« courber », définition dans le dictionnaire Littré

courber

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

courber

(kour-bé) v. a.
  • 1Rendre courbe. Courber un bâton. La vieillesse viendra courber ton corps, Fénelon, Tél. XIX. Quand l'eau courbe un bâton, ma raison le redresse, La Fontaine, Fabl. VII, 18. Puis l'infirme vieillesse, arrivant tristement, Presse d'un malheureux la tête chancelante, Courbe sur un bâton sa démarche tremblante…, Chénier, Élég. 33.
  • 2Fléchir, baisser. Peut-être Assuérus, frémissant de courroux, Si nous ne courbons les genoux Devant une muette idole, Commandera qu'on nous immole, Racine, Esth. II, 9. Vous avez jusqu'ici… Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la fin, La Fontaine, Fabl. I, 22. On courbe l'homme, et il reste plié ; il prend cette attitude pour celle que lui donne la nature, il s'endort dans sa misère, Saint-Lambert, Saisons, IV, note 4. On courbait la tête sous les bénédictions des évêques, Chateaubriand, Génie, IV, III, 2.

    Fig. Ce Dieu, tyran cruel, monarque imaginaire, Sous le sceptre odieux du pouvoir arbitraire, Devait courber nos fronts…, Delille, Parad. perdu, VI. Las de courber mon front sous un injuste empire, Delavigne, Vêp. sicil. I, 2.

  • 3 V. n. Courber sous le faix, plier, fléchir. Quatre monstres marins courbent sous ce fardeau, Corneille, Toison d'or, II, 3. L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire ; Il courbait sous les fruits, La Fontaine, Fabl. X, 2. Ils [des arbres] courbent sous le poids des offrandes sans nombre, La Fontaine, Phil. et Bauc.
  • 4Se courber, v. réfl. Devenir courbe. La poutre se courbant sous le poids qu'elle supportait. Ce trône était ombragé de lilas qui se courbaient en voûte, Marmontel, Contes mor. Mari sylphe. Jusqu'aux fonds azurés où la voûte des airs S'unit, en se courbant, au vaste sein des mers, Saint-Lambert, Saisons, II.

    Avec suppression du pronom réfléchi. On fit courber par force des arbres l'un vers l'autre, et l'on attacha à chacun de ces arbres un des membres du corps de ce parricide, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 450, dans POUGENS.

  • 5Plier le corps. Se courber pour ramasser quelque chose. Mais du haut de la porte enfin nous l'avons vue, Un poignard à la main sur Pyrrhus se courber, Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber, Racine, Andr. V, 5. Lui-même, se courbant, s'apprête à le rouler [le lutrin], Boileau, Lutrin, III.
  • 6S'incliner. L'insolent devant moi ne se courba jamais, Racine, Esth. II, 1. Cette tête élevée vers les cieux n'est pas faite à l'image du Créateur pour se courber devant un homme, Raynal, Hist. phil. XIX, 10. Séraphins, prophètes, archanges, Courbez-vous, c'est un roi ; chantez, c'est un martyr ! Hugo, Odes, I, 5.

    Fig. [La véritable grandeur] se courbe par bonté vers ses inférieurs et revient sans effort dans son naturel, La Bruyère, II.

  • 7S'humilier sous la volonté d'un supérieur. Tout se courbe devant cet homme.

    Se dit aussi, dans le langage élevé, des objets inanimés. Ô voyage bien différent de celui qu'elle avait fait sur la même mer, lorsque, venant prendre possession du sceptre de la Grande-Bretagne, elle voyait, pour ainsi dire, les ondes se courber sous elle et soumettre toutes leurs vagues à la dominatrice des mers ! Bossuet, Reine d'Anglet. Et la mer se courbant sous vos flottes puissantes, Delille, Énéide, IV.

HISTORIQUE

XIIe s. Jo guarderai à mun oes [service] set milie humes ki encore unches ne curberent le genuil devant Baal, Rois, 322.

XIIIe s. Corbés sui por le fes de mes pechiez qui trop est griés [lourd], Psautier, f° 47.

XVIe s. Il n'en ont veu aulcun esdenté ou courbé de vieillesse, Montaigne, I, 236. La figure [de ma bibliothèque] en est ronde ; elle vient m'offrant, en se courbant, d'une veue touts mes livres, Montaigne, III, 289. En un endroit où la rive se courboit en forme de croissant, Amyot, Publ. 35. Leurs espées estoient forgées de fer fort mol, de sorte qu'elles se courboient et plioient incontinent, Amyot, Cam. 70. On ne voyoit autre chose que gens courbez vers la terre qui fouilloient des pierres, Amyot, Anton. 58.

ÉTYMOLOGIE

Berry, corber, corbir ; provenç. corbar, curvar ; anc. espagn. corvar ; ital. curvare ; du latin curvare (voy. COURBE).