« depuis », définition dans le dictionnaire Littré

depuis

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depuis

(de-pui ; l's se lie : de-pui-z un an)
  • 1 Prép. marquant un rapport de lieu, l'intervalle d'un point à un autre. La France s'étend depuis les Alpes jusqu'à l'Océan.

    Fig. Quelle distance depuis l'instinct d'un Lapon ou d'un nègre jusqu'à l'intelligence d'un Archimède ou d'un Newton ! Marmontel, dans GIRAULT-DUVIVIER.

    Depuis marquant un rapport d'ordre, de succession. Je les ai tous vus depuis le premier jusqu'au dernier. Depuis le prophète jusqu'au prêtre, toutes les actions ne sont que mensonge, Sacy, Bible, Jérémie, VIII, 10.

    Depuis marquant un rapport de temps. Je vous attendrai depuis cinq heures jusqu'à six. Depuis le lever du soleil jusques à la nuit, les troupes de Darius ne cessèrent de défiler, Vaugelas, Q. C. liv. III, ch. 2, dans RICHELET. L'un à l'autre attachés depuis notre naissance, Voltaire, Zaïre, II, 2.

    Depuis, avec un nom de personne ou un pronom personnel, signifie postérieurement à. Il est venu depuis moi.

    Depuis quand ? depuis combien de temps ? Et depuis quand, seigneur, tenez-vous ce langage ? Racine, Iphig. I, 1. Quel ornement, madame, étranger en ces lieux ! Depuis quand l'avez-vous ? Racine, ib. II, 3.

    Depuis peu, depuis peu de temps. Il est arrivé depuis peu.

    Depuis lors, depuis ce temps-là. Il se comporta d'une manière inconvenante ; depuis lors on ne l'a pas revu. Humbert dit, dans le Glossaire génevois, que cette locution ne se trouve que dans J. J. Rousseau, de Saussure et les écrivains suisses. En tout cas, c'est une locution commune, rationnelle, et formée comme dès lors.

  • 2 Adv. Il est parti il y a un an, je ne l'ai pas revu depuis. Et tu sais que depuis, à chaque occasion, Je suis tombé pour toi dans la profusion, Corneille, Cinna, V, 1. Et depuis, jusqu'ici, chaque jour, ses courriers M'apportent en tribut ses vœux et ses lauriers, Corneille, Pomp. II, 1. Depuis, comme à votre heur toute chose conspire, Votre oncle encor vivant vous résigna l'empire, Rotrou, Bélis. V, 5. Mais qui sait si depuis Je n'ai point en secret partagé vos ennuis ? Racine, Andr. II, 2. Il me fallut depuis gémir de votre absence, Voltaire, Zaïre, II, 2.
  • 3Depuis que, loc. conj. suivie de l'indicatif, depuis le temps où… Depuis qu'elle [Rome] se voit la maîtresse du monde, Depuis que la richesse entre ses murs abonde, Corneille, Cinna, II, 1. Depuis que le Seigneur m'a reçu dans son temple, Racine, Athal. IV, 1. Depuis que je suis né, j'ai vu la calomnie…, Voltaire, Tancr. II, 3. Non, depuis qu'en ces lieux mon âme fut vaincue, Depuis que ma fierté fut ainsi confondue…, Voltaire, Orphel. II, 6.
  • 4Depuis, dans le même sens, avec l'infinitif. Depuis avoir connu feu M. votre père, j'ai voyagé par tout le monde, Molière, Bourg. gentilh. IV, 5. Villacerf ne remit pas le pied à la cour depuis s'être démis des bâtiments, Saint-Simon, 70, 158.

    Cette tournure, quoique peu usitée présentement, mérite d'être employée.

  • 5Depuis que, dans le sens de dès là que, dès lors que, lorsque. Il n'est rien qui ne cède à l'ardeur de régner ; Et, depuis qu'une fois elle nous inquiète, La nature est aveugle et la vertu muette, Corneille, Nicom. II, 1. Les rois ne sont plus rois depuis que leur puissance Laisse à la calomnie opprimer l'innocence, Rotrou, Bélis. V, 5. Mais depuis qu'une vie est tombée en tes mains, ô mort, pour la ravir tous nos efforts sont vains, Rotrou, Antig. V, 8. Voltaire, dans ses notes sur le Menteur de Corneille, a condamné cette tournure. De fait elle a cessé d'être en usage.

REMARQUE

1. Du depuis est une locution qui est tout à fait tombée en désuétude, et hors du bon usage. On la trouve dans des auteurs de la première moitié du XVIIe siècle : Je craignais tous ces traits que j'ai sus du depuis, Régnier, Élég. 3. Le cardinal avait témoigné une douleur sensible de l'injustice qu'il m'avait faite et qu'il avait clairement reconnue du depuis, Retz, II, 166.

2. Dans depuis que, la locution complète est depuis ce que, comme on peut le voir à l'historique.

HISTORIQUE

XIIIe s. [La ville] Fut Namur apelée depuis communaument, Berte, IX. Despuis en fut la vile assez plus asservie, ib. LX. Despuis qu'ele ot de vous la nouvele escoutée, ib. LXXXII. Signor, moult se dementoit Floire, Despuis qu'il revint de Montoire, Fl. et Bl. 793.

XIVe s. Depuis ce qu'ils estoient couchiés, Ménagier, I, 6.

XVe s. La roine d'Angleterre et son fils en aima depuis le chevalier et la dame à toujours, Froissart, I, I, 12.

XVIe s. Depuis qu'Adam fust tempté de vipere, Conceu ne fut sans peché creature, Marot, J. V, 334. Ceux qui nient que Jesus-Christ ait esté fils de Dieu que depuis avoir vestu nostre chair, ne font que caviller malicieusement, Calvin, Instit. 374. Depuis au disner jusques au souper, une larme n'attendant l'aultre, elle ne cessa de me prescher, Marguerite de Navarre, Lettre 20. Depuis mercredy Madame s'est trouvée beaulcoup plus mal qu'elle n'avoit esté despuis qu'elle a commencé à se lever, Marguerite de Navarre, ib. 40. Ces parolles achevées, s'escarta de la compaignie ; depuys, ne feut possible tyrer de luy mot quelconque, Rabelais, Pant. III, 45. Pasquil ha faict depuys nagueres ung chansonnet auquel il dict…, Rabelais, Ép. 13. Depuis qu'on est planté en butte aux canonades…, Montaigne, I, 49. Il ne veit oncques ce discours, depuis qu'il luy eschappa, Montaigne, I, 206. Depuis le jour que je le perdis, Montaigne, I, 219. Il souffroit la mesme passion en son cueur, que Themistocles longtemps depuis [après] souffrit, Amyot, Thésée, 8. Au reste depuis [après] la mort de son pere Aegeus, il entreprit une chose grande à merveille, Amyot, ib. 28. À Sparte, depuis que l'enfant estoit né, le pere n'en estoit plus le maistre, Amyot, Lyc. 32. Et se feit porter depuis la cour du roy jusques à la coste de la mer Mediterrane, Amyot, Pélop. 56. Aussi n'estoit-il point cholere, ny prompt à se courroucer ; mais depuis qu'une fois il l'estoit, on avoit beaucoup affaire à le rappaiser, Amyot, Cat. d'Utiq. 1.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et puis ; Berry, dépeus, dépuye, dépuire ; bourguig. depeu, depô ; wallon, dipeû, dispeû, dispôie ; provenç. despuois, depueis, depos ; anc. catal. depus, depuys ; espagn. despues ; portug. depois ; ital. dopo.