« sacré », définition dans le dictionnaire Littré

sacré

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sacré, ée

(sa-kré, krée) part. passé de sacrer
  • 1Qui a reçu le sacre. Charles X sacré à Reims.
  • 2Qui est consacré à un emploi spirituel, en parlant des personnes ou des choses. Recevez des mains de l'Église le dévot habit du grand saint Bernard, ou plutôt représentez-vous la main de Jésus invisiblement étendue ; c'est lui qui vous couvre de ce sacré voile, qui sera le rempart de votre pudeur, Bossuet, 3, Vêture, 2. Quelle ardeur de vengeance De ces hommes sacrés rompit l'intelligence ? Boileau, Lutr. I. Si l'on dit qu'une personne, un édifice sont sacrés, cela signifie qu'ils sont consacrés, employés à des usages spirituels, Voltaire, Dict. phil. Droit canonique.

    Vases sacrés, vases servant au culte dans les diverses religions. Balthazar fait apporter les vaisseaux sacrés enlevés du temple de Jérusalem, et mêle la profanation avec le luxe, Bossuet, Hist. II, 4.

    Ordres sacrés, la prêtrise, le diaconat et le sous-diaconat, par opposition aux ordres mineurs.

    Les livres sacrés, l'Ancien et le Nouveau Testament.

    Les lettres sacrées, l'étude et la connaissance de ces livres et de la religion.

    L'histoire sacrée, l'histoire du peuple de Dieu, par opposition à l'histoire profane ou des gentils.

    Le sacré collége, le collége des cardinaux.

    La sacrée faculté, la faculté de théologie.

    Le Sacré-Cœur, voy. CŒUR, n° 1.

  • 3Il se dit, par antiphrase, de ce qui, étant sacré de sa nature, est détourné à une mauvaise fin. [Les faux dévots] D'autant plus dangereux dans leur âpre colère Qu'ils prennent contre nous des armes qu'on révère, Et que leur passion, dont on leur sait bon gré, Veut nous assassiner avec un fer sacré, Molière, Tart. I, 6. Les sacrés attentats qu'on ose préparer, Voltaire, Lois de Minos, I, 1.
  • 4Qui concerne la religion et le culte des dieux, chez les polythéistes. Le bœuf sacré des Égyptiens. Furieuse elle vole, et sur l'autel prochain Prend le sacré couteau, le plonge dans son sein, Racine, Iphig. V, sc. dern.

    Feu sacré, feu qui chez les Romains et d'autres peuples anciens était constamment entretenu. Le feu sacré de Vesta. Qu'un Perse ait conservé le feu sacré cent ans, Le pauvre homme est brûlé quand il tombe dedans, Vers de Sadid, dans VOLT. Dict. phil. Zoroastre.

    Fig. Le feu sacré, voy. FEU 1, n° 4.

    Les livres sacrés des Indiens, les Védas ; les livres sacrés des parsis, le Zend-Avesta.

    Guerre sacrée, se dit de trois guerres entreprises par les Grecs pour la défense du temple de Delphes.

    Bataillon sacré, voy. BATAILLON, n° 3.

    Cette dénomination s'est appliquée à des corps d'élite, chez plusieurs nations modernes, et surtout à ceux qui se formèrent dans des retraites et des déroutes. L'empereur rassembla autour de lui tous les officiers de cette arme [cavalerie] encore montés ; il appela cette troupe d'environ cinq cents maîtres, son escadron sacré, Ségur, Hist. de Nap. XI, 3. Le bataillon sacré, seul devant une armée, S'arrête pour mourir, Delavigne, Messéniennes, Waterloo.

    Année sacrée, année pendant laquelle on célébrait des jeux périodiques.

    Nouvelle ou première année sacrée, s'est dit de celle de l'avénement de l'empereur régnant ; les suivantes s'appelaient, seconde année sacrée, etc.

    Danse sacrée, danse faisant partie du culte.

    Poulets sacrés, poulets dont on observait à Rome la manière de manger pour en tirer des augures. Un autre fit plus, et, voyant que les poulets sacrés ne mangeaient point, il les jeta dans la mer, disant : Qu'ils boivent donc, puisqu'ils ne veulent pas manger, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 2e part. p. 441, dans POUGENS. Nos poulets sacrés et nos augures dont vous [Cicéron] vous moquez avec tant de grâce dans votre traité de la Divination, Voltaire, Lett. de Memmius, 2. Un homme qui avait fait à Rome un argument contre les poulets sacrés se regardait peut-être comme un philosophe, Vauvenargues, Réfl. et max. 325.

    La voie Sacrée, nom d'une rue de l'ancienne Rome.

  • 5Langue sacrée, langue dans laquelle sont écrits les ouvrages qui traitent d'une religion. Le sanscrit est la langue sacrée chez les Indiens. Je suis très étonné qu'aucun de nos Français n'ait eu la curiosité d'apprendre à Bénarès l'ancienne langue sacrée, comme ont fait M. Holwell et M. Dow, Voltaire, Lett. Bailly, 27 févr. 1777.
  • 6Sacré a été dit de quelques maladies qu'on attribuait à une influence surnaturelle. Vous devez savoir qu'il y avait beaucoup de maladies diaboliques, qu'on appelait sacrées chez presque toutes les nations, et que l'on croyait guérir avec des exorcismes, Voltaire, Mél. hist. Un chrétien contre six Juifs, 37.

    Particulièrement, la maladie sacrée, l'épilepsie.

    Feu sacré, sorte de maladie (voy. BOUQUET 2).

  • 7Consacré à. Oh ! que j'aime la solitude ! Que ces lieux sacrés à la nuit, Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude ! St-Amand, Ode à la solitude.
  • 8Il se dit des choses qui méritent d'être vénérées inviolablement. Consultons des grands dieux la majesté sacrée, Corneille, Hor. III, 2. Enfin, dans une heureuse vieillesse, prêt à rendre avec sa grande âme le sacré dépôt de l'autorité si bien confié à ses soins, Bossuet, le Tellier. La société conjugale était sacrée parmi eux [les Grecs], Bossuet, Hist. II, 5. Déjà se formaient dans le ciel ces nœuds sacrés qui devaient unir éternellement son cœur à celui de l'incomparable Julie, Fléchier, Duc de Mont. Lors même qu'on rend à Dieu de solennelles actions de grâces, et qu'on pend aux voûtes sacrées de ses temples des drapeaux déchirés et sanglants qu'on a pris sur les ennemis, Fléchier, Turenne. Ô rives du Jourdain ! ô champs aimés des cieux ! Sacrés monts, fertiles vallées, Racine, Esth. I, 2. Non, vous n'espérez plus de nous revoir encor, Sacrés murs, que n'a pu conserver mon Hector ! Racine, Andr. I, 4. Fais-je de ma maison en vain fermer l'entrée ? Et ne savez-vous pas que la nuit est sacrée ? P. Lebrun, le Cid d'And. II, 8.

    Sacré à, digne d'être respecté par. Les intérêts des Juifs déjà me sont sacrés, Racine, Esth. III, 5. Venez, les malheureux me sont toujours sacrés, Voltaire, Oreste, II, 2. Ainsi, quand sur les bords du lac qui m'est sacré, Séduit par la douceur de son flot azuré, J'abandonne ma barque à l'onde qui dérive, Lamartine, Ép. à C. Delavigne. Crois-tu donc que les rois, à moi, me sont sacrés ? Hugo, Hern. II, 3.

    Sacré signifie aussi à quoi on ne touche pas. Il leur distribuait [aux pauvres] par la miséricorde ce qu'il avait acquis par la justice ; cette portion de son bien lui était sacrée, Fléchier, Lamoignon.

    Par plaisanterie. Venez, prenez mes cantiques sacrés ; Sacrés ils sont, car personne n'y touche, Voltaire, Pauvre diable.

    C'est un homme pour lequel il n'y a rien de sacré, qui n'épargnerait pas ce qu'il y a de plus sacré dans le monde, au monde, il n'est retenu par aucune considération de religion ni de morale. Près de leurs passions [des princes] rien ne me fut sacré, Racine, Ath. III, 3. La fière ambition dont il est dévoré Est inquiète, ardente et n'a rien de sacré, Voltaire, Mér. I, 2. Il n'y a rien de sacré pour la sottise, la méchanceté et l'envie, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 25 nov. 1760.

  • 9Il se dit des personnes que leur qualité rend inviolables. À Rome la personne des tribuns du peuple était sacrée. Ceux qui l'avaient ouï parler [le prince de Condé] si souvent de ce grand roi [Louis XIV] dans ses entretiens familiers, pouvaient assurer que jamais ils n'avaient rien entendu de plus respectueux et de plus tendre pour sa personne sacrée, Bossuet, Louis de Bourbon. Toutefois épargnez votre tête sacrée, Racine, Mithr. III, 1. Faut-il que je me mette à vos sacrés genoux ? Racine, Athal. V, 2.

    Sacrée Majesté, titre qu'on donnait à l'empereur d'Allemagne, et qu'on donne à l'empereur d'Autriche quand on lui parle. Je vous entends, Sacrée Majesté, quand vous vous êtes levé ici de bon matin, vous y trouvez la journée bien longue, Fénelon, Dial. des morts mod. (Charles-Quint, un jeune moine). Que l'empereur est le général-né, le défenseur, l'avoué de l'Église, principalement contre les infidèles ; et que de là lui vient le titre de Sacrée Majesté, Fontenelle, Leibnitz. Un petit moine de Saint-Just disait à Charles-Quint : Sacrée Majesté, n'êtes-vous pas lasse d'avoir troublé le monde ? faut-il encore désoler un pauvre moine dans sa cellule ? Voltaire, Lett. au roi de Pr. 21 avr. 1760.

    Le titre de Sacrée Majesté s'est donné jadis à d'autres souverains que l'ancien empereur d'Allemagne. Dans le fameux traité de Munster, on nomme Sa Sacrée Majesté Impériale, Sa Sacrée Majesté Très Chrétienne, et Sa Sacrée Majesté Royale de Suède, Voltaire, Ann. Emp. Ferdinand III, paix de Vestph.

    Fig. L'épître sur Sa Sacrée Majesté le Hasard a bien un grand fonds de vérité, et, si cette épître était rabotée, je la regarderais comme le meilleur de vos ouvrages, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 30 mars 1759.

  • 10Sacré est une épithète qui s'ajoute à des termes d'injure pour leur donner plus de force ; mais cela en fait des blasphèmes, et n'est tout au moins que d'un emploi bas et grossier.

    Populairement. Sacré chien, de l'eau-de-vie très forte. Un petit verre de sacré chien.

  • 11 Terme d'anatomie. Qui appartient à l'os sacrum. Nerfs sacrés.

    Trous sacrés, trous dont huit antérieurs, situés sur la face pelvienne du sacrum, quatre de chaque côté de la ligne médiane, les uns au-dessus des autres, et huit postérieurs, placés à la face spinale du même os, et présentant la même disposition que les antérieurs avec lesquels ils correspondent.

  • 12 S. m. Ce qui est sacré. Il paraît ici depuis peu un poëme anglais intitulé le Paradis perdu et qui a été traduit en français par une main habile, où l'on a été généralement blessé d'un mélange du sacré et du profane qui s'y rencontre, Rollin, Traité des Ét. II, 1.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SACRÉ.
10Ajoutez : Vous boirez quelquefois le sacré chien tout pur pour noyer le chagrin, Let. du P. Duchène, 1re lettre, p. 2.