« pavé.2 », définition dans le dictionnaire Littré

pavé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pavé [2]

(pa-vé) s. m.
  • 1Morceau de grès, de pierre dure dont on se sert pour paver. Le fidèle émoucheur Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur, La Fontaine, Fabl. VIII, 10. [Sur le ruisseau d'une rue] Un ais sur deux pavés forme un étroit passage, Boileau, Sat. VI. Les larges pavés blancs de Naples, ces pavés de lave, Staël, Corinne, XV, 1. C'est cette femme enfin [la Liberté]… qui vient… D'écraser une armée et de broyer un trône Avec quelques tas de pavés, Barbier, la Curée.

    Gros pavé, celui dont on se sert pour les rues et les grands chemins.

    Petit pavé, celui qu'on emploie pour paver les cours, les cuisines, etc.

    Pavé refendu, celui dont on pave les cours, les écuries, etc. qui est aussi de grès, mais qui n'a d'épaisseur que la moitié de celle de l'autre.

    Pavés d'échantillon, ceux qui sont des grandeurs réglées par la coutume. Le gros pavé, qu'on appelle aussi pavé de grand échantillon, et qui est nommé carreau dans les statuts des marchands paveurs, porte 7 à 8 pouces en carré, le menu ou du petit échantillon n'est que de 4 à 5, Dict. des arts et mét. Paveur.

    Pavé bâtard, pavé qui n'a pas la dimension requise.

    Pavé de deux, chacune des parties d'un pavé d'échantillon refendu en deux ; on dit pareillement : pavé de trois.

    Pavé de démolition, celui qui provient de la suppression d'un pavage quelconque.

    Fig. Quel pavé lui est tombé sur la tête ! quel événement fâcheux et étourdissant lui est arrivé (par allusion au pavé que l'ours lança à la tête de son ami le vieillard, dans la fable de la Fontaine).

    Par la même allusion, pavé se dit aussi d'un éloge maladroit. On dit encore : c'est le pavé de l'ours.

  • 2Assemblage de pavés qui couvent une aire, une surface. Le pavé d'une cour, d'une rue. Tu le vois tous les jours [le roi Louis XIV], devant toi prosterné, Humilier ce front de splendeur couronné, Et, confondant l'orgueil par d'augustes exemples, Baiser avec respect le pavé de tes temples, Racine, Esth. Prol. En voyant l'étranger, d'un pied silencieux, Fouler avec respect le pavé de ces lieux, Lamartine, Harold, 17. Le pavé de marbre qui environne ce sanctuaire est creusé par les pèlerins qui en ont fait le tour à genoux, Staël, Corinne, XV, 5.
  • 3Il se dit de la voie publique, en tant que garnie de pavés. Le pavé est glissant. Entretenir le pavé. Suivre le pavé. Est-ce qu'on me fera attendre toute la journée sur le pavé, et qu'on ne me fera point venir mon carrosse ? Molière, Pourc. III, 2. Nous avons eu ici des glaces et des neiges insupportables ; les rues étaient de grands chemins rompus d'ornières ; nous commençons depuis quelques jours à revoir le pavé…, Sévigné, 27 février 1679. Ma muse, qui se plaît dans leurs routes perdues [des bois], ne saurait plus marcher sur le pavé des rues, Boileau, Épître VI.

    Se promener sur le pavé de Paris, se promener dans les rues de Paris.

    Disputer le pavé, disputer le pas dans une rue. Un prince du sang à qui on disputait le pavé, et les armes à la main, Retz, III, 50.

    Fig. Faire quitter le pavé à quelqu'un, le faire retirer, faire qu'il n'ose plus se montrer.

    Fig. Abandonner le pavé à quelqu'un, lui laisser le champ libre. Il avait abandonné le pavé à trois ou quatre docteurs qui s'étaient mis en réputation…, Lesage, Gil Blas, X. 1.

    Fig. Brûler le pavé, aller très vite à cheval ou en voiture.

    Être sur le pavé, n'avoir point de domicile.

    Fig. Être sur le pavé, n'avoir point de condition, d'emploi. Mlle de Coëtlogon est avec Mme de Richelieu… Théobon [autre demoiselle d'honneur] apparemment ne demeurera pas sur le pavé, Sévigné, 27 nov. 1673. Que le ciel nous console ! nous voilà tous trois sur le pavé, Marivaux, l'Heur. stratag. I, 7. Je me trouvais sur le pavé de Paris, où l'on ne vit pas pour rien, Rousseau, Confess. VII.

    On l'a mis sur le pavé, on l'a fait sortir de son logement, et il n'en a pas d'autre. Me laisser sur le pavé comme une malheureuse ! Dancourt, la Parisienne, SC. 6.

    On a mis ses meubles sur le pavé, on les a mis dans la rue.

    Fig. Il est tombé sur le pavé, il a le nez sur le pavé, sa fortune est mauvaise et renversée.

    Je suis sur le pavé du roi, c'est-à-dire vous n'avez pas le droit de me faire sortir de cette rue ou place publique. Oh ! doucement, monsieur, je ne suis plus à vous, ni chez vous ; je suis à moi et sur le pavé du roi, Legrand, Métam. amour. SC. 1.

    Ironiquement, c'est tout pavé, pour dire : c'est très loin d'ici, mais la route est si bonne !

    Bride en main sur le pavé, c'est-à-dire il est dangereux de galoper sur le pavé ; et fig. il ne faut rien précipiter dans les affaires délicates.

    Fig. Être le maître du pavé, dominer, n'être plus gêné en rien. Comme nous nous sentions maîtres du pavé, Retz, III, 5. Vous êtes le maître du pavé présentement, monsieur le comte, Sévigné, à Bussy. 14 mai 1675.

    Battre le pavé, aller et venir sans but, sans occupation. Crois-tu qu'un juge n'ait qu'à faire bonne chère, Qu'à battre le pavé comme un tas de galants ? Racine, Plaid. I, 4. J'avais résolu, dis-je à Nunez, de battre un peu le pavé et de me donner du bon temps, avant que de me remettre à servir, Lesage, Gil Blas, VII, 14.

    Un batteur de pavé, un fainéant, un vagabond, qui n'a d'autre emploi que de se promener.

    Fig. Tâter le pavé, agir avec circonspection. Les beaux-frères de Barbezieux étaient toujours en brassière de ses humeurs, et ses meilleurs amis ne l'abordaient qu'en tâtant le pavé, Saint-Simon, 85, 105.

    Fig. Le pavé est chaud, les circonstances sont difficiles, imminentes. Je suis d'une impatience rare, et le pavé est toujours chaud, Corresp. du général Klinglin, I, 446.

    Ce médecin, ce maître de musique, etc. gagne beaucoup sur le pavé de Paris, c'est-à-dire les rues de Paris qui sont pavées lui valent beaucoup : il a beaucoup de pratiques, d'écoliers, etc. J'ai dessein de te laisser tous les biens que j'ai gagnés sur le pavé de Murcie, Lesage, Estev. Gonz. ch. 30.

  • 4Le haut du pavé, la partie du pavé qui est du côté des murailles, parce qu'autrefois les rues étaient pavées en chaussée fendue, c'est-à-dire avec le ruisseau au milieu. Je fus tout étonné de voir que cette compagnie ne se mettait guère en peine de vous céder le haut du pavé, Chaulieu, à la duch. du Maine. La marche des carrosses et le haut du pavé ont été encore des témoignages de grandeur, des sources de prétentions, de disputes et de combats, pendant un siècle entier, Voltaire, Dict. phil. Cérémonies.

    Fig. et familièrement. Tenir le haut du pavé, avoir la prépondérance. Les enfants de Paris ont le haut du pavé en l'absence de la cour, Scarron, Lett. Œuv. t. I, p. 199, dans POUGENS. Cette créature [une comédienne maîtresse de Charles II] tient le haut du pavé, et décontenance et embarrasse extraordinairement la duchesse [autre maîtresse], Sévigné, 11 sept. 1675.

    On dit dans le même sens : Personne ici ne peut lui disputer le haut du pavé ; Il a pris le haut du pavé sur toutes les personnes de sa profession.

  • 5Pavé de mosaïque, pavé fait de plusieurs petits cubes de pierre ou de marbre diversement colorés, qui, joints ensemble, représentent plusieurs figures.
  • 6Grosse pièce de pain d'épice.
  • 7Pavé des géants, amas prodigieux de colonnes basaltiques en Irlande.
  • 8Pavé d'Italie ou natte d'Italie, cône mosaïque, coquille.

    PROVERBE

    Du pavé sèc et bois mouillé libera nos, domine, c'est-à-dire que l'un et l'autre sont dangereux et incommodes.

HISTORIQUE

XIVe s. Si avant que le pavé d'une maison est, c'est à dire de la salle, de la chambre, la porte, les huys et le colombier, sont heritages, Bouteiller, Somme rural, titre 74, p. 431, dans LACURNE.

XVIe s. Si c'estoit une habitude de vertu, et non une saillie, elle rendroit un homme pareillement resolu à touts accidents… car, quoy qu'on dise, il n'y a pas aultre vaillance sur le pavé, et aultre au camp, Montaigne, II, 7.

ÉTYMOLOGIE

Pavé 1 ; wallon, pavaie, s. f.