« soupir », définition dans le dictionnaire Littré

soupir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soupir

(sou-pir) s. m.
  • 1Respiration plus forte et plus prolongée qu'à l'ordinaire et qui est causée soit par quelque gêne physique, soit par quelque trouble moral ; le soupir est causé par une contraction lente et volontaire du diaphragme, tandis que le sanglot est dû à une contraction involontaire et spasmodique de ce muscle. Pousser des soupirs. Vous faisiez de grands soupirs dans cette église [de la Visitation, à Moulins]… j'en faisais de bien douloureux de mon côté, Sévigné, 17 mai 1676. Ici je fis un soupir, mais de ces soupirs qui nous échappent quand on nous dit quelque chose qui adoucit le chagrin où nous sommes, Marivaux, Marianne, 8 part.

    Par extension. Vous savez l'horreur qu'on a de recueillir ces soupirs contagieux, qui sortent du sein d'un mourant, pour faire mourir ceux qui vivent, Fléchier, Mme de Montaus. Et sur sa bouche encor, s'il erre un vain soupir, Que ma bouche du moins puisse le recueillir ! Delille, Én. IV.

    Familièrement. Tirer des soupirs de ses talons, soupirer profondément.

  • 2 Fig. et poétiquement. Il se dit quelquefois de sons vagues qui se font entendre. Le christianisme a inventé l'orgue, et donné des soupirs à l'airain même, Chateaubriand, Génie, III, I, 1. La flûte dans les bois, et ces chants sur les mers Arrivaient jusqu'à nous sur les soupirs des airs, Lamartine, Socrate, 35.
  • 3 Fig. Gémissement, regret causé par quelque passion ou quelque chagrin. Un cœur gros de soupirs. Mon cœur est sans soupirs, mes yeux n'ont point de larmes, Corneille, Cinna, IV, 5. La grâce a déjà mis la princesse en défense ; ni la gloire ni la jeunesse n'auront d'elle un soupir, Bossuet, Duch. d'Orl. M. le Tellier a vu disparaître toute sa grandeur avec sa vie, sans qu'il lui en ait coûté un seul soupir, Bossuet, le Tellier. La mort, qui nous ravit les personnes chères, et qui nous fait pousser tant de soupirs et verser tant de larmes, Massillon, Avent, Jugem. univ. Les évêques jetèrent bien encore quelques soupirs dans leurs remontrances à Charles le Chauve, que l'on trouve dans le capitulaire de l'an 856, et dans la lettre qu'ils écrivirent à Louis le Germanique l'an 858, Montesquieu, Esp. XXXI, 23.
  • 4 Fig. Gémissement d'amour. Je suis au désespoir que l'amour me contraigne à pousser des soupirs pour ce que je dédaigne, Corneille, Cid, I, 3. Elle [l'Église] ne reconnaît ses enfants que par les soupirs qu'ils poussent sans cesse vers leur patrie, Massillon, Carême, Prière, 1. Hélas ! combien de fois la pauvre Chaillot m'a-t-elle prédit que le premier soupir de ton cœur ferait le destin de ta vie ! Rousseau, Hél. I, 7. Tout cela [honnêteté, foi jurée] n'est-il pas un rêve, une bulle de savon que le premier soupir d'un cavalier à la mode doit évaporer dans les airs ? Musset, Capr. de Marian. II, 1.

    C'est l'objet de ses soupirs, se dit d'une fille, d'une femme dont quelqu'un est fort amoureux.

  • 5Dernier soupir, derniers soupirs, le dernier moment de la vie. Puissé-je… Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause et mourir de plaisir ! Corneille, Hor. IV, 5. Et quel est notre aveuglement, si, toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants, nous attendons les derniers soupirs pour prendre les sentiments que la seule pensée de la mort nous devrait inspirer à tous les moments de notre vie ? Bossuet, Duch. d'Orl. Jusqu'au dernier soupir de malheurs poursuivie, Je rends dans les tourments une pénible vie, Racine, Phèdre, IV, 6.

    Recevoir, recueillir les derniers soupirs de quelqu'un, l'assister à ses derniers moments. C'est vous, divine Providence, qui m'avez conduit en ces lieux, pour recevoir les derniers gages de son amitié, et pour recueillir les derniers soupirs de sa pénitence, Fléchier, Duc de Montaus. Je croyais que tes mains fermeraient mes yeux, et que tu recueillerais mon dernier soupir, Fénelon, Tél. XVII. Vous veniez recevoir ses derniers soupirs, Massillon, Or. fun. Madame.

    Rendre le dernier soupir, les derniers soupirs, mourir. Une oppression à croire qu'il allait rendre le dernier soupir, Sévigné, 404. Cette douleur l'agitait, de sorte qu'il semblait à chaque moment qu'elle allait rendre les derniers soupirs, Bossuet, Panég. Ste Thérèse, 2.

  • 6 Populairement. Soupir d'ivrogne, éructation causée par les vapeurs du vin.
  • 7 Terme de musique. Silence qui équivaut à une noire.

    Signe ayant à peu près la forme d'une virgule et qui indique ce silence.

    Demi-soupir, signe de silence d'une durée égale à la valeur d'une croche.

    Quart de soupir, signe de silence représentant la valeur d'une double croche.

    Huitième de soupir, signe de silence représentant la valeur d'une triple croche. On dit quelquefois demi-quart de soupir.

    Seizième de soupir, signe de silence représentant la valeur d'une quadruple croche.

HISTORIQUE

XIIe s. Charles se dresse, si a fait un sospir, Ronc. p. 155. De mil souspirs que je li doi par dete, Couci, VI. Mais cil qui Deu cremirent et qui l'orent amé, En unt od [avec] grief suspir celéement pluré, Th. le mart. 46.

XIIIe s. Quant s'estoit relevée, moult grans souspirs [elle] jetoit, Berte, XXVIII.

XVIe s. Lors il [la Boétie mourant] se teut, et attendit que les soupirs et les sanglots eussent donné loysir à son oncle de lui respondre, Montaigne, Lett. v. Ils [les sauvages mis dans le cadre] ne cessent jusques au dernier soupir de les braver et desfier [leurs bourreaux] de parole et de contenance, Montaigne, I, 244. Il ne fallut qu'un souspir de probité pour lui faire oster [au chancelier l'Hospital] les seaux, D'Aubigné, Hist. I, 264. L'air exterieur est corrompu par certaines exhalations, fumées et souspirs des vapeurs pourries et infectées, Paré, XXIV, 3.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. sôpir ; wallon, sospeur ; provenç. sospir, sospire ; catal. suspir ; esp. suspiro ; ital. sospiro ; du lat. suspirium (voy. SOUPIRER).