« sacrifice », définition dans le dictionnaire Littré

sacrifice

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sacrifice

(sa-kri-fi-s') s. m.
  • 1Chez les Hébreux, offrande faite à Dieu avec certaines cérémonies et consistant en des victimes ou des dons. Que les sacrifices des païens seront reçus de Dieu, et que Dieu retirera sa volonté des sacrifices des Juifs, Pascal, Pens. XXI, édit. HAVET. Qu'on lise le Vieil Testament en cette vue [qu'il est figure du Nouveau Testament], et qu'on voie si les sacrifices étaient vrais, si la parenté d'Abraham était la vraie cause de l'amitié de Dieu…, Pascal, ib. XVI, 16 bis. Selon la loi des sacrifices, quiconque mange la victime est assuré par cette action qu'il a part à l'oblation qu'on en a faite, Bossuet, Euchar. II, 7. Voici comme ce Dieu vous répond par ma bouche… Quel fruit me revient-il de tous vos sacrifices ? Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ? Racine, Athal. I, 1. Le peuple fuit, le sacrifice cesse, Racine, ib. II, 5. Un Dieu n'a pas besoin de nos soins assidus ; Si l'on peut l'offenser, c'est par des injustices ; Il nous juge sur nos vertus, Et non pas sur nos sacrifices, Voltaire, Pour et contre.

    Sacrifice perpétuel, sacrifice par lequel on offrait tous les jours quatre agneaux en holocauste, deux le matin et deux le soir. Depuis le temps que le sacrifice perpétuel aura été aboli, et que l'abomination de la désolation aura été établie, Sacy, Bible, Daniel, XII, 11.

    Sacrifice de jalousie, cérémonie à laquelle le sacrificateur soumettait une femme dont le mari suspectait la fidélité. Que si elle n'a point été souillée, elle n'en ressentira aucun mal, et elle aura des enfants ; c'est là la loi du sacrifice de jalousie, Sacy, Bible, Nomb. V, XXVIII, 29.

    Terme de l'Écriture. Offrir un sacrifice de louanges, célébrer les louanges de Dieu.

    En un sens analogue. Un sacrifice de larmes, de prières. Ceux dont elle a présenté les vœux ou les plaintes, offrent pour elle de tous côtés les sacrifices de leurs larmes ou de leurs prières, Fléchier, Mme de Montaus.

    Faire d'une vertu son sacrifice du matin et du soir, la pratiquer avec une constance inviolable. Il en faisait [de l'administration de la justice] son culte perpétuel, son sacrifice du matin et du soir, selon cette parole du Sage : La justice vaut mieux devant Dieu que de lui offrir des victimes, Bossuet, le Tellier.

  • 2Chez les chrétiens, le sacrifice de Jésus-Christ, la mort de Jésus-Christ sur la croix pour la rédemption du genre humain.

    Son sacrifice continuel, sa présence perpétuelle dans l'hostie consacrée. Pour considérer ce que c'est que la mort, et la mort en Jésus-Christ, il faut voir quel rang elle tient dans son sacrifice continuel et sans interruption, et pour cela remarquer que dans les sacrifices la principale partie est la mort de l'hostie, Pascal, Lettre sur la mort de son père. Les prêtres offrent pour elle le sacrifice de Jésus-Christ sur les autels, Fléchier, Duch. de Montaus.

    Le saint sacrifice de la messe, ou, simplement, le saint sacrifice, le sacrifice de la messe. Ah ! nous pouvons achever ce saint sacrifice pour le repos de Madame avec une pieuse confiance, Bossuet, Duch. d'Orl. Il [Montausier] assistait tous les jours au saint sacrifice ; et son attention et sa modestie imprimaient le respect aux âmes les moins touchées de la révérence du lieu et de la sainteté du culte, Fléchier, Duc de Montaus. Quels châtiments réservez-vous donc, grand Dieu, aux sacrifices indignes, aux oblations profanes, aux mystères souillés ? Massillon, Confér. Excell. du sacerd.

    Absolument. Le sacrifice, le saint sacrement. Les chrétiens ne connaissent plus la sainte frayeur dont on était saisi autrefois à la vue du sacrifice ; on dirait qu'il eût cessé d'être terrible, comme l'appelaient les saints Pères, Bossuet, Louis de Bourbon.

  • 3Il se dit de ce qui était offert aux dieux, dans le polythéisme. Mais nous devons aux dieux demain un sacrifice, Corneille, Hor. V, 3. Vous armez contre Troie une puissance vaine, Si, dans un sacrifice auguste et solennel, Une fille du sang d'Hélène De Diane en ces lieux n'ensanglante l'autel, Racine, Iphig. I, 1. On fit des sacrifices à Jupiter et aux autres grands dieux, Fénelon, Tél. VI. Il offrait tous les jours le sacrifice d'une brebis blanche et sans tache, Fénelon, ib. XVII. Homère décrit assez au long les cérémonies des sacrifices, dans le Ier livre de l'Iliade et dans le IIIe de l'Odyssée, Rollin, Traité des Et. II, 2. Comme le sacrifice de bœuf est le plus estimé, on fait pour les pauvres de petits gâteaux auxquels on donne la figure de cet animal, et les prêtres veulent bien se contenter de cette offrande, Barthélemy, Anach. ch. 21.

    Fig. Faire sacrifice, sacrifier. Et je n'ai pas moins qu'elle à rougir d'un supplice Qui profane l'autel où j'ai fait sacrifice, Corneille, Théod. III, 5.

    Fig. Un sacrifice, une victime. Ptolémée à César par un lâche artifice, Rome, de ton Pompée a fait un sacrifice, Corneille, Pomp. V, 1.

  • 4Sacrifices humains, sacrifices dans lesquels la victime est un être humain. Nous serions amplement dédommagés des fatigues extrêmes de cette campagne, si nous pouvions parvenir à détruire l'usage des sacrifices humains, qu'on dit être généralement répandus chez les insulaires de la mer du Sud, La Pérouse, Voy. t. II, p. 12, dans POUGENS.

    Sacrifices sanglants, sacrifices dans lesquels on immole des victimes.

  • 5Il se dit de la consécration à la vie religieuse. Allez à l'autel, victime de la pénitence, allez achever votre sacrifice, Bossuet, la Vallière.
  • 6 Fig. Abandon, privation, perte à laquelle on se résigne. Un sacrifice d'argent. Il a fait de grands sacrifices pour l'éducation de son fils. Que ces sacrifices particuliers [de nos affections] honorent et préviennent le sacrifice universel où la nature entière doit être consommée par la puissance de Jésus-Christ, Pascal, Lettre sur la mort de son père. Je veux, dit-il, m'arracher jusqu'aux moindres vestiges de l'humanité ; reconnaissez-vous un chrétien qui achève son sacrifice, qui fait le dernier effort, afin de rompre tous les liens de la chair et du sang, et ne tient plus à la terre ? Bossuet, le Tellier. Vous offrîtes à Dieu le sacrifice de vos cheveux, Bossuet, Lett. abb. 20. J'irai pour mon pays m'offrir en sacrifice, Racine, Esth. I, 3. Mais le roi, qui le hait [Achille], veut que je le haïsse ; Il ordonne à mon cœur ce cruel sacrifice, Racine, Iph. V, 1. Il [Cromwell, dans son alliance avec le gouvernement français contre l'Espagne] traita véritablement en supérieur, en obligeant le roi de France de faire sortir de ses États Charles II et le duc d'York… on ne pouvait faire un plus grand sacrifice de l'honneur à la fortune, Voltaire, Louis XIV, 6. Il est doux pour un véritable amant de faire des sacrifices qui lui sont tous comptés, Rousseau, Hél. I, 11. Tel est, mon ami, l'effet assuré des sacrifices que l'on fait à la vertu ; s'ils coûtent souvent à faire, il est toujours doux de les avoir faits, Rousseau, ib. I, 44. Non, madame, dit-il, restez ; il n'est plus temps ; je ne veux point de sacrifices, Marmontel, Mém. VIII. L'homme n'agit qu'en vue de son bonheur, il ne cesse point de s'aimer, et il ne s'aime jamais plus que quand il fait les plus grands sacrifices, Bonnet, Causes prem. IV, 17. Le sacrifice des forces navales fut jugé, mal à propos peut-être, indispensable, Raynal, Hist. phil. XIII, 58. Il y a une certaine gloire attachée aux grands sacrifices, qui du moins satisfait un peu l'amour-propre, Genlis, Vœux témér. t. II, p. 245, dans POUGENS. Un sacrifice absolu est plus facile à obtenir qu'un demi-sacrifice, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 292. Depuis la veille, quatre mille traîneurs et trois mille soldats étaient morts ou égarés ; les canons et tous les bagages perdus ; à peine restait-il à Ney trois mille combattants et autant d'hommes débandés ; enfin, quand tous ces sacrifices ont été consommés, et tout ce qui avait pu passer réuni, ils ont marché…, Ségur, Hist. de Nap. X, 9.
  • 7 Terme de peinture. Artifice qui consiste à négliger certains accessoires d'un tableau, pour mieux faire ressortir les parties principales.

    PROVERBE

    Obéissance vaut mieux que sacrifice, la prompte obéissance est particulièrement agréable.

REMARQUE

Le sacrifice est tantôt passif : le sacrifice d'Abraham, le sacrifice fait par Abraham ; tantôt actif : le sacrifice d'Isaac par Abraham, d'Iphigénie par Agamemnon

HISTORIQUE

XIVe s. Les sacrifices anciennement ordenés et teles assemblées estoient faites après ce que les fruis sont cuillis, Oresme, Eth. 246.

XVIe s. Les sacrifices qu'immoloyent pour lors les Israelites, Calvin, Instit. 512. Henri Cardinal, maintenant roi, craignant que Dom Antonio present le fist deposer, comme heritier par les masles, ou craignant du roi d'Espagne ce qui parut après, lui fit un sacrifice de calicuth, c'est à dire de peur, jetta dans le feu cet arrest et touttes les pieces justificatives de Dom Antonio, D'Aubigné, Hist. II, 397.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sacrifieg ; provenç. sacrifici ; espagn. sacrificio ; ital. sagrifizio ; du lat. sacrificium, de sacer, sacré, et facere, faire : action de faire une œuvre sacrée. L'ancienne langue disait sacrifiement.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SACRIFICE. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Liclers fu nés d'Egypte ; hon ne sot plus de sort [homme ne sut plus de divination], Et es respons as dex [dieux] se fioit il mult fort, Le sacrefixe a fait lès le temple en un ort [jardin], li Romans d'Alix. p. 414.