« chemise », définition dans le dictionnaire Littré

chemise

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chemise

(che-mi-z') s. f.
  • 1Vêtement de linge qu'on porte sur la peau. Chemise de toile, de calicot. Le corps de la chemise, la partie qui couvre le corps. Le devant de la chemise, la partie antérieure du corps de la chemise. Un devant de chemise, la partie de la chemise qui couvre la poitrine, qui se voit et qui est ornée.

    Être en chemise, être sans habit. Le matin en chemise il surprit les tranchées, Régnier, Épit. I. De se voir traîné en chemise par les vaincus, Hamilton, Gramm. 5. On l'a menée nue, en chemise et la corde au col, Sévigné, 296. En chemise, à la croisée, Il lui faut tendre ses lacs, Béranger, Frétill.

    La chemise d'Hercule, don funeste, locution prise de la mythologie et de la chemise du centaure Nessus qui, donnée à Hercule, le fit périr. Accorder ce présent à l'ardeur qui vous brûle, Ce serait vous donner la chemise d'Hercule, Mairet, Sophon. IV, 5.

    Chemise ardente, chemise enduite de soufre qu'on mettait aux personnes condamnées à périr sur un bûcher.

    Familièrement. Pontchartrain avait quitté le commerce du père de la Tour, comme une chemise sale, et n'en avait pas ouï parler depuis, Saint-Simon, 305, 242.

    Fig. N'avoir pas de chemise, manquer de tout.

    Jouer, manger, vendre, engager, donner jusqu'à sa chemise, c'est-à-dire tout ce qu'on a. Laissez faire ; ils ne sont pas au bout ; J'y vendrai ma chemise, et je veux rien ou tout, Racine, Plaid. I, 7.

    Mettre quelqu'un en chemise, le ruiner. Lorsqu'il ne tient qu'à lui qu'il ne mette en chemise ses petits voisins, Guez de Balzac, le Prince, ch. VI.

    Fig. Cacher quelqu'un ou quelque chose entre la peau et la chemise, faire tout pour mettre en sûreté quelqu'un ou quelque chose. On dit aussi : Je le mettrai dans ma chemise.

    Familièrement. Changer de, etc. comme de chemise, changer quelqu'un ou quelque chose très souvent. Il change de domestiques comme de chemise. Ah ! que j'ai de dépit que la loi n'autorise à changer de mari comme on fait de chemise, Molière, Sgan. 5.

    Demi-chemise, vêtement de toile à une seule manche dont certains verriers se servent pendant leur travail.

    Chemise de laine, vêtement de laine qu'on porte sur la peau ou qu'on met pour aller se baigner.

  • 2Chemise de maille, cotte formée d'annelets d'acier.
  • 3Enveloppe de toile, de papier, etc. dont on se sert pour serrer certains objets. On met les dossiers dans des chemises.

    La chemise d'une balle de soie, la toile qui enveloppe immédiatement la soie.

  • 4 Terme de botanique. Portion des enveloppes florales qui accompagnent le fruit à sa maturité.
  • 5 Terme de jardinage. Couverture de litière épaisse de 0m, 08 à 0m, 10, qu'on met sur les meules de champignons pour les garantir de l'action des agents extérieurs.
  • 6 Terme de fauconnerie. Le duvet de l'oiseau.
  • 7 Terme de marine. Toiles ou nattes dont on tapisse la cale d'un navire qu'on charge en grenier.

    Terme d'argot maritime. Compter ses chemises, vomir par l'effet du mal de mer.

    Chemises à feu, pièces de toile trempées dans une composition de pétrole, de camphre et d'autres matières combustibles, dont on se servait, sur mer, pour brûler les vaisseaux ennemis, en les y attachant et y mettant le feu.

  • 8 Terme de construction. Maçonnerie qui enveloppe une conduite de poterie.

    Muraille en briques au pourtour des calorifères.

    Terme de fortification. Mur dont un rempart ou un bastion est revêtu, pour soutenir les terres.

  • 9 Terme de maçonnerie. Crépi, revêtement.

    Terme de sculpture. La couche de potée formant la chape d'un moule.

  • 10Partie inférieure du fourneau où fond le minerai.

    Canon de fusil ébauché.

    Calotte pour revêtir la couronne d'un four de verrier.

  • 11 Terme de lapidaire. Petite croûte blanchâtre qui enveloppe diverses pierres.
  • 12Chemise de clairon, de cornet, de trompette, partie opposée au pavillon, prolongement rectiligne de l'enroulement.
  • 13Lettres en chemise ou à la duchesse, espèce d'écriture où les pleins tiennent la place des déliés et vice versa.
  • 14Jeu d'hombre. Prendre une chemise blanche, écarter ses neuf cartes pour en prendre d'autres.

PROVERBES

La peau est plus proche que la chemise, c'est-à-dire les intérêts personnels sont plus forts que les autres. On dit dans le même sens : La chemise est plus proche que le pourpoint.

Entre la chair et la chemise, il faut cacher le bien qu'on fait, c'est-à-dire il faut faire le bien sans le faire paraître.

HISTORIQUE

XIIe s. Elle ot chemise de soie d'Aumarie, Ronc. p. 160. Sa chemise qu' [il] ot vestue, [il] M'envoia pour embrasser, Couci, Dame de Faiel. Dame Alaïs corut aparillier Chemise et braies et esperons d'or mier [pur] Et riche ermine de paile de quartier, Raoul de C. 149.

XIIIe s. Vestu [elle] ot un bliaut par desus sa chemise, Berte, XXX. La vieille de paour trembloit sous sa chemise, ib. LXXVI. Lasse ! pourquoi ne creve mes cuers [cœur] sous ma chemise ? ib. C. Comment Amors très bien souef [doucement] Ferma d'une petite clef Le cuer de l'amant, par tel guise Qu'il n'entama point la chemise, la Rose, 2008. Il demore, quant il est desarmés, en pure sa quemise, Beaumanoir, LXIV, 2. Li un vestent coutelle grise, Et li autre vont sans chemise, Rutebeuf, 158. Ele veut avoir gent legiere En son servise, Une eure en cote, autre en chemise, Rutebeuf, 31. Le clerc s'en ala en pure sa chemise en son hostel, Joinville, 209. Comme la chemise est plus près du cors que nul autre vestement, Joinville, 260.

XIVe s. Ung bon messel, couvert d'une chemise de drap de damas blanc semé de marguerites, De Laborde, Émaux, p. 213. Unes chroniques de France, à deux fermoirs d'argent dorez, et ont une chemise de soye à queue, De Laborde, ib. p. 232. Un livre à une chemise de soie longue, nommé le Racional de l'Eglise, au fermoir d'argent esmailé, Gilles Mallet, Inventaire des livres de la bibliothèque du Louvre, p. 44. Un livre à une chemise blanche de soie, à deux fermoers d'argent, ID. ib. Mais ma chemise m'est plus prez certainement Que ma cote ne fait…, Guesclin. 17227. Mais je te veil dire et aprendre Que, pour resprendre ta chemise, Ne mes ton heritage en mise, Machaut, p. 109.

XVe s. Tout desboutonné, en une simple cote et sa chemise, Froissart, II, II, 30. Tant despendon, que on n'a chemise, Villehardouin, Ball.

XVIe s. Les blasphemes contre Dieu, les querelles contre les amis, les jeux jusques à la chemise, et les ordes amours des femmes impudiques, Lanoue, 119. Il fait toujours le brave au commencement, et puis se couëfe de sa chemise, D'Aubigné, Faen. III, 6. La pluspart esloignez de sa presence après y avoir mangé jusques à la chemise, D'Aubigné, Hist. III, 291. Ne voit-on pas la jeunesse de ce temps porter le linon empesé au colet et aux poignets, bien que le corps de la chemise soit de grosse toile et pourrie ? D'Aubigné, Conf. II, 6. Ta chemise ne sache ta guise, Génin, Récréat. t. II, p. 250. Il m'en souvient aussi peu que de ma premiere chemise, Oudin Onques d'estoupes bonne chemise, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 163. Et si les garentiroit de tous dangers belliques qui peuvent survenir au corps, en lui baillant la chemise de necessité qu'on a accoutumé vestir quand on va à la guerre, laquelle est faitte de lin filé la nuit de Noël par des filles chastes au nom du diable, Bouchet, Serées, liv. III, p. 25, dans LACURNE. Le roi François ne faillit point, Quand il prédit que ceux de Guise Mettroient ses enfants en pourpoint Et tous ses sujets en chemise, Sat. Ménipp. Harangue de M. d'Aubray.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. cheminze, chaiminge ; picard, kemise ; provenç. et espagn. camisa ; portug. camiza ; ital. camicia, camiscia ; lat. camisia, dans St-Jérôme ; c'est le plus ancien exemple de ce mot, qui paraît signifier un vêtement en usage dans les camps, et avoir été un mot du langage populaire (volo pro legentis facilitate abuti sermone vulgato ; solent militantes habere lineas, quas camisias vocant). L'ancien haut-allemand fournit hamidi, hemidi, chemise, où l'h pourrait se changer en c, mais qui n'explique pas le suffixe isia. Ce suffixe n'est pas non plus expliqué par Isidore qui tire camisia, de cama, lit. L'ancien français, à côté de chemise, a chainse, étoffe de lin, italien cámice, qui suppose un radical cam ; ce radical pourrait se trouver soit dans le celtique (kymri camse, long vêtement, ancien gaélique caimis, génitif caimse, chemise ; mais le celtique ne paraît avoir aucune racine pour ces mots), soit dans l'arabe qámiç, vêtement de dessous, mot qui se trouve déjà dans le Coran, mais pour lequel l'arabe non plus ne fournit point de racine. La conclusion de cette discussion empruntée à Diez est que les langues romaines ont eu un radical cam, et une forme camis, d'où la forme adjective camisia ; et qu'on ne sait à quelle langue rattacher cam ou camis.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHEMISE.
3Ajoutez : Petite estampe sans inscription. Grandeur d'un volume in-8 pour chemise à la tête des œuvres du sieur Prior, Mém. inédits sur l'Acad. de peinture, publ. par Dussieux, t. II, p. 181.
15Chemise de vapeur, couche de vapeur qu'on interpose autour du cylindre des machines. L'éminent académicien [M. Resal] s'est proposé de se rendre compte de l'économie unanimement accordée aujourd'hui à l'emploi des chemises de vapeur… il a comparé deux machines fonctionnant à même pression, même degré d'humidité de la vapeur admise et égale détente, mais n'ayant l'une qu'une enveloppe sèche, tandis que la seconde possède en outre une chemise de vapeur, Ledieu, Acad. des sc. Comptes rendus, t. LXXXII, p. 599.

PROVERBES

Ajoutez :

Il est dans sa chemise, et la tête et les pieds lui passent, se dit ironiquement quand on refuse de répondre à la demande : où est un tel ?