« modérer », définition dans le dictionnaire Littré

modérer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

modérer

(mo-dé-ré. La syllabe dé prend l'accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je modère ; excepté au futur et au conditionnel : je modérerai, je modérerais) v. a.
  • 1Tenir dans la juste mesure. La générosité n'a pu la modérer [la haine], Corneille, Sertor. III, 4. Enfin, la jeunesse nous guérit, et le temps modéra notre affliction, Scarron, Rom. com. II, 14. Jupiter ne tarda guère à modérer son transport, La Fontaine, Fabl. VIII, 20. La règle que donne saint Augustin est de modérer l'usage de la communion quand elle tourne en dégoût, Bossuet, Mar.-Thér. Laissons aux infidèles ces longues et sensibles douleurs que la religion ne modère pas, Fléchier, Lamoignon. M. de Vendôme modérera en Italie le feu du roi d'Espagne : mais qui modérera le sien ? Maintenon, t. II, p. 155, dans POUGENS. Modérez donc, seigneur, cette fureur extrême, Racine, Andr. III, 1. Modérez des bontés dont l'excès m'embarrasse, Racine, Phèd. II, 2. C'était lui [Ulysse] qui modérait le bouillant courroux d'Achille, Fénelon, Tél. X. Idoménée modère ses passions, Fénelon, ib. XXII. On peut modérer son feu ; on ne saurait en acquérir, Voltaire, Dict. phil. Froid.
  • 2Atténuer, rendre moindre, diminuer. Modérer le feu d'un fourneau. Vous allez trop vite, modérez votre marche. Tout cela est rigoureux, il est vrai ; mais de prétendre modérer tout cela, expliquer tout cela par des interprétations favorables à la cupidité de l'homme, c'est se tromper soi-même, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 92. Périclès prit son parti [d'Anaxagoras] avec tant de chaleur, qu'il fit modérer sa sentence, Fénelon, Anaxagoras. Roger avait fait modérer la redevance à 600 besans d'or, Voltaire, Mœurs, 48. Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de modérer l'ancien prix établi à Genève, Voltaire, Lett. Panckoucke, mars 1769. Mon peuple [l'espagnol] m'aurait abandonné, si j'avais voulu seulement modérer leurs abominables atrocités [des inquisiteurs], Voltaire, Princ. de Babyl. 11.
  • 3Se modérer, v. réfl. Se tenir dans une juste mesure. Qui sait se modérer, s'il veut, tout lui succède, Rotrou, St Genest, V, 2. Soit qu'il fallût se modérer dans les prospérités ou se soutenir dans les malheurs de la guerre…, Fléchier, Turenne. Modérez-vous de grâce, Racine, Bajaz. III, 1. Un grand monarque m'avait mandé que non-seulement Votre Majesté ferait la paix, mais qu'elle la ferait avec modération ; je ne vois pas pourquoi tant se modérer avec ce Moustapha [le sultan] qui ne se modérerait point s'il était vainqueur, Voltaire, Lett. Cather. 56.

    Être tenu dans une juste mesure. Ce zèle est trop ardent, souffrez qu'il se modère, Corneille, Poly. II, 6. Il y avait sujet d'espérer que, cette première chaleur se modérant un peu par le temps, ils [les réformés] jugeraient plus équitablement de notre doctrine, Bossuet, Réfut. catéch. Ferry. Préambule.

  • 4Devenir moins violent, être atténué. Le froid commence à en modérer. La chaleur s'est beaucoup modérée.

HISTORIQUE

XIVe s. Et pour ce convient-il que les delettacions soient bien mesurées et moderées, et que elles soient petites et en petit nombre, Oresme, Éth. 100.

XVe s. Que les dits trois points voulsissions moderer, et sur ce faire nostre declaration à son entencion, Lett. de Charles VII, dans Bulletin du Comité de la langue, t. III, p. 581. Se le monde ne se modere, Il en mourra par millions [il s'agit des excès de table], Rec. de farces, p. 400.

XVIe s. Quel profit a eu Achab de ce que la peine lui a esté moderée ? Calvin, Instit. 483. Et quand il pouvoit parler à part en privé avec Cinna, il l'addoulcissoit le plus qu'il pouvoit, et le rendoit par ses prieres plus moderé, Amyot, Sertor. 7. Car ne pouvant mon ardeur moderer Par mes soupirs…, Desportes, Diverses amours, XVI, Chanson.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. moderar ; ital. moderare ; du lat. moderari, dérivé de modus, mesure (voy. MODE 1). L'r y est pour l's : modesari, comme dans temperare, de tempus, pour tempesare, vulnerare, de vulnus, pour vulnesare.