« sacrement », définition dans le dictionnaire Littré

sacrement

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sacrement

(sa-kre-man) s. m.
  • 1Acte religieux institué de Dieu pour la sanctification des âmes. Les sacrements de l'ancienne loi, de la nouvelle loi. La circoncision était un sacrement de l'ancienne loi.
  • 2Chez les chrétiens, cérémonie destinée à la consécration religieuse des diverses phases de la vie privée des fidèles ; les sacrements sont au nombre de sept. Les Grecs n'ont point d'autre mot pour signifier sacrement que celui de mystère ; et les Pères latins appellent souvent le mystère de l'incarnation le sacrement de l'incarnation et ainsi des autres, Bossuet, Var. IV, 10. Sacrement, dans notre usage ordinaire, veut dire un signe sacré ; mais, dans la langue latine, d'où ce mot est venu, sacrement veut dire souvent chose haute, chose secrète et impénétrable, Bossuet, ib. IV, 10. Les sacrements de la nouvelle alliance ne sont pas seulement des signes sacrés qui nous représentent la grâce, ni des sceaux qui nous la confirment, mais des instruments du Saint-Esprit, qui servent à nous l'appliquer, et qui nous la confèrent en vertu des paroles qui se prononcent, et de l'action qui se fait sur nous en dehors, pourvu que nous n'y apportions aucun obstacle par notre mauvaise disposition, Bossuet, Expos. doctr. cath. 9. Que ce n'est point pour les sacrements que Dieu a formé les hommes, mais que c'est pour les hommes qu'il a institué les sacrements, Bourdaloue, Dim. oct. du St Sacrement, Dominic. t. II, p. 315.

    Fig. Contentons-nous quelquefois du sens littéral ; ne cherchons pas un sacrement sous chaque syllabe et sous chaque point, Guez de Balzac, De la cour, 3e disc.

    Priver des sacrements, refuser les sacrements, peine spirituelle que l'Eglise inflige quelquefois. La décision en est précise dans les rituels, la pratique en est constante : on prive des sacrements, et à la vie et à la mort, ceux qui jouent la comédie, s'ils ne renoncent à leur art, Bossuet, Comédie, 11. (cette proposition est aujourd'hui reconnue fausse, depuis que Mgr Affre, archevêque de Paris, sollicité à ce sujet par un comédien, a fait faire des recherches et s'est assuré que l'Église n'avait jamais excommunié les comédiens). Bientôt après, les billets de confession reparurent ; de nouveaux refus de sacrements irritèrent tout Paris, Voltaire, Louis XV, 36.

    S'approcher des sacrements, se confesser et communier. L'humble princesse [après son retour à la foi] ne crut pas qu'il lui fût permis d'approcher d'abord des saints sacrements, Bossuet, Anne de Gonz.

    Fréquenter les sacrements, se confesser et communier souvent.

    Il a eu, il a reçu tous les sacrements, on lui a donné tous les sacrements, les derniers sacrements, se dit d'un mourant qui a reçu le sacrement de la pénitence, l'eucharistie et l'extrême-onction. Après qu'elle [la duchesse d'York] eut reçu ses sacrements avec une piété et un zèle incomparable, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 251. Tout chrétien doit présumer le salut de son prochain, quand il est mort dans le sein de l'Église avec tous ses sacrements, Sévigné, 3 sept. 1688. Qu'elle nous parut au-dessus de ces lâches chrétiens qui s'imaginent avancer leur mort quand ils préparent leur confession ; qui ne reçoivent les saints sacrements que par force ; dignes certes de recevoir pour leur jugement ce mystère de piété qu'ils ne reçoivent qu'avec répugnance ! Bossuet, Duch. d'Orl. Luxembourg reçut ses sacrements, et témoigna de la religion et de la fermeté, Saint-Simon, XXVI, 43. Il [l'abbé Houteville] fut secrétaire de ce fameux cardinal Dubois, qui ne voulut jamais recevoir les sacrements à la mort, et dont la vie a été publique, Voltaire, Phil. Déf. Bolingbroke, préambule.

    On dit dans un sens analogue : demander les sacrements. Elle [Madame] demande elle-même les sacrements de l'Église, la pénitence avec componction, l'eucharistie avec crainte…, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Populairement et fig. Avoir tous les sacrements, se dit d'une chose à laquelle on a fait tout ce qui était à faire, et d'une personne qui a bien mangé et bien bu.

  • 3Le saint sacrement de l'autel, ou, absolument, le saint sacrement, l'eucharistie. Porter le saint sacrement à un mourant. 2e exemple sur le sujet du saint sacrement… l'hérésie d'aujourd'hui [les calvinistes], ne concevant pas que ce sacrement contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice, croit qu'on ne peut admettre l'une de ces vérités sans exclure l'autre, Pascal, Pensées, XXIV, 12, éd. HAVET. Le membre de la Convention qui a la plus grande idée de lui-même, c'est Saint-Just ; on voit dans sa démarche et dans son maintien qu'il regarde sa tête comme la pierre angulaire de la république, et qu'il la porte sur les épaules avec respect et comme un saint sacrement, Camille Desmoulins, Lettre à A. Dillon, p. 52.

    Fille du Saint-Sacrement, membre d'une communauté de femmes, dont l'institution avait pour but principal l'adoration du saint sacrement de l'autel.

  • 4L'ostensoir, le soleil d'or ou d'argent destiné à renfermer l'hostie. Donner un saint sacrement à une église. Partout se présentaient… des saints sacrements de vermeil dessinés par les Bertrand et les Cotte, Chateaubriand, Génie, IV, I, 2. Voici la lettre que l'on m'adresse : Monsieur, vous dites que vous avez vu en vente, chez un marchand d'habits, un saint sacrement en cuivre argenté ; vous avez fait une étrange métonymie : vous avez indiqué le contenant pour le contenu ; l'objet qui renferme le saint sacrement, l'hostie consacrée, s'appelle ostensoir, Alph. Karr, les Guêpes, mars 1844.

    Malgré cette critique, la metonymie est reçue par l'usage.

  • 5Absolument et par plaisanterie. Le sacrement, le mariage. Ils s'adorent l'un l'autre, et ce couple charmant S'unit longtemps, dit-on, avant le sacrement, Boileau, Lutr. I. Ici, c'est un miracle, quand une fille écoute sur un autre ton que celui du sacrement, Hamilton, Gramm. VI.

HISTORIQUE

XIIe s. Ô naissance pleine de sainteit, neant encerchable as angeles por la profondesce del saint sacrement, Saint Bernard, 530. De Deu as poesté et sun corunement ; De prince ne de lai ne l'as seculerment ; Car as prelaz apent e ordre e sacrement, Th. le mart. 75. Li clerc forfait serunt à l'evesque livré ; En quel guise e coment serunt desordené ? Coment serunt li mot del sacrement osté ? ib. 30.

XIIIe s. Nous veons que se uns hons ou uns clers qui ne seroit pas ordenés à prestre, disoit une messe et toutes les paroles du sacrement, por riens qu'il feit et deist, il ne porroit fere sacrement, tout deist il ices paroles meismes que li prestres dist, Beaumanoir, XI, 26. Li sains homs la messe canta ; Et quant ce vint au sacrement, Que le corps Dieu tint en present…, Du Cange, sacramentum.

XIVe s. Beaux sires, grans mercis ; car, par mon sacrement ! Je ne vous en faudrai, sachiez-le vraiement, Guesclin. 1686. [Bertran] Moult bien se confessa, receut son sacrement, Et disoit mains regrez, ib. 22684. Au sacrement [sacre] du roy ot noble baronie, ib. 4950.

XVIe s. Sacrement est un signe visible de la chose sacrée, ou une forme visible de la grace invisible… partout où le translateur commun du nouveau testament a voulu exposer en latin ce mot grec, mystere, il a dit sacrement, Calvin, Instit. 1027. Que les habitants dudit lieu [Reilhé près Baugé] estoient quotizez à la taille et impositions, et aussi y prenoient tous leurs sacremens, Coust. gén. t. II, p. 35.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sacramain ; provenç. sacrament, sagrament ; esp. sacramento ; ital. sacramento, sagramento ; du lat. sacramentum, de sacrare, sacrer.