« tendresse », définition dans le dictionnaire Littré

tendresse

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tendresse

(tan-drè-s') s. f.
  • 1Qualité de ce qui est tendre ; il se dit du jeune âge. Une jeune reine, dans laquelle se rencontrent ensemble l'avantage de l'expérience avec la tendresse de l'âge, le loisir de l'étude avec l'occupation d'une royale naissance…, Pascal, Lett. à la reine Christine.
  • 2Délicatesse des formes. Nul ciseau, nul tour, nul pinceau ne peut approcher de la tendresse avec laquelle la nature tourne et arrondit ses sujets, Bossuet, Connaiss. IV, 2.

    Terme de beaux-arts. S'est dit autrefois de la douceur, de la délicatesse et de la légèreté du pinceau, du ciseau.

    S. f. pl. Terme de gravure. Endroits légers et qui doivent paraître éloignés.

  • 3 Fig. Sensibilité exquise pour les choses morales. Cette première tendresse d'une conscience innocente, ah ! que vous l'avez endurcie ! la pénitence, la communion, vous avez appris à les profaner, Bossuet, Sermons, Nécessité de la pénit. 2. À mesure que l'esprit religieux s'en va, une certaine crainte de Dieu s'efface, une certaine tendresse de conscience diminue, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 387.
  • 4Sentiment tendre d'amitié, d'affection. Il me déplaît seulement de penser qu'avec toute cette tendresse que vous me témoignez, il y a quelque occasion pour laquelle vous voudriez que je fusse pendu, Voiture, Lett. 46. J'ai une tendresse de cœur pour ceux que Dieu m'a unis plus étroitement, Pascal, Pens. XXIV, 69, édit. HAVET. La tendresse que j'ai pour vous, ma chère bonne, me semble mêlée avec mon sang, et confondue dans la moelle de mes os ; elle est devenue moi-même, je le sens comme je le dis, Sévigné, 8 nov. 1680. Madame ne veut plus sentir de tendresse que pour le Dieu crucifié qui lui tend les bras, Bossuet, Duch. d'Orl. Sensible jusqu'à la fin à la tendresse des siens, il [Condé mourant] ne s'y laisse jamais vaincre, Bossuet, Louis de Bourbon. Contez… Que plus d'un grand m'aima jusques à la tendresse, Boileau, Épît. X. Pour le sang de ses rois vous voyez sa tendresse, Racine, Athal. v, 2. La tendresse a sa source dans le cœur ; la sensibilité tient aux sens et à l'imagination, D'Alembert, Synon. Œuv. t. III, p. 329. La tendresse ne se manifeste pas toujours au dehors ; la sensibilité se déclare par des signes extérieurs, D'Alembert, ib.

    Au plur. Peut-être que nous la verrons un jour rentrer d'elle-même dans les voies de la nature, et reprendre ces tendresses, ces affections autrefois si violentes, et qu'un zèle ou un dépit inconsidéré a, ce semble, comme étouffées, Patru, Plaidoy. II. Je vous vois accabler un homme de caresses, Et témoigner pour lui les dernières tendresses, Molière, Mis. I, 1. Il n'y a que vous qui ayez la bonté d'entrer dans mes extrêmes tendresses [pour ma fille], Sévigné, à d'Hacqueville, 17 juin 1671. Je n'ai pas tout à fait oublié le monde ; j'en connais les tendresses et les bontés, pour entrer dans les sentiments des autres, Sévigné, 30 oct. 1673. L'heureux vieillard jouit jusqu'à la fin des tendresses de sa famille, Bossuet, le Tellier.

  • 5Particulièrement, l'amour. Et même pour Alceste elle a tendresse d'âme, Molière, Mis. III, 3. Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse, Ils [les sultans] daignent quelquefois choisir une maîtresse, Racine, Bajaz. I, 3. Ma bouche a fait l'aveu qu'un autre a ma tendresse, Voltaire, Alz. IV 2. L'homme passionné… Donne aux fleurs la gaîté donne aux mers leur courroux, La mémoire aux rochers, aux myrtes la tendresse, Delille, Imag. IV.

    Au plur. Les tendresses de l'amour humain y font [dans Polyeucte] un si agréable mélange avec la fermeté du divin, que sa représentation a satisfait tout ensemble les dévots et les gens du monde, Corneille, Poly. examen. Tu sais combien de fois ses jalouses tendresses [de Mithridate] Ont pris soin d'assurer la mort de ses maîtresses, Racine, Mithr. I, 1.

  • 6Attendrissement. On me fit là [chez les Pompone] des réponses si tendres, que je ne pus les soutenir sans une extrême tendresse, Sévigné, 8 déc. 1679.
  • 7Tendre et pieux penchant. Vous lui avez donné [à Mlle de Grignan qui voulait entrer en religion] de la tendresse pour de plus grands desseins et de plus hautes vues, Sévigné, 11 sept. 1680.
  • 8Objet d'un tendre attachement. Vous êtes la véritable et la sensible tendresse de mon cœur, Sévigné, à Mme de Grignan, 10 août 1680.
  • 9 Au plur. Paroles tendres, témoignages d'affection. Ils [M. et Mme de Grignan]… me dirent adieu avec des tendresses et des remercîments infinis, Sévigné, 1er août 1685. J'ai reçu et baisé votre lettre, et lu vos tendresses avec des sentiments qui ne s'expliquent point, Sévigné, à Mme de Grignan, t. III, p. 187, édit. RÉGNIER. Vingt siècles de vie ne me suffiraient pas pour répondre aux tendresses des grands, Maintenon, Lett. à Mme de Dangeau, 22 nov. 1709. Vous savez sa coutume, et sous quelles tendresses Sa haine sait cacher ses trompeuses adresses, Racine, Mithr. I, 5.

REMARQUE

Vaugelas voulait qu'on dît tendresse, en parlant des viandes tendres : " Tendreté ne vaut rien, tendreur encore moins ; il faut dire tendresse ", Nouv. rem. p. 470, dans POUGENS. Artichauts, mes beaux artichauts, toute la tendresse, toute la verduresse, cri qu'on entendait autrefois dans les rues de Paris ; cela était conforme à Vaugelas.

HISTORIQUE

XIVe s. Ouquel temps de nostre tendresse [enfance], Du Cange, teneritudo.

XVIe s. Dureté, mollesse, douleur, tendresse, renitence, Paré, v, 3. Les jeunes gens, pour la tendresse et mollesse de leur aage, sont aisement trompés, facilement croient et reçoivent impression, Charron, Sagesse, p. 410, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tendreza, tenreza ; espagn. terneza ; ital. tenerezza ; de tener (voy. TENDRE 1). L'ancienne langue disait tendror, au XVIe siècle tendreur : Il nous fault fortifier l'ouie, et la durcir contre cette tendreur du son cerimonieux des paroles, Montaigne, IV, 37.