« accommoder », définition dans le dictionnaire Littré

accommoder

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accommoder

(a-ko-mo-dé ; quelques-uns prononcent a-k'-mo-dé, comme si le premier o était un e muet ; cette prononciation est à éviter) v. a.
  • 1Donner de la commodité, de l'aisance, convenir. Quand cela vous accommodera. Des terres qui l'accommoderaient le mieux du monde. De manière à accommoder tout le monde. Tout ce qui vous accommode vous appartient déjà, Massillon, Prosp. Rechercher avec un empressement extrême des superfluités qui m'accommodent, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 405.
  • 2Arranger, agencer, ajuster. Accommoder sa maison, son jardin. Accommoder ses affaires, les mettre en meilleur état. Accommoder le feu, Mme de Graffigny, Lett. 143. L'idée Que j'ai sur le papier en prose accommodée, Molière, Femmes sav. III, 2. Un geai prit son plumage, Puis après se l'accommoda, La Fontaine, Fab. IV, 8.

    Accommoder une personne, lui arranger son lit, sa toilette, etc. Elle s'était amusée à accommoder Mme la duchesse, Sévigné, 5.

  • 3Accommoder, apprêter, en parlant d'un mets. Que voulez-vous qu'on vous accommode pour votre dîner ? Accommoder des champignons.
  • 4Coiffer, arranger des cheveux. Accommoder une perruque. Accommoder quelqu'un. Il est allé chez le coiffeur se faire accommoder.
  • 5Bien accommoder, bien traiter. Cet aubergiste accommode bien ses hôtes. Ce marchand accommode bien ses pratiques.

    Ironique et familier. Il l'a bien accommodé ; je l'accommoderai comme il faut : c'est à dire, Il l'a maltraité ; je le traiterai durement. Est-ce qu'on n'en voit pas de toutes les espèces Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces ? Molière, Éc. des Femmes, I, 1. On ne saurait aller nulle part où l'on ne vous entende accommoder de toutes pièces, Molière, l'Av. III, 5. Il me prend des tentations d'accommoder tout son visage à la compote, Molière, G. D. II, 4.

    Il est étrangement accommodé, il a ses habillements en mauvais état ou en désordre. Un cabriolet l'a éclaboussé, le voilà bien accommodé.

  • 6Concilier, terminer à l'amiable. Accommoder un procès, une affaire. Accommoder deux adversaires. Tout est accommodé, Molière, l'Étour. V, 7. Il se résout d'accommoder l'affaire sans bruit, Corneille, Ex. du Cid. Elle a fait trop de bruit pour ne pas s'accorder, Puisque déjà le roi veut les accommoder, Corneille, Cid, II, 3. On arrête les procès, on accommode les différends, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 137. Ils accommodent la religion avec les plaisirs, Fléchier, Dauph. Il y a certains intérêts délicats que les dévots ne savent que trop accommoder avec leur vertu, Fléchier, ib. t. II, p. 138. Accommoder Dieu avec le monde, Fléchier, Serm. I, 86. On ne songe nullement à accommoder l'affaire, Bossuet, Lettr. Quiét. 326. Accommoder une brouillerie, St-Réal, IV, 7. Son ambition [d'Alexandre] le porta aux Indes, quand il pouvait accommoder la gloire et le repos, Saint-Évremond, II, 65.
  • 7Céder par vente ou autrement à quelqu'un un objet qui lui convient. Je vous prie de l'accommoder de ces objets qu'il désire. Le libraire l'accommoda de très beaux livres. Si vous avez quelque manuscrit persan, vous me ferez plaisir de m'en accommoder, Montesquieu, L. pers. 142. Le roi avait aidé le maréchal d'Humières à accommoder Mouchy, Saint-Simon, 23, 12. Vous voilà tous pourvus ; n'est-il point quelque fille Qui pût accommoder le pauvre Mascarille ? Molière, l'Étour. V, 16. Je fais un échange avec Paul, afin de me loger ; mais Paul n'a pas de quoi m'accommoder ; il substitue de l'argent en la place du logement que je lui demande, Bossuet, Pensées chrét. 34.
  • 8Conformer, approprier. Accommoder son discours aux circonstances. Il accommodait les lois à ses passions. On accommode la règle aux personnes, loin de juger les personnes par la règle, Massillon, Car. Prosp. tempor. Vous nous reprocherez peut-être un jour d'avoir accommodé la sainte vérité de votre Évangile aux indulgences et aux adoucissements de nos siècles, Massillon, Car. Par. de Dieu. On veut accommoder tout le monde à soi, Fléchier, Serm. I, 234. J'accommode ma flamme au bien de mes affaires, Corneille, Médée, I, 1. Il faut que l'air soit accommodé aux paroles, Molière, B. G. I, 2.

    S'ACCOMMODER, v. réfl.

  • 9Se donner des commodités, des aises. Voyez comme il s'accommode.
  • 10Bien s'accommoder, devenir riche. Je l'ai vu pauvre, mais il s'est bien accommodé.
  • 11Se concilier. Ils se sont accommodés. Leur différend s'accommodera. Il y a trop de peine à s'accommoder pour le profit, Pascal, Prov. 8. Le maréchal s'est accommodé avec ses créanciers, Sévigné, 29. Si la soif des grandeurs, l'amour de commander Avec son joug étroit pouvaient s'accommoder, Racine, Ath. III, 3. Peut-être pensez-vous que la prospérité et la religion ne s'accommodent guère ensemble, Fléchier, t. III, p. 283.
  • 12S'accommoder à, se conformer à. Sachant s'accommoder à tous les goûts, Fénelon, Tél. XVI. Il faut qu'il [le roi] s'accommode à leurs faiblesses [des hommes], qu'il les corrige en père, qu'il les rende sages et heureux, Fénelon, ib. XXIV. Est-ce ainsi qu'à nos vœux il sait s'accommoder ? Racine, Baj. IV, 1. C'est une vie à laquelle il ne peut s'accommoder, Pascal, édit. Cousin. Pour s'accommoder à la faiblesse des hommes, Pascal, Prov. 7. Si vos résolutions s'accommodaient à nos désirs, Sévigné, 421. Pour s'accommoder à la dépravation de nos désirs, Massillon, Car. Prosp. temp. Le Seigneur, attentif à ce qui se passe dans nos cœurs, et indigné de n'y rien trouver pour lui, s'est accommodé à nos souhaits, Massillon, ib. Je n'aurai pas besoin pour m'accommoder à mon sujet, de vous donner des titres spécieux, Massillon, Villars. Qui s'accommode à toutes les dispositions, aux faibles et aux forts, aux sains et aux malades…, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 399. Qu'il faut vivre avec ses amis, qu'il faut s'accommoder à eux, faire comme eux, ou rompre avec eux, Bourdaloue, ib. t. II, p. 267. Je ne sais comment il me sera possible de m'accommoder au temps et de ne pas trahir mon honneur, Vaugelas, Q. Curce, 369.
  • 13S'accommoder de, accepter avec facilité et sans humeur. Il s'accommode de tout. C'est un homme dont je m'accommodais très bien. Ma fille a de la complaisance, et vous verrez qu'elle s'accommodera entièrement de vous, Molière, Mar. forcé, 14. Cela est fort agréable et fort divertissant, et je m'en accommoderais assez, Molière, Fest. de Pierre, I, 2. Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder de leur personne ? Molière, Les Préc. rid. 5. Vous ne serez pas de ces maris incommodes, qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous ; je vous avoue que je ne m'accommoderais pas de cela et que la solitude me désespère, Molière, Mar. forcé, 4. L'orgueil de votre nom ne s'accommode guère de ce qui suit…, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 115. On ne s'accommode nulle part d'un homme noté et décrié, Bourdaloue, ib. p. 195. Ce seul terme de clôture marque déjà, par soi-même, quelque chose de triste et dont la nature ne doit pas s'accommoder, Bourdaloue, ib. p. 480. Les méchants s'accommodent mieux des bons, Fénelon, Tél. VIII. Peu d'écrivains s'accommodent de ce style, La Bruyère, 1. Une vie dont l'anachorète le plus pénitent aurait de la peine à s'accommoder, Massillon, Car. Jeûne.
  • 14S'accommoder d'une chose, l'acheter, l'acquérir. Il s'en accommoda au prix qu'on voulut. Je voudrais vous prier de les voir [ces esclaves] et de les entendre pour les acheter, s'ils vous plaisent, ou pour leur enseigner quelqu'un de vos amis qui voulût s'en accommoder, Molière, le Sicil. 8.
  • 15Proverbes. On l'a accommodé tout de rôti, c'est-à-dire on l'a fort maltraité.

    Accommodez-vous, le pays est large, se dit à un homme qui prend ses commodités sans se gêner suffisamment.

HISTORIQUE

XVIe s. Si tu te veux accommoder à nos façons de faire et adorer le roi, tu le pourras veoir et parler à lui, Amyot, Thém. 29. Il se sçavoit dextrement accommoder à toutes compaignies, Amyot, Péricl. 8. Accommodant la matiere à ma force, Montaigne, I, 104. Enfin, Cinna, je t'ay rendu si accommodé et si aysé que…, Montaigne, I, 129. D'une façon noble et accommodée au temps et au lieu, Montaigne, I, 182. Ils se prestent et accommodent aux inclinations naturelles, Montaigne, II, 234. La noblesse en seroit plus accommodée d'argent et moins endettée, Lanoue, 95. Et s'il a esté aspre pour la parachever [sa maison], il ne l'est pas moins pour l'accommoder par dedans, Lanoue, 167. [Les chefs] pour estre bien parés s'accommodent de la moitié des payes des soldats, Lanoue, 264. Il accommode le soulier à nostre pied, c'est à dire la despense à notre pauvreté, Lanoue, 276.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. equemodai ; Berry, acmoder ; wallon, k'moide ; d'accommodare, de ad, à, et commodus (voy. COMMODE).