« douleur », définition dans le dictionnaire Littré

douleur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

douleur

(dou-leur) s. f.
  • 1Impression anomale et pénible reçue par une partie vivante et perçue par le cerveau ; souffrance physique. Sentir, éprouver une douleur, de la douleur dans un membre. Une douleur aiguë. La douleur que cause une incision. La douleur est différente suivant les parties qui sont lésées. Ne croyez pas que ses excessives et insupportables douleurs aient tant soit peu troublé sa grande âme, Bossuet, Duch. d'Orl. La santé que j'appelle et qui fuit mes douleurs, Chénier, Élég. VI. C'est son bien dissipé, c'est son fils, c'est sa femme, Ou les douleurs du corps si pesantes à l'âme, Chénier, ib. XXXIII. C'est une douleur terrible, mais qui n'a rien de hideux, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XIV, p. 301, dans POUGENS.

    Au plur. Les souffrances de l'accouchement. Elle est dans les douleurs. Les grandes douleurs ont commencé. Ma fille sentit de petites douleurs, Sévigné, 5.

  • 2Souffrance qui est à l'âme ce que la souffrance physique est au corps. Navré de douleur. Que j'ai de douleur de voir que Dieu vous abandonne ! Pascal, Prov. 17. Nous ne songeons plus qu'il y ait eu un comte de Guiche au monde : vous vous moquez avec vos longues douleurs, Sévigné, Lett. 28 déc. 1673. Cette autre sorte de douleur qu'on appelle repentir, Bossuet, Libre arb. 2. Il faut dans la douleur que vous vous abaissiez ; Pour me tirer des pleurs il faut que vous pleuriez, Boileau, Art p. III. Il devrait y avoir dans le cœur des sources inépuisables de douleur pour de certaines pertes, La Bruyère, IV. Il vit chargé de gloire, accablé de douleurs, Racine, Mithr. V, 4. La douleur qui se tait n'en est que plus funeste, Racine, Androm. III, 3. De quel nom sa douleur me va-t-elle appeler ? Racine, ib. II, 5. Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs, Racine, Phèdre, I, 3. Vos amis et les miens… Viennent de confier leur douleur à Narcisse, Racine, Brit. III, 5. La douleur est injuste ; et toutes les raisons Qui ne la flattent point aigrissent ses soupçons, Racine, ib. I, 2. Elle aura devant lui fait parler ses douleurs, Racine, Baj. III, 3. Dans sa douleur elle se trouvait malheureuse d'être immortelle, Fénelon, Tél. I. Votre lettre, que la douleur a écrite, pénètre mon cœur, Voltaire, Lett. d'Argental, 23 déc. 1774. Le jour, sur leur tombeau, j'allais verser des pleurs, Et je veillais la nuit pour sentir mes douleurs, Saint-Lambert, Saisons, hiver. Ne le lui proposez pas comme une dissipation ; les grandes douleurs y répugnent ; il faut à leur insu tâcher de les distraire et les tromper pour les guérir, Marmontel, Mém. I. Je nomme en général douleur ou déplaisir toute situation de mon âme qu'elle aime mieux ne pas éprouver qu'éprouver, Bonnet, Œuvres mêlées, t. VIII, p. 265, dans POUGENS. Le ciel rit à la terre, et la terre fleurit ; Aréthuse serpente et plus pure et plus belle ; Une douleur plus tendre anime Philomèle, Chénier, Élég. XXVI. De douleur en douleur je traverse la vie, Ducis, Abufar, III, 2. Quelquefois la douleur n'est pas loin de la joie, Ducis, Oscar, I, 2. Je ne sais pourquoi dans le trouble de la douleur on est plus capable de superstition que de piété, Staël, Corinne, XVIII, 5. Tu fais l'homme, ô douleur, oui, l'homme tout entier, Comme le creuset l'or…, Lamartine, Harm. II, 7.

    Fig. et familièrement. Avaler la douleur, boire un coup. Allons, avalez la douleur. C'est une ironie au buveur qui feint de ne vouloir plus boire.

  • 3 Fig. Expression de la douleur. Les douleurs de l'élégie. Un chant plein de douleur. Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs, N'admet point en ses vers de tragiques douleurs, Boileau, Art p. III.

PROVERBES

À la Chandeleur, grande douleur, c'est-à-dire grande froidure. Ce dicton, la Chandeleur étant le 2 février, ne paraît pas fondé ; on peut croire qu'il n'a été suggéré que par la consonnance, laquelle a fourni en effet un certain nombre de mots ou de locutions incompréhensibles.

Pour un plaisir mille douleurs.

HISTORIQUE

XIe s. Ce est de la dulor…Lois de Guil. 12. Deus ! quel dulur que li Franceis nel savent ! Ch. de Rol. LIV. Sur piez se dresse, mais il a grant dulur, ib. CLXIII.

XIIe s. Icil feront as Cristiens dolor, Ronc. p. 44. Lors [ils] se plaignent sans dolor, Couci, I. Onc mais n'avint en France nule si granz dolors, Sax. XXVII. Ezechie e David e maint autre plusur, Quant il orent mesfait vers Deu lur creatur, Mult sunt humilié e furent en dolur E repentant es quers [cœurs]…, Th. le mart. 78.

XIIIe s. Se bien ne vous prouvez [si vous ne vous comportez bien], de la dolor [je] morrai, Berte, VII. Ne la très grant dolor qu'il en ont demené, ib. CIII.

XVe s. Et envoyerent le corps messire Grignard de Mauny à ses deux freres, qui le reçurent à grand douleur, Froissart, I, I, 99.

XVIe s. Le meilleur remede que je sache pour les douleurs presentes, c'est d'oublier les joies passées, Despériers, Cymbal. 157. Quant ils ont incisé un membre, ils ne laissent pas la partie dolente en sa douleur et en son tourment, Amyot, Comment discerner le flatt. de l'ami, 63. Douleur de teste veult manger, Douleur de ventre veult purger, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 215. À chacun sa propre douleur semble plus greve et la greigneur [plus grande], Leroux de Lincy, ib. t. II, p. 226. Au departir sont les douleurs, Leroux de Lincy, ib. p. 232.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. dolor ; portug. dôr ; ital. dolore ; du latin dolorem.