« rabaisser », définition dans le dictionnaire Littré

rabaisser

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rabaisser

(ra-bê-sé) v. a.
  • 1Mettre plus bas, placer au-dessous. Ce tableau est trop haut, il faut un peu le rabaisser.

    Fig. La seule présomption suffit pour le rabaisser devant Dieu aux derniers rangs, Bourdaloue, 10e dim. après la Pentecôt. Dominic. t. III, p. 189.

  • 2Diriger vers le bas. Et souffre que j'espère Que tu pourras un jour rabaisser l'œil sur moi, Molière, Psyché, V, 3.

    Cet oiseau a rabaissé son vol, il est descendu de la hauteur où il s'était élevé, il vole plus bas.

    Fig. Cet homme a rabaissé son vol, il a réduit ses dépenses, ses prétentions.

    Terme de manége. Rabaisser les hanches du cheval, asseoir un cheval disposé à s'élever sur les jarrets, ou à marcher et à travailler sur les épaules.

  • 3 Terme de relieur. Couper, du côté de la gouttière, les cartons de la couverture d'un livre.

    Pointe à rabaisser, outil en acier long de 24 à 30 pouces, de la forme d'un couteau à rogner.

    Terme de jardinage. Diminuer la longueur d'un arbre, d'une branche.

  • 4Faire descendre plus bas dans le temps. La première fondation de Tarse, qu'il [Fréret] prétendait rabaisser jusqu'au temps de Sardanapale, Petit-Radel, Inst. Mém. hist. et litt. t. II, p. 13.
  • 5Rabaisser la voix, l'élever moins. Rabaissez un peu votre voix.
  • 6Diminuer, en parlant de prix, de valeur. Rabaisser le taux des denrées. Rabaisser les monnaies. Son fermier lui vint signifier [à un propriétaire] l'autre jour de la rabaisser considérablement [une terre, d'en diminuer le fermage], Sévigné, 21 août 1675.

    Absolument. Je conclus aujourd'hui toutes mes affaires… j'ai fait un nouveau bail sans rabaisser, Sévigné, 21 oct. 1673.

  • 7 Fig. Réduire à un degré plus bas. Quelque éclairé que soit un sujet, sa condition est toujours rabaissée par la dépendance, Pascal, dans COUSIN. Si vous le tracassez [l'enfant de Mme de Grignan], vous le déconcerterez au point qu'il n'en reviendra jamais… il faut donner du courage, et observer de ne point le rabaisser, Sévigné, 2 juillet 1677. Cette douleur [la mort d'un parent] nous rabaisse la joie de notre petite victoire [gain d'un procès], Sévigné, 18 mars 1689. Pensée capable de rabaisser toutes les enflures du cœur le plus vain, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 120. Il n'y eut jamais de capitaine grec qui rabaissât la fierté et la puissance du grand roi de Perse, comme le fit Cimon, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 346.

    Rabaisser le caquet à quelqu'un, faire qu'une personne disposée à élever la voix, à parler beaucoup, parle moins. Mme de Richelieu me parut abbattue… les fatigues de la cour ont rabaissé son caquet ; son moulin me parut en chômage, Sévigné, 110.

    Fig. Rabaisser le caquet de quelqu'un, à quelqu'un, confondre par des raisons ou faire taire par autorité celui qui parle avec présomption ou insolence.

    On dit dans le même sens : rabaisser le ton à quelqu'un, ou faire rabaisser le ton à quelqu'un.

    Rabaisser le caquet, signifie dissiper les idées, les espérances qu'on s'était faites. Je vous assure que cela [Mme de Grignan, accouchant d'une fille au lieu d'un garçon] rabaisse le caquet, Sévigné, 5.

  • 8Déprécier, estimer au-dessous de sa valeur. Vous rabaissez trop cette marchandise.

    Fig. Eh, mon Dieu, ma fille ! que me dites-vous ? quel plaisir prenez-vous à dire du mal de votre personne, de votre esprit, à rabaisser votre bonne conduite ? Sévigné, 111. Je vous rabaissais le plus que je pouvais cette petite victoire [avoir fait un syndic], Sévigné, 15 déc. 1673. Nous sommes beaucoup plus enclins à rabaisser le prochain dans notre estime qu'à le relever, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 212. Ne rabaissons point malicieusement, en faveur de notre nation, le plus ingénieux auteur des derniers siècles [l'Arioste], Boileau, Dissert. sur Joconde. Que sais-je ? j'ai peut-être avec trop de chaleur Rabaissé ses présents, ou blâmé sa douleur, Racine, Bérén. II, 5. En rabaissant ainsi ma réputation, il voulait…, Fénelon, Tél. XII. En toute occasion rabaisse mes rivales, Favart, Soliman II, II, 11. Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas à vous de rabaisser la poésie ; j'aimerais autant que M. d'Alembert et M. le marquis de Condorcet rabaissassent les mathématiques, Voltaire, Mél. litt. à M. Rosset. Quand les Français [le théâtre Français] seront assez heureux pour qu'on leur donne une pièce telle que le Glorieux, gardez-vous bien de vouloir rabaisser leur succès, sous prétexte que ce ne sont pas des comédies dans le goût de Molière, Voltaire, Mél. litt. Cons. à un journ. Ceux qui ont voulu relever la naissance de Sixte-Quint n'ont pas songé qu'en cela ils rabaissaient sa personne, Voltaire, Mœurs, 184.

  • 9Humilier, avilir. En plaçant un pupitre on croit nous rabaisser, Boileau, Lutr. IV. [Les soldats] Honteux de rabaisser par cet indigne usage Les héros dont encor elles [les aigles] portent l'image, Racine, Brit. IV, 2. En voulant soulager les peuples, me disait-il, vous rabaissez la puissance royale, Fénelon, Tél. XII.
  • 10 V. n. Perdre de sa valeur, en parlant d'un objet. Malgré la belle réputation de la Bretagne, tout y est misérable, nos terres rabaissent, Sévigné, 9 juin 1680.
  • 11Se rabaisser, v. réfl. Se mettre plus bas. Se dit du cheval qui n'a pas assez de force pour continuer ses courbettes aussi élevées qu'il les a commencées.

    Fig. Distinguez toujours ce qui est de la fortune et ce qui sera de vous ; il arrivera de là que vous ne vous élèverez et que vous ne vous rabaisserez jamais trop, Voiture, Lett. 89. À quels usages ne se rabaissent-ils point pour nous obliger ? Sévigné, 431. L'orgueil ne pouvait pas se rabaisser jusqu'aux humiliations, Bossuet, Hist. II, 12.

  • 12Se déprécier les uns les autres. Ce n'est pas toujours par jalousie que réciproquement on se rabaisse, Vauvenargues, Max. 208.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si con cil rabessoit son pié, Renart l'a pris par mi as denz, Ren. 5102.

XVe s. Soussy jamais ne cessera, Mais mon plaisir rabessera, En quelque place que je voyse [aille], Orléans, Rep. à Fred.

XVIe s. Cela se faict pour [leur arracher] quelque parole molle et rabaissée, Montaigne, I, 242. Aussi n'y eut il jamais capitaine grec qui r'abaissast et refresnast plus la fierté ny la puissance du grand roi, Amyot, Cimon, 19. Cela luy a bien rabaissé le menton, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Re…, et abaisser ; bourguig. réboissé ; wallon, rabahî.