« vomir », définition dans le dictionnaire Littré

vomir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vomir

(vo-mir) v. a.
  • 1Rejeter par la bouche les matières contenues dans l'estomac. Vomir de la bile, des aliments.

    Populairement, vomir tripes et boyaux, voy. TRIPES.

    Fig. Dans le style biblique. Parce que vous êtes tiède et que vous n'êtes ni froid ni chaud, je suis prêt de vous vomir de ma bouche, Sacy, Bible, St Jean, Apocal. III, 16.

    Absolument. Ce malade a vomi toute la nuit. Son mal [de Fouquet] a été des convulsions et des maux de cœur sans pouvoir vomir, Sévigné, 416. J'eus un grand mal de cœur, je craignis les suites, je revins sur mes pas, je vomis beaucoup, Sévigné, 58.

    Envie de vomir, nausées, soulèvements de cœur.

    Fig. Cela fait vomir, est à faire vomir, cela est fort dégoûtant, fort ignoble. Le mariage du Péché et de la Mort [dans le Paradis perdu de Milton] et les couleuvres dont le péché accouche, font vomir tout homme qui a le goût un peu délicat, Voltaire, Candide, 25.

    À faire vomir, se dit de ce qui excite le dégoût moral. Une lettre chargée de louanges à faire vomir, Mme du Deffant, Lett. à H. Walpole, t. IV, p. 90, dans POUGENS. Une épître au comte d'Ayen qui est à faire vomir, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 7.

  • 2 Par extension, il se dit de tout ce qui est rejeté par la bouche, bien que cela ne vienne pas de l'estomac. Les tuberculeux vomissent souvent du sang. Je poussai ma lance contre sa poitrine, et je lui fis vomir, en expirant, des torrents d'un sang noir, Fénelon, Tél. I.
  • 3 Par extension, lancer, jeter, pousser au dehors. Et par cent bouches horribles, L'airain sur ces monts terribles Vomit le fer et la mort, Boileau, Ode I. L'onde approche, se brise et vomit à nos yeux Parmi des flots d'écume un monstre furieux, Racine, Phèdre, v, 6. Aussitôt le mont Etna cessa de vomir des tourbillons de flammes, Fénelon, Tél. II. Des îles incendiées, dont une, celle de Stromboli, vomit, sans relâche et dans tous les temps, des laves, des pierres ponces, et jette des flammes qui éclairent la mer au loin, Buffon, Min. t. IX, p. 25. Là, l'Achéron bouillonne, et, roulant à grand bruit, Dans le Cocyte affreux vomit sa fange immonde, Delille, Én. VI.

    Fig. Il vomira avec son âme son âme les richesses qu'il avait dévorées, Massillon, Carême, Impénit. fin.

  • 4 Terme de fontainier. Jeter beaucoup d'eau, en parlant d'une figure ou d'un masque de fontaine.
  • 5 Terme de marine. Les coutures vomissent, se dit quand l'étoupe s'est échappée par suite de la fatigue que le bâtiment a éprouvée.

    On dit aussi : Le vaisseau vomit des étoupes.

  • 6 Fig. Rejeter hors de son sein. Quoi ! lorsque, les chassant du port qui les recèle, L'Aulide aura vomi leur flotte criminelle…, Racine, Iphig. v, 4. Lorsque j'entends parler de ces prodigieuses armées que l'Orient vomit de son sein, et de leur étonnante magnificence, Voltaire, Princ. de Babyl. 11. Le ciel qui les vomit [les anges déchus], ne les recevra plus, Delille, Parad. perdu, VII.
  • 7 Fig. Proférer des choses odieuses, injurieuses, violentes. Ici dispensez-moi du récit des blasphèmes qu'ils ont vomis tous deux contre Jupiter mêmes, Corneille, Poly. III, 2. Grand homme [Luther] comme vous voyez, qui vomit des impiétés et des blasphèmes qu'on n'entendra peut-être pas dans l'enfer même, Bossuet, 2e avert. 5. Roxane avala du poison, en vomissant mille imprécations et mille injures contre Mithridate, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. x, p. 201, dans POUGENS. On voyait de toutes parts [lors des funérailles de Louis XIV] le peuple danser, chanter, boire, se livrer à une joie scandaleuse ; et plusieurs eurent l'indignité de vomir des injures en voyant passer le char qui renfermait le corps, Duclos, Œuv. t. v, p. 211.

    Vomir feu et flamme, proférer des paroles violentes. Chacun vomit feu et flamme contre l'audacieux, Lesage, Diable boit. 19.

    Vomir son venin contre quelqu'un, dire de lui tout le mal possible.

REMARQUE

Vaugelas dit : " Vomir des injures ; cette phrase ne passe pas seulement pour bonne parmi les bons écrivains, mais aussi pour élégante. Cependant les femmes de la cour la reçoivent mal, et la trouvent peu délicate. Ceux qui veulent leur plaire doivent donc l'éviter. " à quoi Th. Corneille répond dans ses Notes à Vaugelas : " Vomir des injures est une phrase qui exprime tant, qu'on a peine à croire que les dames poussent leur délicatesse jusqu'à la vouloir bannir. "

HISTORIQUE

XIIe s. À boire li duna, mais ne sai quei, de fi ; Guaires ne demura que li freres chaï [tomba] ; Venim e pureture grant merveille vomi, Th. le mart. 95.

XIIIe s. Car on voit plusours fois esclore Un grant mal, qui lues ne ciet mie [ne tombe pas vite], D'une parole tost vomie, Baudouin de Condé, t. I, p. 66.

XVIe s. [Dans les amphithéâtres] crevasses representant des antres qui vomissoient les bestes destinées au spectacle, Montaigne, IV, 13. Il veoid une sienne terre ensepvelie sous les sables que la mer vomit devant elle, Montaigne, I, 232. C'est maulvays signe qu'il vomyt ou gomyt ainsy, Palsgrave, p. 652.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vômi, gômî ; picard, gomir ; provenç. vomir ; ital. vomire ; du lat. vomĕre, par changement de conjugaison ; grec ἐμεῖν ; sanscr. et zend, vam, vomir. Remarquez la forme gomir.