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 329. Bien ot li rois Pepins mout riches dons donnés, Berte, XXIV. Et s'il ne vous devoit deplaire, Ge le vous requerroie en don, la Rose, 3401. Se li dons qui li fu fez, par fust trop outrageus [excessif] et trop desheritans les autres hoirs, Beaumanoir, VII, 20.

XIVe s. Il est raisonnable que felicité soit don de Dieu, Oresme, Eth. 20.

XVIe s. Croire est de don, non point de merite, Calvin, Instit. 452. Il n'est si bel acquest que de don, Loysel, 655. Don mutuel [ailleurs donation mutuelle], soit entre-vifs, soit par testament, ne se peut revoquer, Loysel, 663. Elle fut honorée par Apollo du don de prophetie, Amyot, Agis et Cléom. 11. Plus cher estre un don que chose achaptée voit-on, Génin, Récréat. t. II, p. 247. Le don humilie rochier et mont, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 329. Petit don est le hain [hameçon] du plus grand don, Leroux de Lincy, ib. p. 370. Tel don, tel donneur, Leroux de Lincy, ib. p. 421.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. don ; catal.  ; portug. dom ; ital. dono ; du latin donum ; comparez le grec δῶρον.