« guinder », définition dans le dictionnaire Littré

guinder

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guinder

(ghin-dé) v. a.
  • 1Lever en haut par le moyen d'une machine. Nous admirâmes les peines qu'ils [les ennemis] eurent à guinder leur canon si haut, Saint-Simon, 40, 220. Il [le roi d'Eldorado] donna l'ordre sur-le-champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du royaume [il s'agit de franchir des montagnes droites comme des murailles qui entourent Eldorado], Voltaire, Candide, 18. Vous avez beau dire et beau faire, Charles Quint n'a jamais brûlé de Luthériens à petit feu ; on ne les a pas guindés au haut d'une perche en sa présence, pour les descendre à plusieurs reprises dans le bûcher, Voltaire, Lett. Gaillard, 28 avril 1769.

    Terme de marine. Synonyme de hisser, en parlant d'un mât.

    Par extension. Nous le [Condillac] mènerions aux Délices, et de là nous le guinderions par le mont Cenis à Turin, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 26 janv. 1758.

    Fig. Il est quelques esprits dont l'orgueil curieux Jusques à mes secrets les plus mystérieux Tâche à guinder l'essor de leur intelligence, Corneille, Imit. III, 4. Les machines qui l'avaient guindé si haut par l'applaudissement et les éloges, sont encore toutes dressées pour le faire tomber dans le dernier mépris, La Bruyère, VIII. Les échasses de l'étiquette Guindent bien haut des cœurs bien bas, Béranger, Vertu de Lis.

  • 2 Fig. Donner une élévation factice. Guinder son style. Se guinder l'esprit. Il ne faut pas guinder l'esprit ; les manières tendues et pénibles le remplissent d'une sotte présomption, Pascal, Géométr. II. Ils font voir par là que la vertu ne leur est guère naturelle, et qu'il leur a fallu de grands efforts pour guinder leurs âmes jusques à l'état où ils sont si fiers de se faire voir, Nicole, Essais, t. III, p. 140, dans POUGENS. Vous avez guindé la sculpture, Béranger, Pauvres amours.
  • 3Se guinder, v. réfl. Se hisser soi-même, se porter à un lieu plus élevé. Les uns se soulevaient eux-mêmes, les autres se guindaient avec des cordes, Vaugelas, Q. C. VII, 11.

    Par extension. Et se guinda, quittant la terre, Vers la région du tonnerre, Scarron, Gigantom. II. Nous grimpons à son cinquième étage et par une échelle nous nous guindons à un sixième qui était un cabinet ouvert à tous les vents, Montesquieu, Lett. pers. 45.

    Terme de fauconnerie. Se guinder, se dit d'un oiseau qui s'élève à perte de vue.

  • 4 Fig. Prendre des airs de grandeur. C'est vraiment une plaisante chose à voir que cette cour [de Bonaparte] et comme tout cela se guinde peu à peu, Courier, Lett. I, 125.

    Affecter trop d'élévation dans les choses morales, dans les choses d'esprit. Je trouve qu'il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins et dire des injures aux hommes, que d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, Molière, Critique, 7. Toutes les fois qu'on se veut guinder au-dessus des nues, on s'y perd, ou, pour parler plus simplement, on manque de précision et de justesse, Bossuet, Ét. d'orais. II, 14. On n'a pas été plus indulgent pour Callisthène, qui, en certains endroits de ses écrits, ne s'élève pas proprement, mais se guinde si haut qu'on le perd de vue, Boileau, Longin, Sublime, chap. 2. Il n'était pas comme les rois de l'Inde, Qu'on ne voit point, qui craignent le grand jour, Et dont la majesté sur la terreur se guinde, Lamotte, dans DESFONTAINES. Il est plus facile de prendre l'essor et de se guinder sur de grands sentiments, que d'attraper une plaisanterie fine et délicate, Lesage, Diable boit. 14. Il vaut mieux écrire froidement que de se guinder, Vauvenargues, Dial. Isocrate, Démosth. Ceux qui pensent peu, s'occupant beaucoup des mots et cherchant des expressions extraordinaires, sont sujets à se guinder au delà du naturel, et donnent dans le ridicule et dans le phébus, La Harpe, Corresp. t. II, p. 308, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XVIe s. Le prince despité… encores qu'il vist ses navires desguarnis d'hommes, fit guinder, se met aux trousses de Lansac…, D'Aubigné, Hist. II, 300. Pour faire un corps bien espagnolé, quelle gehenne ne souffrent-elles [les femmes], guindées et cenglées, à tout de grosses coches sur les costez, jusques à la chair vifve ? Montaigne, I, 308.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, wainî, guinder, monter un cric ; espagn. et portug. guindare ; ital. ghindare ; de l'anc. h. allem. windan ; angl. to wind, hisser.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GUINDER. Ajoutez :
4 Terme de pontonnier. Faire le guindage (voy. GUINDAGE au Supplément).