« essence », définition dans le dictionnaire Littré

essence

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

essence

(è-ssan-s') s. f.
  • 1 Terme de philosophie et de théologie. Ce qui est, ce qui existe. Dieu est l'essence première.

    La divine essence, Dieu. Les rois, comme rayons de la divine essence, En leur gouvernement imitent sa puissance, Rotrou, Bélis. III, 6. Enveloppez-vous dans ce voile ; vivez cachée à vous-même aussi bien qu'au monde ; et, connue de Dieu, échappez-vous à vous-même, sortez de vous-même, et prenez un si noble essor que vous ne trouviez de repos que dans l'essence éternelle du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Bossuet, la Vallière. Adorant l'essence inconnue Les saints, les martyrs glorieux Contemplaient sous l'ardente nue Le triangle mystérieux, Hugo, Odes, I, 10.

  • 2Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est, ce sans quoi elle ne serait pas. L'essence du triangle est d'avoir trois côtés et trois angles.
  • 3Dans une signification très voisine de celle-ci, et pourtant très différente, la nature intime des choses que nous ne pouvons pas bien connaître ni démontrer. Lorsqu'on s'obstine à disputer sur les essences, il arrive qu'on ne sait plus ce que les choses sont, Condillac, Art d'écr. IV, 5. N'oubliez point que ce que nous appelons essence des choses n'est que leur essence nominale, Bonnet, Ess. anal. âme, ch. 4.
  • 4Au sens d'être. Essence première, essence qui est d'origine. Essence seconde, essence qui est dérivée. Dieu est essence première ; les créatures sont essences secondes. L'essence seconde suffit pour prouver que deux substances diffèrent, mais elle ne suffit pas pour mesurer avec précision la différence qui est entre elles, Condillac, Art de raisonner, I, 3.
  • 5Dans le langage général, ce qui fait le fond, la nature d'un objet. Et de la vouloir vaincre avecque des services, Après qu'on a tout fait, on trouve que ses vices Sont de l'essence du sujet, Malherbe, VI, 24. … Amour forcé ne fut jamais amour ; L'amour est dans les cœurs libre dès sa naissance ; Ravir sa liberté, c'est ravir son essence, Desmarets, Mirame, IV, 4. Cette proposition contenait l'essence des plus noires hérésies, Pascal, Prov. 3. Il est de l'essence d'un bon livre d'avoir des censeurs, et la plus grande disgrâce qui puisse arriver à un écrit qu'on met au jour, ce n'est pas que beaucoup de gens en disent du mal, c'est que personne n'en dise rien, Boileau, Épît. X, XI, XII, Préf. L'essence d'un Spartiate était l'obéissance aux lois de Lycurgue, Voltaire, Mœurs, 154. Voilà, cousine, comment dans certains pays l'essence des choses tient aux mots, et comment des noms honnêtes suffisent pour honorer ce qui l'est le moins, Rousseau, Hél. II, 23.
  • 6 Terme de pratique. La chose même que l'on a reçue. Rendre en essence.

    On dit que les choses ne sont plus en essence, pour dire qu'elles ne sont plus en nature, qu'elles sont détruites, qu'on ne peut pas les représenter comme on les a reçues.

  • 7 Terme d'eaux et forêts. Espèce, nature des arbres qui prédominent en un terrain. Les différentes essences. Un bois d'essence de chêne.
  • 8 Terme de chimie. Essences, nom donné à des liquides sans viscosité, très volatils, qu'on appelait autrefois huiles éthérées, huiles essentielles (dénomination abandonnée parce que ces substances n'ont rien de commun avec les corps gras). Les essences se divisent en trois groupes : hydrocarbonées, oxygénées, sulfurées.

    Essence de térébenthine, liquide qui provient de la distillation de la térébenthine ordinaire.

  • 9 Terme de pharmacie. Substance aromatique très volatile qu'on extrait de certains végétaux. Essence de rose.

    Essence de lavande, dite aussi huile d'aspic ou de spic, essence qui s'obtient par la distillation des sommités fleuries de la lavande officinale et de la lavande spic.

    Essence de Portugal, essence fournie par le zeste de l'orange.

  • 10 Terme de cuisine. Essence de gibier, de légumes, de jambon, etc. extrait des parties les plus nutritives des viandes, des légumes.
  • 11Essence d'Orient ou de perles, liqueur préparée avec une matière nacrée qui se trouve à la base des écailles de l'ablette et sur toute la paroi de la poitrine, de l'estomac et des intestins. Cette liqueur, introduite dans de petites boules de verre creuses, sert à la fabrication des fausses perles.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tu iez saluz de nostre essence, Balaiz de nostre vanité, Cribles de nostre concience, Rutebeuf, II, 14. Ô glorieuse Trinité, Une essence et vraie unité En trois glorieuses personnes ! J. de Meung, Tr. 2.

XIVe s. Et par ce appert que toutes choses n'ont pas une ydée commune qui soit leur essence, Oresme, Eth. VI, 11.

XVe s. En tout, partout est mesme essence, Auquel pas ne fait difference Entre animal et vegetal, Et mineral, fut-ce metal Qui t'enamoure, Nat. à l'alch. err. 69.

XVIe s. La distillation des eaux et essences tirées de toutes sortes d'herbes, racines et fleurs, Lanoue, 479. En une seule essence divine, il y a trinité de personnes, Calvin, Inst. 73. Ainsi les actions de vertu ne sont souvent que masques, elles en portent le visage, mais elles n'en ont pas l'essence, Charron, Sagesse, II, 3.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. essentia ; espagn. esencia ; ital. essenzia ; du latin essentia, de esse, être.