« habiller », définition dans le dictionnaire Littré

habiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

habiller

(a-bi-llé, ll mouillées, et non a-biyé) v. a.
  • 1Rendre propre à, disposer (sens primitif, conservé seulement dans certains métiers).

    Terme de cuisine. Dépouiller, vider du gibier, du poisson pour l'accommoder. Habiller un lapin, de la volaille. Habillez-moi ces poissons, et, pour ce grand brochet, laissez-le un peu jouer dans l'eau, Port-Royal, Térence, Adelphes, III, 4, dans RICHELET.

    Terme de boucherie. Faire l'habillage d'une bête tuée.

    Terme de pêche. Fendre la morue que l'on veut saler et en ôter l'arête.

    Terme de jardinage. Habiller un arbre, en écourter les branches, en visiter les racines avant de le planter, les rafraîchir en les taillant et retrancher les racines endommagées.

    Enluminer les cartes à jouer.

    Préparer une peau de manière qu'elle puisse être employée.

    Préparer un cuir pour le mettre au tan.

    Monter et terminer une carde.

    Passer le lin et le chanvre par le séran ou peigne.

    Ajouter une anse, un pied, une oreille au corps d'une pièce de poterie.

  • 2En un sens particulier. Mettre sur quelqu'un les diverses pièces d'étoffe dont on couvre le corps. Habiller un enfant. Un valet de chambre qui habille son maître. On voit assez à l'air dont il est habillé, Que c'est l'original dont on nous a parlé, Regnard, Démocrite, IV, 5.

    Il n'est pas achevé d'habiller, signifie également, on n'a pas achevé de l'habiller, ou il n'a pas achevé de s'habiller.

  • 3Donner, fournir des habits à quelqu'un. Tous les ans il habille une famille pauvre. Il [un prince qui fait la guerre] trouve incontinent un grand nombre d'hommes qui n'ont rien à perdre, il les habille d'un gros drap bleu à cent dix sous l'aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, et marche à la gloire, Voltaire, Dict. phil. Guerre.

    Fig. Jésus, mon Sauveur, qui dites que l'on vous habille, quand on couvre la nudité de vos pauvres, Bossuet, Panég St Franç. d'Ass I.

  • 4Faire des habits à quelqu'un. C'est depuis vingt ans le même tailleur qui m'habille. Un philosophe se laisse habiller par son tailleur, et il y a autant de ridicule à fuir la mode qu'à l'affecter, La Bruyère, XIII.

    Absolument. Ce tailleur habille très bien.

    Fig. Habiller quelqu'un de toutes pièces, en dire beaucoup de mal.

    On dit dans le même sens, simplement, habiller. Voilà comme ils vous habillent, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 23 janv. 1757.

  • 5Faire prendre tel ou tel costume. Il y en a eu [des empereurs] qui ont habillé des Romains en Perses, afin de montrer des captifs des provinces qu'ils n'avaient pas conquises, Guez de Balzac, le Prince, 5.

    Fig. Habiller une pensée en vers, la mettre en vers. L'un en style pompeux habillant une églogue, Boileau, Disc. au roi. Souvent j'habille en vers une maligne prose, Boileau, Sat. VII. Le temps n'est plus, mes vers, où ma muse en sa force, Du Parnasse français formant les nourrissons, De si riches couleurs habillait ses leçons, Boileau, Épît. X.

    Fig. Donner à un personnage un caractère qui lui est étranger. En vain certains rêveurs nous l'habillent en reine [la raison], Veulent sur tous nos sens la rendre souveraine, Boileau, Sat. IV.

    En mauvaise part, habiller à la française les héros de l'antiquité.

    On dit dans un sens analogue : Ce traducteur a habillé Démosthène à la française.

  • 6Il se dit de l'effet que font les habits qu'on porte. Ce costume vous habille très bien.

    Absolument. Cette étoffe habille bien, elle est souple, maniable, s'adapte aux formes du corps.

  • 7 Par extension, couvrir, envelopper. Habiller de ronces le tronc d'un arbre pour le préserver de la dent des animaux. Il est fâcheux, grand roi, de se voir sans lecteur, Et d'aller du récit de ta gloire immortelle Habiller chez Francoeur le sucre et la cannelle, Boileau, Épît. I. Eschyle dans le chœur jeta les personnages, D'un masque plus honnête habilla les visages, Boileau, Art p. III.

    Fig. Habiller un conte, le raconter de manière que ce qu'il peut renfermer de graveleux ou de trop libre soit caché.

  • 8 Terme d'arts. Draper les figures. Ce peintre, ce sculpteur ne sait pas habiller ses figures.
  • 9S'habiller, v. réfl. Mettre des habits. Je m'habille et je pars. Il s'habille en berger, endosse un hoqueton, Fait sa houlette d'un bâton, La Fontaine, Fabl. III, 3.

    Se pourvoir d'habits. Il s'habille chez les premiers faiseurs.

    Il se dit de la manière de s'habiller. Il s'habille très bien. Il s'habille à l'antique. Cette femme ne sait pas s'habiller.

    Absolument, s'habiller, se mettre en toilette. Je vais dîner volontiers chez eux, parce que je n'ai pas besoin de m'habiller.

    Fig. Se couvrir. Quant Saint-Marc s'habilla des enseignes de Thrace, Régnier, Sat. X. Le monde aujourd'hui n'est plein… que de ces imposteurs qui… s'habillent insolemment du premier nom illustre qu'ils s'avisent de prendre, Molière, l'Av. V, 5.

  • 10 S. m. L'action d'habiller. Tant à son habiller qu'à sa promenade j'observai soigneusement son maintien [du roi], Saint-Simon, 268, 128. Si on lui faisait attendre au roi quelque chose à son habiller, c'était toujours avec patience, Saint-Simon, 410, 144.

HISTORIQUE

XVe s. Et après s'assemblerent la plus grand partie des plus nobles et mieux habillés [armés], Monstrelet, II, 96. Le roy entra le lendemain en la cité de Florence ; et lui avoit ledit Pierre fait habiller [tendre] sa maison, Commines, VII, 9. Vindrent aucuns messagers qui avoient ainsi veu habiller ces chanoynes [il est dit plus haut qu'on en tua cinq ou six et mit un autre en pièces], Commines, II, 7. Lors fit ainsi habiller les perdrix, et, quand elles furent prestes et rosties… le vin apporté, œufs en diverses façons habillés et mis à point, Louis XI, Nouv. XCIX. La suppliante se print à habiller le disner d'elle et des gens de son hostel, Du Cange, habilitare. Comme le suppliant est prest et habillé de faire plaisir et service à autruy, Du Cange, ib. Il fut habillé et pensé [pansé] ainsi qu'on le peut faire, Saligny, Hist. de Charles VIII, p. 24, dans LACURNE. Lors n'eut povoir d'aller plus avant, comme celluy qui tellement estoit habillé [maltraité] que il avoit perdu le povoir du corps, Lancelot du lac, t. III, f° 112, dans LACURNE. Si trouva son cheval tout sellé que Brisanne luy avoit faict habiller, ib. t. II, f° 86. Incontinent fit mondit seigneur habiller un bateau, qu'il fit bien equiper de mariniers, Hist. d'Artus III, connest. de France, p. 776, dans LACURNE.

XVIe s. Le mestier d'habiller à soupper et de faire la cuisine, Amyot, Lyc. et Numa comp. 4. Ne saichants par quel bout y commencer, ils habillerent bien fort à rire aux viels guerriers, Carloix, II, 18. Le chirurgien, chacune fois qu'il habillera le patient, comprimera la dure mere avec un tel instrument, Paré, VIII, 16.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. habillé, de habile dans le sens de commode, qui est à point, qui va. Habiller est proprement rendre dispos, mettre à point, d'où vêtir.