« hanter », définition dans le dictionnaire Littré

hanter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hanter

(han-té) v. a.
  • 1Visiter souvent, en parlant soit des lieux, soit des personnes. Ce n'est pas grand effort de hanter sans querelle Des esprits doux, des gens de bien, Corneille, Imit. II, 3. Soit qu'elles fussent des oiseaux Hantant la terre ou bien les eaux, Scarron, Virg. III. Je hante les palais, je m'assieds à ta table, La Fontaine, Fabl. IV, 3. Quatre animaux divers, le chat grippe-fromage, Triste oiseau le hibou, ronge-maille le rat, Dame belette au long corsage, Toutes gens d'esprit scélérat, Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage, La Fontaine, ib. VIII, 22. Comme une autre Diane elle hante les bois, Molière, Princ. d'Él. I, 1. Je ne remarque point qu'il hante les églises, Molière, Tart. II, 2. Elle lit Rodriguez, fait l'oraison mentale, Va pour les malheureux quêter dans les maisons, Hante les hôpitaux, visite les prisons, Boileau, Sat. X. La mauvaise compagnie qu'elle hantait, Hamilton, Gramm. 10. Il n'est pas connaissable depuis qu'il me hante, Regnard, Retour impr. 6. Peu hanter nos seigneurs les sots, Voltaire, Épît. 60.

    Fig. Dieu ne fit la sagesse Pour les cerveaux qui hantent les neuf sœurs, La Fontaine, Cloch. Nos âmes réunies Hantent les mêmes bords, vivent des mêmes vies, Lamartine, Joc. VI, 220.

  • 2 V. n. Il hante en mauvais lieux : gardez-vous de cela ; Non, si j'étais de vous, je le planterais là, Régnier, Sat. XII. …Pourquoi, surtout depuis un certain temps, Ne saurait-il souffrir qu'aucun hante céans ? Molière, Tart. I, 1.
  • 3Se hanter, v. réfl. Se voir, se visiter réciproquement.

PROVERBES

Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es, c'est-à-dire on juge aisément des mœurs d'une personne par sa société habituelle.

Cet homme a hanté les foires, a bien hanté les foires, c'est-à-dire c'est un vieux routier, c'est un homme qui a beaucoup d'expérience.

HISTORIQUE

XIIe s. Hanter les ordeez [servire immunditiis], Rois, p. 422. E tis peres ad mult guerre hantée, e ne demurrad pas od [avec] ses cumpaignuns, ib. 182. Les seraines [sirènes] en la mer hantent, Brut, I, p. 37.

XIIIe s. Car qui oiseus hante autrui table, Lobierres [flatteur] est, et sert de fables, la Rose, 11525. Il est bon c'on se gart de trere [tirer de l'arc] es lix [lieux] qui sunt hanté de gent, Beaumanoir, LXIX, 3. Michelez [un malade], einsi delivre el premier jour, demora à Saint Denis et hanta ledit tombel [de saint Louis] par neuf jours, Miracles St Loys, p. 172.

XIVe s. Il [le cerveau] est official, car il hante l'office du sens et du movement, H. de Mondeville, f° 15, verso. Pour ce qu'il [le cerveau] peust soufisanment toutes les actions faire et hanter, H. de Mondeville, ib. Que les hommes se hantassent et appreissent à traire en arcs et en arbalestes, Chr. fr. mss. p. 2, dans LACURNE. Adonc li dist Bertran : qui vous fait ci hanter ? C'est pour moi espier et aux Engloiz livrer ? Guesclin. 1370. Car qui hante les bons à honor vient tous dis, Et qui les chetis suit, tout adez est chetis, ib. 805.

XVe s. Je vous prie que vous me menez parmi vostre pays et parmi chemins non hantés, en Angleterre, Froissart, II, II, 236. Bon vin, qui nous fais rire et hanter nos amis, Je te tiendrai toujour ce que je t'ai promis, Basselin, XIX. Au saillir de mon enfance et en l'aage de pouvoir monter à cheval, je hantay à Lisle vers le duc Charles de Bourgongne, Commines, I, 1. Bruges où hantent toutes nations…, Commines, ib. Ilz allerent au lieu où hantoit cet ours, Commines, IV, 3.

XVIe s. Hanter mauvaise compagnie, Montaigne, I, 274. Il l'excommunie, commandant à chacun de ne parler ne hanter avec lui, Sleidan, p. 27. Il ne hantoit en leur part aucune navire pour y traffiquer, Amyot, Lyc. 4. Ilz hantoient familierement ensemble comme cousins germains, Amyot, Publ. 5. Ceste façon de rechercher leurs meurs, et escrire leurs vies, me semble proprement un hanter familierement et frequenter avec eulx, Amyot, P. Aem. 1. Hantez les boiteux, vous clocherez, hantez les chiens, vous aurez des puces, Noel Dufail, Cont. d'Eutrap. ch. XIX.

ÉTYMOLOGIE

Angl. to haunt ; allem. hantieren ; dan. hantere. Origine très controversée. Diez regarde hantieren comme venu du français, et pense que hanter est un mot introduit par les Normands dans le français (ce qui est tout à fait hypothétique), et qu'il vient de l'ancien scandinave heimta (de heim, chez soi), désirer un objet perdu ou absent. Scheller y verrait le verbe fictif hamitare, dérivé du bas-latin hamus, hameau, dérivé aussi du germanique heim, demeure. Hanter a, en outre, dans l'ancienne langue, un sens de exercer, pratiquer, qui fait songer Chevallet à l'allemand Hant ou Hand, main (Le mire de legier hantement, le chirurgien qui a de l'habileté de main, H. DE MONDEVILLE, f° 33). Comme le sens de hanter est celui du latin versari au propre et au figuré, le kimry et le bas-breton hent, chemin, qui convient pour la forme, pourrait aussi par détournement avoir fourni le sens de versari. Mais, après avoir passé tout cela en revue, ce qui reste de plus probable, c'est l'étymologie anciennement proposée du latin habitare, habiter ; le sens est bon, la forme aussi : car habĭtare, devenant habtare, a pris facilement une nasale, et, dérivant de habere, a eu dans la latinité et a pu avoir dans le français le sens de avoir souvent.