« vouer », définition dans le dictionnaire Littré

vouer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vouer

(vou-é), je vouais, nous vouions, vous vouiez ; que je voue, que nous vouions, que vous vouiez v. a.
  • 1Promettre par vœu. Vouer un tableau à la Vierge. Fais donc, et je te voue un temple magnifique Comme au restaurateur des affaires d'Afrique, Mairet, Sophon. III, 3. La Parque à filets d'or n'ourdira pas ma vie, Je ne dormirai point sous de riches lambris ; Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?… Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices, La Fontaine, Fabl. XI, 4. Le religieux, fidèle observateur de la pauvreté qu'il a vouée, s'en tient au pur nécessaire, Bourdaloue, Pensées, Sur l'état relig. t. II, p. 495.

    Absolument. C'est selon cette loi [du vœu] qu'il est dit que Jephté égorgea sa propre fille, et il lui fit comme il avait voué, Voltaire, Philos. déf. mil. Bolingbr. 21.

  • 2Particulièrement, consacrer à Dieu. Ses parents l'ont voué à Dieu. Ce parricide [Jephté] qui ordonnait que tout ce qui serait voué serait massacré sans rémission, Voltaire, Mél. hist. Un chrétien contre six juifs, 28.

    On dit par extension, mais toujours par rapport à Dieu : Vouer sa fille à la Vierge. Vouer un enfant à saint François. On l'assujettissait à tous les régimes [une malade], on la vouait à tous les saints, on la menait à tous les pèlerinages, Riccoboni, Œuv. t. v, p. 187, dans POUGENS.

    Vouer un enfant au blanc, le vouer à être toujours vêtu de blanc jusqu'à tel âge.

  • 3 Fig. Promettre d'une manière particulière et avec une sorte de solennité. Quand je lui vouai mon service, Faillis-je en mon élection ? Malherbe, v, 23. Je lui vouai dès lors une amitié sincère, Racine, Théb. II, 1. Je t'ai voué mes jours, ils te sont consacrés, Voltaire, Oreste, III, 8. Ennemi déclaré de toutes les erreurs qui avilissent et dévorent l'espèce humaine, il [l'abbé de Saint-Pierre] avait voué à la religion musulmane une aversion particulière, D'Alembert, Élog. l'ab. de St-P.
  • 4Employer avec zèle, avec suite. Il a voué sa plume à la défense de la religion.
  • 5Se vouer, v. réfl. Se consacrer. Se vouer au service de Dieu.

    Absolument. Stérilité régnait en mariage… Encor bien que léans On se vouât pour obtenir enfants, La Fontaine, Féronde.

    Fig. Ne savoir à quel saint se vouer, ne savoir à qui recourir, quel moyen employer. Lélie : Las ! si de ton secours ta colère me prive, à quel saint me vouerai-je ? - Mascarille : Au grand diable d'enfer, Molière, l'Et. III, 12. M. de Luxembourg a été deux jours sans manger ; il avait demandé plusieurs pères jésuites, on les lui a refusés ; il a demandé la Vie des saints, on la lui a donnée : il ne sait, comme vous voyez, à quel saint se vouer, Sévigné, 31 janv. 1680.

    On dit à peu près dans le même sens : se vouer à tous les saints.

SYNONYME

VOUER, CONSACRER. Pour vouer on emploie un vœu ; pour consacrer, des cérémonies.

HISTORIQUE

XIIe s. Si cume il jurad al Segnor, vot voad al Deu de Jacob, Liber psalm. p. 207. Par Mahomet, cui j'ai mon chief [ma tête] voé, Bat. d'Aleschans, v. 5310. [Amour] Me fait chanter de la plus debonaire Qu'on puist au mont [monde] ne voer [désirer] ne trover, Couci, II.

XIIIe s. Je veus… ici… vouer Un vœu que je tenrai…, Berte, XLIII. Cil Melions un [vœu] en voa, Que à grant mal li atorna, Lai de Melion. Ceste amor, combien que profite, N'a los, ne blasme, ne merite ; Ne font à blasmer, n'à loer ; Nature les i fait voer, la Rose, 5802. Je voil amer, comment qu'il aille, La rose où je me sui voés, ib. 7251. Si comme quant il ont volenté d'entrer en religion ou de vouer casteé [chasteté], Beaumanoir, XVIII, 21. Sitost comme il devinrent prophès en l'Eglise, et il se furent voué au service Nostre Seigneur, il renoncerent de fet à toutes les cozes temporex dehors lor eglises, Beaumanoir, LVI, 1. Toutes ordres sont bonnes, bien gart chascuns la soue ; Chascuns fait grant proesce, s'il fait bien ce qu'il voue, J. de Meung, Test. 1058.

XVe s. Thoison d'or, herault de l'ordre du duc, portant un faisant rosti moult noblement paré, le presenta au duc pour entremet, disant à tel present appartenoit de vouer. Le duc lui repondit que voirement c'estoit bien raison, et en presence de tous voua et promit à Dieu le pere, à Dieu le fils, et à Dieu le benoist Saint-Esprit, un seul en trois personnes, que… il iroit à toute sa puissance où le grand Turc seroit, et le combattroit de son corps contre le sien, Monstrelet, t. III, p. 56, dans LACURNE. Je voue à Dieu ; ils n'y demeureront pas, Hist. d'Artus III, connest. de France, p. 787, dans LACURNE. Monseigneur du Bouschage et moy le vouasmes [Louis XI malade] à monseigneur sainct Claude… incontinent la parolle lui revint, Commines, VI, 7.

XVIe s. Celui qui voue ce qui n'est point en sa puissance, ou qui repugne à sa vocation, est temeraire, Calvin, Instit. 1009. C'est icy un livre de bonne foy, lecteur… je l'ay voué [destiné] à la commodité particuliere de mes parents et amis, Montaigne, Au lect. Vouant et promettant, si ceste esmeute et ce trouble se pouvoit doulcement appaiser, de faire edifier un temple de concorde, Amyot, Cam. 72. Il choisit entre tous los anciens senateurs romains Q. Fabius Maximus, auquel il se voua et dedia du tout, Amyot, Caton, 7. Il a donné le gouvernement d'Irlande à un autre parent, qui luy est du tout voué [dévoué], Carloix, II, 3.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. vodar ; espagn. et portug. votar ; ital. votare ; du lat. votare (QUICHERAT, Addenda), dérivé de votum, vœu.