« conduire », définition dans le dictionnaire Littré

conduire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

conduire

(kon-dui-r'), je conduis, nous conduisons ; je conduisais ; je conduisis ; je conduirai ; je conduirais : conduis, conduisons ; que je conduise, que nous conduisions ; que je conduisisse ; conduisant ; conduit v. a.
  • 1Faire aller en allant soi-même. Il prit des guides qui le conduisirent. Conduire un aveugle. Conduire un enfant à l'école. Il est temps qu'en son ciel cet astre aille reluire ; De grâce, accordez-moi l'honneur de l'y conduire, Corneille, Nicom. II, 2. C'est vous qui sur ces bords conduisîtes ses pas, Racine, Phèd. III, 5. Les dieux vous conduisent comme par la main, Fénelon, Tél. III.

    Absolument. On va d'un pas plus ferme à suivre qu'à conduire, L'avis est plus facile à prendre qu'à donner, Corneille, Imitation, I, 9.

    Terme de manége. Conduire un cheval étroit ou large, lui faire parcourir, dans le manége, un cercle plus ou moins grand. Conduire un cheval de la main, le changer de main.

    Donner une certaine direction. Le chirurgien conduisait d'une main ferme le bistouri. Le maître d'écriture a conduit la main de son élève. Ce peintre conduit bien son pinceau.

  • 2Transporter d'un lieu à un autre. Conduire du vin, des vivres.
  • 3Faire aller une chose où elle doit aller. Conduire une voiture.

    Absolument, conduire se dit pour conduire une voiture. Ce cocher conduit bien. On voit que vous ne savez pas conduire.

    Conduire une barque, la faire aller où elle doit aller.

    Fig. et familièrement. Conduire la barque, avoir le gouvernement d'une affaire.

    Bien conduire sa barque, diriger ses affaires avec habileté.

    Terme de carrier. Conduire la pierre, la mener sur les rouleaux jusqu'au point de l'orifice.

  • 4Faire aller devant soi. Conduire les troupeaux aux champs. Et qui gouverne Rome a conduit des troupeaux, Rotrou, St-Gen. I, 4.

    Par extension. La fête de Diane approchait, et l'on se préparait à conduire la pompe accoutumée, Chateaubriand, Mart. 13.

  • 5Accompagner par honneur, par civilité. Mes domestiques vous conduiront. Conduisez madame.

    Conduire une femme à l'autel, l'épouser.

  • 6Emmener. Il se laissa conduire en prison. Et pour mieux l'y conduire [à Rome] il [l'otage] vous sera donné Sitôt qu'il aura vu son frère couronné, Corneille, Nicom. IV, 4.
  • 7 Fig. La colère a mal conduit sa main. Voilà où l'ont conduit ses folies ! Cela me conduit à vous confier un secret. Qu'un juste respect conduisant ses regards…, Corneille, Pomp. IV, 3. Que ma crédule main conduise le couteau…, Racine, Iph. III, 6. Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire, Boileau, Art poét. I. Madame, vous voyez où l'amour m'a conduit, Corneille, Perthar. IV, 5. N'eût-il pas jusqu'au bout conduit son artifice ? Racine, Baj. III, 7. Reconnaissez les coups que vous aurez conduits, Racine, Iph. V, 2. Remonter jusqu'au principe et vous conduire pas à pas par tous les excès où le mépris de la religion ancienne a été capable de pousser les hommes, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Conduire une chose à sa fin, à son terme. Conduire un ouvrage à sa perfection.

    Commander, gouverner. Conduire une armée, une flotte. L'art de conduire les peuples. Ai-je mis dans sa main le timon de l'État Pour le conduire au gré du peuple et du sénat ? Racine, Brit. I, 1.

    Diriger la conduite. Se laisser conduire par une personne expérimentée. Un directeur conduit la conscience de son pénitent. Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit, Racine, Brit. IV, 4.

    Conduire une administration, une affaire, une négociation, en avoir la direction. Je conduis de l'œil toutes choses, et tout cela ne va pas mal, Molière, Pourc. II, 11.

    Bien conduire, mal conduire l'intrigue d'une pièce, un drame, une comédie, enchaîner bien ou mal les scènes.

    Bien conduire, mal conduire un raisonnement, en enchaîner bien ou mal les parties.

    Conduire une construction, des travaux, les diriger, présider aux ouvriers qui les exécutent.

    Conduire un orchestre, une danse, en diriger les mouvements.

  • 8Faire aller jusqu'à un certain point une opération, un travail quelconque. Cet ingénieur a conduit une mine jusque sous le bastion.

    Terme d'hydraulique. Conduire de l'eau, l'amener et la distribuer par des conduits.

    Conduire un mur, le prolonger depuis un endroit jusqu'à un autre.

    Terme de géométrie. Conduire une ligne, la faire passer par un certain point.

    Conduire l'étoffe bois à bois, c'est en fait de métrage l'étendre doucement le long du mètre, sans la tirer pour l'allonger.

    Mener jusqu'à, en parlant d'un chemin. Prenez cette rue, elle vous conduira au boulevard.

    Fig. Ses grandes actions l'ont conduit à la gloire. Il a été conduit à la ruine par une folle passion.

  • 9 Terme d'eaux et forêts. Conduire une futaie, une forêt, l'aménager.

    Terme d'horticulture. Conduire un arbre, le tailler suivant ce qu'on en veut faire.

    Terme de fauconnerie. Conduire un faucon, l'élever comme il convient.

  • 10 V. n. S'étendre jusqu'à, en parlant d'une route. Ce chemin conduit à la ville. Et cette autre [porte] conduit dans celui de la reine, Racine, Bérén. I, 1.

    Fig. Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire, La Fontaine, Fabl. X, 14.

  • 11Se conduire, v. réfl. Se diriger. Cet homme ne voit pas à se conduire, il est presque aveugle, ou il est dans une obscurité complète.

    Être conduit. Ce dessein s'est conduit avec plus de mystère, Racine, Brit. V, 5. L'opération du baume irrita Vénus, à l'insu de qui la chose se conduisait, La Fontaine, Psyché, II, p. 176.

    Fig. Se comporter d'une certaine manière. Nous sommes encor loin de mettre en évidence Si nous nous conduirons avec plus de prudence, Corneille, Cinna, II, 2. De quelle manière l'Église se conduit à l'égard des prêtres, Pascal, Prov. 16. Vous êtes-vous mis dans la tête que Léonard de Pourceaugnac soit un homme à acheter chat en poche, et qu'il n'ait pas là dedans quelque morceau de judiciaire pour se conduire ? Molière, Pourc. II, 7. La plupart des femmes se conduisent par le cœur, La Bruyère, III.

SYNONYME

CONDUIRE, MENER, GUIDER. Celui qui conduit peut ne pas savoir le chemin ; celui qui guide sait le chemin. Celui qui mène peut ne pas conduire, c'est-à-dire faire cheminer, et peut ne pas guider, c'est-à-dire connaître les chemins à prendre. Un chien conduit un aveugle ou le guide, suivant que ce chien ne sait pas encore le chemin ou qu'il le sait déjà ; mais c'est l'aveugle qui mène le chien.

HISTORIQUE

Xe s. Poscite que cest fructum que mostret nos habemus, que el nos conservet, et ad maturi… ure [maturitatem condure] lo posciomes [puissions], Fragm. de Valenc. p. 469.

XIe s. Que nous seions conduit à mendier, Ch. de Rol. III. [que] Par artimal l'i [en enfer] condoist [conduise] Jupiter, ib. CVI.

XIIe s. À Saragoze ert conduz, Ronc. p. 16. En Roncisvals condurai mes amis, ib. p. 42. Conduis ma gent à force et à vertu, ib. p. 124. Qu'il les conduie as angles spiritaus, ib. p. 150. Ces [ceux-là] conduit Murgalez du regne d'Afanie, Sax. VII. Tous jours te conduira ta creance et tes drois [ton droit], ib. XVIII.

XIIIe s. Et là o [où] il en mer esteit, Si com fortune le voleit, Molt près de peril e de mort, Sans nul conduit e sanz confort, Fors sol l'onde qui'l conduseit, Grégoire le Grand, p. 33. Il parmena el desert les filz Israel, et les conduist en la terre de promissiun, Psautier, f° 95. Et Johannis leur fist jurer qu'il les condiroit tout sauvement, Villehardouin, CLII. Dame Dieu la conduie et la prenne en sa part, Berte, XXII. Ainsi se doit dame deduire, Qui d'amors vuet son cors conduire, Lai du conseil. Se Jehans eust dit au vendre : je voz vent dix muis de blé conduis à Clermont, Beaumanoir, XXVI, 3.

XVe s. Pour gaigner et conduyre le duc de Bourgogne à mettre sus une armée en son pays, Commines, I, 2. Sagement il [Louis XI] conduysoit l'adversité, Commines, I, 10. À riens ne voulut le dit duc entendre, et ja conduysit son malheur, Commines, V, 1.

XVIe s. Ce monde est comparé à ung feu bien allumé, dont ung petit est bon pour soy esclairer à soy conduyre ; mais qui trop en prent, il se art, Rozier histor. I, 2. Aux guerres par lui conduictes contre eulx, Montaigne, I, 16. Les Atheniens estoient à choisir de deux architectes à conduire une grande fabrique [édifice], Montaigne, I, 189. Tel se conduict bien, qui ne conduict pas bien les aultres, Montaigne, IV, 133. Il en demoura plus de quatre mille sur la place, pour ce qu'ilz n'avoient personne qui les conduisist, Amyot, Philop. 16. Le chemin est uny et plain qui conduit l'homme à croire ce qu'il veult, Amyot, Artax. 42. Ce fut toy qui de nuict abandonnant sa ville Conduis le vieil Priam en la tente d'Achille, Ronsard, 919.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, kidûre ; provenç. conduire, condurre ; catal. conduir ; espagn. conducir ; portug. conduzir ; ital. condurre ; du latin conducere, de cum, avec, et ducere, mener (voy. DUIRE).