« écouler », définition dans le dictionnaire Littré

écouler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

écouler (s')

(é-kou-lé) v. réfl.
  • 1Couler hors, en parlant d'un liquide ou d'un fluide. L'eau s'écoule. Le gaz s'écoule dans les conduits. Laissez à ce torrent le temps de s'écouler, Racine, Bérén. III, 4.

    Par extension. De quelque superbe distinction que se flattent les hommes, ils ont tous une même origine, et cette origine est petite ; leurs années se poussent successivement comme des flots ; ils ne cessent de s'écouler, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Fig. S'évanouir, se perdre. C'est une chose horrible de sentir s'écouler tout ce qu'on possède, Pascal, Pensées, part. II, 17. Ce qui lui est le plus cher s'écoule à tout moment, Pascal, Conv. des P. Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule, Racine, Ath. II, 7. Tu vis dans ces plaisirs si chers à ton jeune âge De tes nobles aïeux s'écouler l'héritage, Ancelot, Fiesque, I, 4.

  • 2Se passer, en parlant du temps. Le temps qui s'écoule depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ, Bossuet, Hist. I, 4. À quoi vos jours, vos années se sont-elles écoulées ? Massillon, Car. Motifs de conv. Nos soirées s'écoulaient sans ennui chez la reine ou chez madame la Dauphine, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 42, dans POUGENS. … Les lieux où jadis s'écoula mon enfance, Chénier M. J. Charles IX, I, 1. Voisin des champs où mon enfance S'écoula sous un chaume obscur, Béranger, Retour. La source de mes jours comme eux [des ruisseaux] s'est écoulée, Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour, Lamartine, Méd. I, 6.
  • 3Cheminer à la suite les uns des autres, et s'en aller, en parlant d'une foule. De moment en moment votre garde s'écoule, Corneille, Nicom. V, 5. Les Barbares, les voyant venir, s'écoulèrent des deux côtés des montagnes, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, dans RICHELET. La foule Avec un bruit confus par les portes s'écoule, Boileau, Lutrin, I. Enfin, avant minuit, cet amas de troupes s'écoula vers Ostrowno ; au tumulte le plus effroyable succéda le plus profond silence, Ségur, Hist. de Nap. IV, 7. À pas lents, l'œil baissé, les amis s'écoulèrent, Lamartine, Socr. 341.

    Familièrement. S'en aller sans rien dire, s'esquiver. Je dis à M. de Beauvillier que je ne me sentais pas capable de vivre heureux avec une autre qu'avec sa fille, et, sans attendre de réponse, je m'écoulai, Saint-Simon, 15, 174.

  • 4 Terme de navigation fluviale. Faire écouler le flot, faire descendre jusqu'au port les bois jetés à bûche perdue sur une rivière ou sur un ruisseau.
  • 5 Terme de commerce. Se vendre successivement. Cette marchandise s'écoule par une foule de débouchés.

    V. a. Dans le même sens, débiter, vendre. Écouler des marchandises, des denrées.

  • 6 Terme de tanneur. Faire égoutter. Écouler le cuir.

REMARQUE

Avec les verbes voir, laisser, sentir, etc. et surtout faire, on peut supprimer le pronom personnel de s'écouler. Je laissai écouler l'eau. Voir écouler sa vie loin de vous, Sévigné, 285.

HISTORIQUE

XIIIe s. Feme est plus escoulant que n'est darset en Loire, Chastie-Musart, ms. dans LACURNE.

XVe s. Celui qui à Passelion se combattoit fut tellement escoulé de son sang, qu'il ne se peut plus tenir à cheval, Perceforest, t. V, f° 26.

XVIe s. Beaucoup de temps s'escoula, qui donna moyen à ses adversaires de s'avantager sur lui, Lanoue, 581. Qu'il se souvienne qu'il est perilleux de heurter contre la fureur françoise, laquelle pourtant s'escoulera soudain, Lanoue, 687. Afin que les fideles ne se laissassent escouler aux resveries des payens, Calvin, Instit. 100. Comme le corps s'escoule par faute de manger, Calvin, ib. 1140. Elle perdit la raison, et, ne pouvant passer au long d'un banc, s'escoula au long d'une table et s'enfuit, Marguerite de Navarre, Nouv. X. Alors toutes les belles raisons et remonstrances de Themistocles s'escoulerent hors de la memoire des Grecs, Amyot, Thém. 22. Par quoi le bruit s'en escoula aussitost hors de Rome, comme incertainement il y estoit entré, Amyot, Paul Aem. 41. Soudain qu'il leur advient quelque changement de fortune, ils [les flatteurs] s'escoulent et se tirent arriere, Amyot, Comment disc. le flatt. de l'ami, 4. Je ne souhaitte point me pouvoir transformer, Comme feit Jupiter, en pluye jaunissante, Pour escouler en vous d'une trace glissante Cest ardeur qui me fait en cendres consommer, Du Bellay, J. V, 38, recto. Regardant escouler le sang de sa playe, Montaigne, I, 328. Du cerveau l'ame s'escoule par le reste du corps, Montaigne, II, 295. On voit escouler, des peres aux enfants, non seulement les marques du corps…, Montaigne, II, 296. Cette infinie marée d'hommes qui s'escoula en Italie sous Brennus, Montaigne, III, 98. J'ay, sans offense de poids ou passifve ou actifve, escoulé tantost une longue vie, Montaigne, IV, 167.

ÉTYMOLOGIE

É- pour es- préfixe, et couler.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉCOULER. Ajoutez :
7 V. a. Faire couler, passer (emploi archaïque). Que m'est-il demeuré pour conseil et pour armes, Que d'écouler ma vie en un fleuve de larmes ? Malherbe, Lex. éd. L. Lalanne.