« évanouir », définition dans le dictionnaire Littré

évanouir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

évanouir (s')

(é-va-nou-ir) v. réfl.
  • 1Disparaître sans laisser de traces. Là périssent et s'évanouissent toutes les idoles, et celles qu'on adorait sur des autels, et celles que chacun servait dans son cœur, Bossuet, Hist. II, 11. Dans les pays de commerce, l'argent qui s'est tout à fait évanoui revient, parce que les États qui l'ont reçu le doivent, Montesquieu, Esp. XX, 23. Le lendemain on cherchait les pieux voyageurs, mais ils s'étaient évanouis comme ces saintes apparitions qui visitent quelquefois l'homme de bien dans sa demeure, Chateaubriand, Génie, IV, III, 6.

    Par extension. C'est le dernier éclat d'un feu prêt à s'éteindre, Sur le point d'expirer il tâche d'éblouir, Et ne frappe les yeux que pour s'évanouir, Corneille, Au roi sur Cinna, Pomp. etc. Qui croit les posséder [ces douceurs] les sent s'évanouir, Corneille, Héracl. I, 1. Et ma haine, qu'en vain tu crois s'évanouir, Corneille, Rodog. IV, 5. Vains fantômes d'État, évanouissez-vous, Corneille, ib. II, 1. Mais sa haine sur vous autrefois attachée Ou s'est évanouie ou s'est bien relâchée, Racine, Phèd. I, 1. Nos bonnes résolutions s'évanouissaient, Fénelon, Tél. IV. Mais au moindre revers funeste, Le masque tombe, l'homme reste, Et le héros s'évanouit, Rousseau J.-B. Ode à la fortune.

    Avec suppression du pronom personnel, quand certains verbes, voir, sentir, faire, etc. précèdent. À des paroles si consolantes, Don Garcie sentit évanouir toute sa crainte, Lesage, Diab. boit. ch. 9.

    Faire évanouir, dissiper, détruire. Cette nouvelle a fait évanouir toutes nos espérances. On en [des maux] a vu qui ont sapé, par les fondements, de grands empires et qui les ont fait évanouir de dessus la terre, La Bruyère, X. Le spectacle de la mort de Virginia, immolée par son père à la pudeur et à la liberté, fit évanouir la puissance des décemvirs, Montesquieu, Esp. XI, 15. La prude loua cette résolution d'un air bien capable de la faire évanouir, Marmontel, Cont. mor. Alcib.

    Terme d'algèbre. Faire évanouir une inconnue, la supprimer à l'aide d'une opération dans une équation. Ainsi x+y=a, x-y=b ; en ajoutant ces deux équations, il vient 2x=a+b ; y s'est évanoui.

  • 2Perdre connaissance, tomber en faiblesse. À cette nouvelle elle s'est évanouie.

    Faire évanouir, causer une faiblesse, une perte de connaissance. L'hémorragie l'a fait évanouir.

REMARQUE

On trouve évanouir employé neutralement : Harlay, à ce qu'il a dit depuis à Valincourt, pensa évanouir, Saint-Simon, t. 1, p. 396, édit. CHÉRUEL. C'est un archaïsme aujourd'hui inusité.

HISTORIQUE

XIIe s. E, ço dit, [les deux anges] s'esvanoïrent, Machab. II, 3. Li duz esvanoïz del sanc Qui li isseit parmi le flanc …, Grégoire le Grand, p. 63.

XIIIe s. Ensinc ont bien entendu li message ce que Merlins leur a dit, et il se tornent autre part por parler ansamble, et cil s'esvanoist, et, quand cil se retornent por parler à lui, si l'orent perdu, Merlin. f° 41, verso. Quand il urent fini lur diz, De mes oiz [yeux] sunt il evaniz, Édouard le conf. v. 3777. Quant jel vi, tant m'en esjoï, Qu'à poi ne m'en esvanoï, la Rose, 14966.

XIVe s. Celle delettacion est aussi comme evanuie et absorbée, et ne la sent l'en pas, Oresme, Eth. 89. Le pacient s'esvanoïst et est descoulouré, H. de Mondeville, f° 59.

XVe s. Ne demoura guere que la rougeur s'evanouit, et print assurance, Louis IX, Nouv. c.

XVIe s. Il se mit sur un lit, où il evanouit plusieurs fois, Marguerite de Navarre, Nouv. XXVI. Advenant le soleil, esvanouissent les tenebres, Rabelais, Pant. III, 47. À ces motz Panurge esvanouyt de la compaignie, et se mussa en bas dedans la soutte, Rabelais, ib. IV, 66. Appeler à nostre secours un contentement esvanoui, pour l'opposer à ce qui nous presse, Montaigne, II, 217. Comme on void d'un esclair s'esvanouir le trait, Ronsard, 926.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. esvanuir ; ital. svanire ; de es- préfixe, et le lat. vanescere, disparaître, de vanus, vain (voy. ce mot), avec intercalation de la voyelle u, ou (comme dans épanouir), voyelle dont la nature est douteuse ; on trouve dans du Cange evanuare en un texte du XIIIe siècle. L'ancien français avait aussi envanir : XIIe s. E me volent vers vus mesler et mal tenir, E l'amur et la pais defaire e envanir, Th. le mart. 129. ; XIIIe s. Li sainz s'en va e s'envani, Édouard le Conf. v. 3573.