« glorieux », définition dans le dictionnaire Littré

glorieux

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

glorieux, euse

(glo-ri-eû, eû-z') adj.
  • 1Qui s'est acquis, qui mérite beaucoup de gloire. Glorieux conquérant de la moitié du monde, Rotrou, Bélis. I, 2. Il règne paisible et glorieux sur le trône de ses ancêtres, Bossuet, Reine d'Anglet. Babylone la glorieuse, dont les Chaldéens insolents s'enorgueillissaient, a été faite comme Sodome et comme Gomorrhe à qui Dieu n'a laissé aucune ressource, Bossuet, Hist. II, 4.
  • 2Qui est plein de gloire, qui procure de la gloire, en parlant des choses. Princesse, dont la destinée est si grande et si glorieuse, faut-il que vous naissiez en la puissance des ennemis de votre maison ? Bossuet, Reine d'Anglet. Si l'on eût pu avancer ces belles années dont nous admirons maintenant le cours glorieux, Bossuet, ib. Tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulé sur une tête, Bossuet, ib. De quelque côté que je suive les traces de sa glorieuse origine, je ne découvre que des rois, Bossuet, Duch. d'Orl. Il faut encore qu'il [Alexandre] se trouve dans tous nos panégyriques, et il semble par une espèce de fatalité glorieuse à ce conquérant, qu'aucun prince ne puisse recevoir de louanges qu'il ne les partage, Bossuet, Louis de Bourbon. Commencez maintenant : c'est à vous de courir Dans le champ glorieux que j'ai su vous ouvrir, Racine, Bajaz. II, 1. Chercher au bout du monde un trépas glorieux, Racine, Mithr. III, 5. Il est glorieux de laisser à ses descendants un titre qu'on n'a point reçu de ses aïeux, Rollin, Traité des Ét. V, I, 6. La résistance de ces jeunes personnes fut infiniment glorieuse au calvinisme, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 32, dans POUGENS. Revoyant des Français le glorieux empire, Voltaire, Zaïre, II, 2. Venez, prince, et montrez au plus grand des monarques De vos fers glorieux les vénérables marques, Voltaire, ib. II, 3. Ce jour, quel qu'il soit, nous sera glorieux, Voltaire, Tancr. I, 1. Glorieux, quand il est l'épithète d'une chose inanimée, est toujours une louange : bataille, paix, affaire glorieuse, Voltaire, Dict. phil. Gloire.

    On dit d'un prince illustre qui n'est plus, prince de glorieuse et triomphante mémoire. Henri IV de glorieuse mémoire.

    Rang glorieux, rang élevé. Rang glorieux signifie rang élevé, et non pas rang qui donne de la gloire, mais dans lequel on peut en acquérir, Voltaire, Dict. phil. Gloire.

  • 3Il se dit de la Vierge et des saints. La glorieuse Vierge Marie. Les glorieux apôtres saint Pierre et saint Paul. Les glorieux martyrs. Non, ô glorieuse mère de Dieu, nous ne craindrons point de le dire, car nous le savons, que, si le Seigneur vous a distinguée entre toutes les femmes…, Bourdaloue, Annonciat. de la Vierge, Myst. t. II, p. 132.

    Terme de théologie. Corps glorieux, se dit de l'état où seront les corps des bienheureux après la résurrection. En ressuscitant glorieux, il a élevé son humanité à un état de perfection, où nous ne pouvons nous défendre de l'aimer, Bourdaloue, Myst. Résurrect. de J. C. t. I, p. 370.

    On le dit abusivement et familièrement d'une personne qui est longtemps sans éprouver certains besoins corporels. C'est un corps glorieux. Ce n'est pas un corps glorieux.

  • 4Qui a le sentiment d'une sorte de gloire personnelle. Il est aussi honnête d'être glorieux avec soi-même qu'il est ridicule de l'être avec les autres, La Rochefoucauld, Max. dans le Dict. de POITEVIN. Notre résolution, c'est d'être assez glorieux pour ne point nous plaindre, Sévigné, 584. À Paris il n'y a rien à craindre, ce sont des gens glorieux pour la plupart, qui ne se plaignent jamais d'être dupes pour éviter la honte de l'avoir été, Dancourt, Loterie, sc. 8. Il est vrai que ce n'était qu'un laquais ; mais, quand on est glorieuse, on n'aime à perdre dans l'esprit de personne, Marivaux, Marianne, 2e part. Quelquefois on est glorieux avec soi-même, on fait des lâchetés qu'on ne veut pas savoir, et qu'on se déguise sous d'autres noms, Marivaux, ib. 3e part.

    Être glorieux de quelque chose, s'en faire honneur, en tirer vanité. Je suis aussi glorieux de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, que si on m'avait érigé mille statues, Guez de Balzac, liv. I, lett. 2. Après cette victoire il n'est point de Romain Qui ne soit glorieux de vous donner la main, Corneille, Hor. IV, 3. Celui-ci [le mulet] glorieux d'une charge si belle, La Fontaine, Fabl. I, 4. Un héron glorieux de voir que de ses plumes On faisait pour les rois des aigrettes de prix, Boursault, Ésope à la cour, I, 4. Glorieux de mourir pour le sang de mes rois, Racine, Théb. II, 2.

    Qui pousse ce sentiment de gloire jusqu'au défaut. Elle avait de l'esprit et du bec, et souverainement glorieuse quoique fort polie, Saint-Simon, ch. 608, t. XXXVIII, p. 183, éd. Delloye. La nation des auteurs est un peu vaine et glorieuse, Lesage, Gil Blas, XI, 14. Les richesses, pour lesquelles il n'était pas né, l'avaient rendu glorieux, et sa gloire le rendit magnifique, Marivaux, Pays. parv 1re part. Homme glorieux, esprit glorieux est tou jours une injure ; il signifie celui qui se donne à lui-même ce qu'il devrait mériter des autres, Voltaire, Dict. phil. Gloire. M. le duc était très borné, opiniâtre, dur, même féroce, et, quoique prince, glorieux comme un homme nouveau, Duclos, Mém. rég. Œuv. t. VI, p. 161, dans POUGENS.

  • 5 S. m. et f. Un glorieux, une glorieuse, celui, celle qui a le défaut d'être glorieux. Le Glorieux, titre d'une comédie de Destouches. Voyez-vous, dirait-on, cette madame la marquise qui fait tant la glorieuse ? c'est la fille de M. Jourdain, qui était trop heureuse, étant petite, de jouer à la madame avec nous ; elle n'a pas toujours été si relevée que la voilà, et ses deux grands-pères vendaient du drap auprès de la Porte St-Innocent, Molière, Bourg. gent. III, 12. Je ne sais pas pourquoi l'on vante l'Alexandre ; Ce n'est qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre, Boileau, Sat. III. Auteur solide, ingénieux, Qui du théâtre êtes le maître, Vous qui fîtes le Glorieux, Il ne tiendrait qu'à vous de l'être, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 96.

    On a appelé quelquefois les saints et les anges, les glorieux, comme habitants du séjour de la gloire. Les chérubins, ces glorieux, Composés de tête et de plume, Le P. Lemoinne, cité par PASCAL, Prov. X.

  • 6 Au féminin, glorieuse, raie aigle.

    PROVERBE

    Il fait bon battre un glorieux, il ne s'en vante pas, ou, simplement, il fait bon battre un glorieux, c'est-à-dire un homme glorieux aime mieux endurer des humiliations secrètes que de s'en plaindre.

SYNONYME

GLORIEUX, ORGUEILLEUX. Le glorieux se croit entouré d'une sorte de gloire ; l'orgueilleux a un sentiment intérieur et profond de sa supériorité. L'orgueilleux se croit quelque chose, le glorieux veut paraître quelque chose, dit Voltaire, Dict. phil. Gloire, qui ajoute : " Le glorieux n'est pas tout à fait le fier, ni l'avantageux, ni l'orgueilleux ; le fier tient de l'arrogant et du dédaigneux et se communique peu ; l'avantageux abuse de la moindre déférence qu'on a pour lui ; l'orgueilleux étale l'excès de la bonne opinion qu'il a de lui-même ; le glorieux est plus rempli de vanité, il cherche plus à s'établir dans l'opinion des autres, il veut réparer par les dehors ce qui lui manque en effet… les nouveaux parvenus sont d'ordinaire plus glorieux que les autres. "

HISTORIQUE

XIe s. Toutes vos ames ait Deus li glorius, Ch. de Rol. CLX. En pareïs [paradis] entre les glorius, ib. CCIV.

XIIe s. Glorioses choses dites sunt de tei, cited de Deu, Liber psalm. p. 123.

XIIIe s. Car à nos temps est perdus li saint lieus Où Diex sofri pour nous mort glorieuse, Quesnes, Romancero, p. 95.

XIVe s. Ceulx qui sont de noble lignage et ceulx qui sont glorieux en aucunes offices ou estas honorables, Oresme, Eth. 115.

XVIe s. Ne plus ne moins qu'une femme glorieuse, qui veult estre parée de riches joyaulx et de pierres precieuses, Amyot, Péric. 23. Le meilleur de ses plus glorieux actes estoit…, Amyot, ib. 74. Ce Manlius là n'estoit qu'un glorieux qui se vantoit de ce qui n'estoit pas vray, Amyot, Sertor. 39.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. glorios ; espagn. et ital. glorioso ; du lat. gloriosus, de gloria, gloire.