« dédaigner », définition dans le dictionnaire Littré

dédaigner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dédaigner

(dé-dè-gné) v. a.
  • Marquer du dédain pour quelqu'un ou quelque chose. Cette fierté d'âme qui dédaigne les serviles bienséances. Vous n'êtes point pour elle un homme à dédaigner, Corneille, Cinna, II, 1. Gardez-vous de rien dédaigner, Surtout quand vous avez à peu près votre compte ; Bien des gens y sont pris…, La Fontaine, Fabl. VII, 4. La maison d'Israël n'a eu que du mépris pour moi, dit le Seigneur, comme une femme qui dédaigne un homme qui l'aime, Sacy, Bible, Jérémie, III, 20. Les grands dédaignent les gens d'esprit qui n'ont que de l'esprit, La Bruyère, IX. J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes, Racine, Andr. IV, 5. Elle me dédaignait, un autre l'abandonne, Racine, Androm. II, 1. On dédaignait un Scythe ; et la honte et l'outrage De mes vœux mal conçus devinrent le partage, Voltaire, Orphel. II, 6.

    Avec de et un infinitif. D'un des pans de sa robe il couvre son visage, à son mauvais destin en aveugle obéit, Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit, De peur que d'un coup d'œil, contre une telle offense Il ne semble implorer son aide ou sa vengeance, Corneille, Pomp. II, 2. Il ne dédaignait pas d'en être l'arbitre, Massillon, Pet. car. Écueils. Et pour tout autre objet ton âme indifférente Dédaignait de brûler d'une flamme innocente, Racine, Phèd. IV, 2. Le pavillon d'Antoine est auprès du rivage : Passez et dédaignez de venger mon outrage, Voltaire, Triumv. IV, 3. Napoléon dédaigna d'attribuer ce mécompte à l'habileté du général ennemi ; il s'en prit aux siens ; déjà il sentait que sa présence était partout nécessaire, ce qui la rendait partout impossible, Ségur, Hist. de Nap. IV, 6.

REMARQUE

1. Malherbe a dit se dédaigner : Il ne s'est lassé ni dédaigné d'aucun service, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, VI, 16. C'est un archaïsme.

2. Le même Malherbe a dit je dédagne, qui était une ancienne forme, aujourd'hui tombée en désuétude : Puisque tu m'as esté si mauvaise compagne, Ton infidèle foi maintenant je dédagne, Malherbe, Poés. I, 4.

HISTORIQUE

XIIe s. Si tu veis qu'il se desdeigne e enquierge pur quei nus si apruchames al mur, Rois, 156. E nostre sire s'en desdeignad forment, si ocist plusors del pople, ib. 304.

XIIIe s. En doivent bien avoir bon guerredon Cil qui lui ont enseigné et apris à eslogner ceus de ci environ ; Et ele [la reine Blanche] a bien fermée [retenu] sa leçon ; Car tous [elle] les hait et desdaigne, Hues de la Ferté, Romancero, p. 184. Cil n'ont le conmant desdaingné, Ainz s'entornent sanz plus atendre, Ren. 30222. Car s'il desdaingnoit l'assolution, et desobeissoit au commandement de sainte Eglise, adont seroit il escommeniés à Dieu et au siecle, Beaumanoir, XLVI, 11.

XVIe s. Ô viateur, ne te desdaigne mye Veoir cest escript et piteuse omelie, Marot, V. 354. Le pere de misericorde ne desdaignant point condescendre en cet endroit à notre infirmité, Calvin, 183. Ainsi les desdaignoit le vulgaire comme ignorant les premieres choses et communes, et comme presumptueux et insolents, Montaigne, I, 140. Cette genereuse jeunesse desdaignant tout aultre joug que de la vertu, Montaigne, I, 151. Ilz en devindrent si glorieux qu'ilz ne vouloient point et desdaignoient qu'on les meslast avec les autres soudards qui s'estoient laissé battre par plusieurs fois, Amyot, Alc. 59. Celuy qui desdaigne de caresser le peuple pour en avoir faveur, doibt aussi moins que tout autre chercher à s'en venger s'il en est rebuté, Amyot, Alc. et Cor. comp. 7. Des Teilles choisi pour les vivres, Baronniere ne se desdaigna pas de l'artillerie et des munitions de guerre, D'Aubigné, Hist. II, 148. Je me desdaignai [je pris en mépris] bien fort de son ingratitude, Carloix, VI, 34. Sa majesté establit M. le mareschal de Vieilleville son lieutenant general au dict siege d'Angely, se desdaignant d'y estre en personne, Carloix, IX, 44. Qu'on se donne bien garde de les desdaigner [dégoûter] de manger par trop de viandes [aliments], comme cela avient quand desordonnément on les affourrage, De Serres, 282.

ÉTYMOLOGIE

Lat. dedignari, de de, et dignari, daigner (voy. DAIGNER) ; provenç. desdegnar ; catal. desdenyar ; espagn. dedeñar ; portug. desdenhar ; ital. disdegnare.