« crouler », définition dans le dictionnaire Littré

crouler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

crouler

(krou-lé) v. n.
  • 1S'affaisser avec fracas, en parlant de masses solides qui tombent. N'est-ce que quand la maison croule Qu'on permet de crier au feu ? Béranger, G. nat. Ses greniers crouleront sous leur charge pesante, Segrais, Géorg. I. Ces gigantesques monts crouleront à leur tour, Lamartine, Harm. II, 3. L'illusion n'est plus, et son temple a croulé, Bernis, Relig. vengée, III. Tes greniers crouleront sous tes grains entassés, Delille, Géorg. I. À demi renversé croule un antique mont Avec les vieux sapins qui couronnent son front, Delille, Parad. perdu, VI. Et sur son frêle appui le colosse a croulé, Delille, Trois règnes, I.
  • 2 Fig. Je vois crouler sur moi le fatal édifice Que mes mains élevaient avec tant d'artifice, Voltaire, Marianne, II, 1. Tous leurs systèmes [à ceux-ci ou à ceux-là] croulent par quelque endroit, Voltaire, Newt. II, 7. Ce point une fois manqué, Il est aisé de voir que tout le système de M. l'abbé Dubos croule de fond en comble, Montesquieu, Esp. XXX, 24. L'ouvrage de la sagesse n'est pas éternel, mais celui de la folie s'ébranle sans cesse et ne tarde pas à crouler, Raynal, Hist. phil. IV, 33.
  • 3 V. a. Agiter, secouer. En ce sens il a vieilli, mais il reste très usité comme terme provincial. Je les compare à ces ambitieux Qui, monts sur monts, déclarèrent la guerre Aux immortels ; Jupin, croulant la terre, Les abîma sous des rochers affreux, La Fontaine, Ballade au roi, 1684, Poésies mêlées, LVII.

    Terme de marine. Lancer à la mer. Crouler un vaisseau.

    Terme de vénerie. Crouler la queue, remuer la queue, en parlant d'une bête qui s'effraye.

REMARQUE

Crouler se conjugue avec l'auxiliaire avoir quand il exprime l'acte : la maison a croulé cette nuit ; avec l'auxiliaire être, quand il exprime l'état : la maison est croulée depuis hier.

HISTORIQUE

XIe s. De son algeir [dard] [il] a la haste crollée [agitée], Ch. de Rol. XXXIII.

XIIe s. Par tel vertu [il] l'a [la lance] crolée et brandie, Ronc. p. 33. Et de cors et de membres [elle] par fu si avenanz, Qu'onques Dex ne fist homme, tant soit vielz ne crolanz, Se l'osast esgarder, ne li muast talanz, Sax. V. E nostre sires ferrad [frappera] Israel, e croler le frad si cume fait li rosels par cele riviere, Rois, 293. Les fundemenz des munz sunt esmeüz e crodlez ; kar nostre sires est curuciez, ib. 205.

XIIIe s. Et assemblerent si grant ost qu'avis estoit que toute la terre deust croller dessous aus [eux], Chr. de Rains, 144. Et fist garnir Saintes et les autres quatre castiaus moult bien, et s'en revint en France, et n'estoit roiaumes qui contre lui s'osast croller, ib. 195. Et quant il entendit teus paroles, si crolla la tieste, et dist que par l'ame son pere biel li estoit, ib. p. 74. Tapiz s'est desoz une espine, Que ne volt mie estre veüz, Ne s'est crolez, ne s'est meüz, Coiz se tient et puis si escoute, Ren. 5015.

XVe s. De paour le corps me croule tous, la Pass. de N. S. J. C.

XVIe s. Adonc veissiez armes bruyre et crouller, Chevaulx hennir, harnoys estinceller, Marot, J. V, 149. À ce seul mot, un gros marteau carré Frappe tel coup contre un portal barré Qu'il fait crousler les tours du lieu infame, Marot, I, 253. [Les vents] Croulent son tronc d'une horrible menace, Et de fueillars pavent toute la place, Du Bellay, J. IV, 19, recto. Ung aultre jour, s'exerceoyt à la hasche, laquelle tant bien croulloyt, que…, Rabelais, Garg. I, 23. Abattans les noiz, croullans tous les fruictz des arbres, Rabelais, ib. I, 26. C'est un bastiment qui croulera tout, si vous y touchez, Montaigne, I, 316. La secousse de nos entrailles en est si violente qu'il est malaysé qu'elle ne croulle tout le corps, Montaigne, I, 356. J'ay le pied si instable et si mal assis, je le treuve si aysé à crouler et si prest au branle…, Montaigne, II, 323. Ils manient cette matiere, comme gents qui ont peur de s'eschaulder : croulez la tant soit peu ; elle leur eschappe, Montaigne, IV, 56. Tout croule autour de nous [change et se ruine], Montaigne, IV, 86. Ils sentent le poids du joug, et ne peuvent tenir de le crouler, Montaigne, IV, 364. Courant çà et là, et croulant sa lance toute teinte du sang qui couloit au long, Amyot, Galba, 32. La terre du fossé par sa propre pesanteur croule d'elle-mesme de jour à autre, De Serres, 409. Pour garder les dents qu'elles s'esbranlent, les affermir croulans, les nettoier estans ordes et sales, De Serres, 904.

ÉTYMOLOGIE

Normand, croller, remuer ; Berry, groûler, grouller, remuer ; wallon, hrouler, tamiser ; bourguig. craulai ; provenç. crollar, crotlar ; ital. crollare. Les formes crodler, crotlar, nécessairement plus anciennes que les autres, conduisent à un verbe bas-latin co-rotulare (rotulare a donné en effet le provençal rotlar), de co, avec, et rotulare, rouler (voy. ROULER).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CROULER. Ajoutez :
4Se crouler, s'écrouler (inusité). Les choses qui ne sont pas achevées ne sont jamais fermes : tantôt elles s'entr'ouvrent, tantôt elles penchent, tantôt elles se croulent, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.

C'est de la même manière que Corneille a dit : Quand nous verrions partout les roches ébranlées, Et jusqu'au fond des mers les montagnes croulées, Nous n'aurions point lieu de trembler, Lexique, éd. Marty-Laveaux.