« contrariété », définition dans le dictionnaire Littré

contrariété

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contrariété

(kon-tra-ri-é-té) s. f.
  • 1État de choses qui sont contraires. Combien par là ne voit-on pas de mérites qui, par l'aliénation des cœurs ou par la contrariété des intérêts, bien loin d'attirer la bienveillance et l'amour, excitent plutôt la jalousie et la haine ! Bourdaloue, Avent, 13. L'énorme contrariété qui se rencontre entre leur vie et la nôtre, Bourdaloue, Avent, Scand. 301. Malgré toute la contrariété qui paraît entre notre état et le sien, Bourdaloue, ib. Nativité de J. C. 499. Ses exemples n'affaiblissaient pas ses préceptes, et il n'avait point à justifier au prince ni aux courtisans la contrariété de ses mœurs et de ses règles, Fléchier, Duc de Montausier.

    Esprit de contrariété, disposition à contrarier.

    Divergence d'opinion, débat. Plus on voit aux avis de contrariétés, Plus à faire un bon choix on reçoit de clartés, Corneille, Othon, V, 2. On les consulte sur cette contrariété, Pascal, Prov. 2. On vit dans l'assemblée une grande contrariété de sentiments et de volontés, Courier, Lett. II, 388. Les contrariétés qui arrivent entre les catholiques sur des questions de fait, Pascal, Prov. 17. Laissons ces contrariétés, Et demeurons ce que nous sommes, Molière, Amph. Prol.

  • 2Contradiction. Ils accordent les contrariétés qui se rencontrent entre leurs opinions et les décisions des papes, Pascal, Prov. 6. Ils trouvent de la contrariété dans cette doctrine, Bossuet, Réfut. Il faut que Dieu, par sa puissance, assujettisse et lie pour ainsi dire cette convoitise indocile, pour arrêter ses contrariétés et ses répugnances, Fléchier, Panég. II, p. 501. Quand un ange descendrait de la voie lactée pour venir concilier ces contrariétés, Voltaire, Phil. II, 179. Nageant dans le reflux des contrariétés Qui pousse et qui retient mes faibles volontés, Voltaire, Fanat. IV, 3. La contrariété singulière des faits qu'il racontait sur sa naissance avec des pièces authentiques sur cet objet, D'Alembert, Académ. franç. V, p. 497. Ceux qui ne peuvent rendre raison des variétés de l'esprit humain, y supposent des contrariétés inexplicables, Vauvenargues, De l'esprit en général. L'imagination ne saurait inventer tant de diverses contrariétés qu'il y en a naturellement dans le cœur de chaque personne, La Rochefoucauld, Max. 478. Les sources des contrariétés de l'Écriture sont un Dieu humilié jusqu'à la mort de la croix, un messie triomphant de la mort par sa mort, deux natures en Jésus-Christ, deux avénements, deux états de la nature de l'homme, Pascal, Pensées, part. II, art 9.
  • 3 Terme de jurisprudence. Contrariété d'arrêts, opposition entre deux décisions rendues.
  • 4 Terme de peinture. Contrariété de couleurs, mélange de couleurs rude à la vue.
  • 5Obstacle, traverse, empêchement, contre-temps. Si j'ai réussi, ce n'est pas sans beaucoup de contrariétés. Et pour vous prévaloir de mes perplexités, Choisissez-vous exprès ces contrariétés ? Corneille, Attila, I, 2. L'angoisse, le chagrin, les contrariétés, Dans son cœur inquiet tombant de tous côtés, Lui donnent les ennuis et le trouble en partage, Corneille, Imit. I, 25.

    Familièrement. Dépit, humeur. Les mauvais propos tenus sur son compte lui ont causé une vive contrariété.

HISTORIQUE

XIIe s. Li visce en la fin nos perturbent d'aspre contrarieteit, Job, 453. Entre ces contrarietez Qui sunt si grantz, cum vos oez, Cume de freidor et d'arson, Benoit de Sainte-Maure, I, 185.

XIIIe s. La contrarieté des viandes, Alebrand, f° 4. Li articles qui est royés et que se conmanche : se nus, et se fine : pour son user, est ainsi corrigiés por les contrarietés qui y furent trouvées, Liv. des mét. 363. S'aucuns fet testament et il ordene, puis le testament fet, le [la] contrarieté de ce qu'il ordena ou laissa en son testament, li testamens est de nule valeur en tel cas, Beaumanoir, XII, 49. Et par ceste contrarieté que noz avons dite, qui n'est pas à recevoir au juge, poez vos veoir, se voz avés sens naturel, en toz autres cas là ù contrarietés sont proposées, Beaumanoir, IX, 5.

XIVe s. Il determine de la contraireté et opposicion qui est en vices et en vertus, Oresme, Eth. 51. Contrarieté est distance, et toute distance est mesurée par ligne drette comme la plus briefve, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVIe s. On ne peut dire qu'il y ait quelque contrarieté entre l'election eternelle de Dieu, et ce qu'il offre le temoignage de sa grace à ses fideles, Calvin, Instit. 788. Cette contrarieté et volubilité d'opinion si soubdaine qu'ils nous feignent, sent pour moy au miracle, Montaigne, I, 397. Les cantharides ont en elles quelque partie qui sert contre leur poison de contre-poison, par une contrarieté de nature, Montaigne, II, 45. Il leur semble que telles contrarietez [disputes] se doyvent resoudre par le fer et par le feu, Lanoue, 53. Alors il y avoit plus grande haine et contrarieté entre les Juifs et les Samaritains, qu'il n'y a aujourd'hui entre les chrestiens et les turcs, Lanoue, 73. En ceste contrarieté d'avis, Lanoue, 82. Au demourant, quant à ses femmes et à ses enfans, il y a des contrarietez entre les historiens, Amyot, Numa, 24. Il y eut grande contention et grande contrarieté d'opinions, Amyot, Cam. 73.

ÉTYMOLOGIE

Berry, contralieté ; provenç. contrarietat ; espagn. contrariedad ; ital. contrarietà ; du latin contrarietatem, de contrarius, contraire.