« discerner », définition dans le dictionnaire Littré

discerner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

discerner

(di-sèr-né) v. a.
  • 1Séparer, mettre à part. S'ils disent que la grâce de Jésus-Christ nous discerne, Pascal, P. jés. 45. Qui vous a discernée de ces âmes infidèles dont le monde est si plein ? Massillon, Or. fun. Prof. 1.

    Il se dit aussi des choses qui séparent. Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles, Pascal, Pensées, XXIII, 1, éd. Lahure, 1860.

  • 2Séparer, distinguer, reconnaître, à l'aide de la vue. À l'aide du microscope on discerne les plus petits objets. Je ne pus pas bien discerner qui était avec vous, pour ce qu'à cette heure-là j'avais la tête en bas, Voiture, Lett. 9. Chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait, Ne pouvait discerner où le sort inclinait, Corneille, Cid, IV, 3. Vos yeux ont discerné les hommages du mien [cœur], Voltaire, Zaïre, I, 2.

    Reconnaître, en parlant d'un autre sens que de la vue. Il s'élève un grand bruit, et mille cris confus Ne laissent discerner que vive Héraclius, Corneille, Héracl. V, 7.

  • 3 Fig. Faire la distinction. Il discerna la vérité. Il s'applique à discerner la cause du juste d'avec celle de l'injuste. Que tu discernes mal le cœur d'avec la mine ! Corneille, Polyeucte, V, 1. Nous avons peu de jour à discerner la feinte D'avec la pure vérité, Corneille, Imit. II, 5. Faisons par vos travaux et ma reconnaissance Du maître et du sujet discerner la puissance, Rotrou, Vencesl. III, 6. Discerner la vérité d'avec le faux, Pascal, Pens. part. I, art. 2. …Sachez de l'ami discerner le flatteur, Boileau, Art p. ch. I. Discernez-vous si mal le crime et l'innocence ? Racine, Phèd. V, 3. Vos enfants qui ne savent pas encore discerner le bien et le mal seront ceux qui entreront en cette terre, Sacy, Bible, Deutéron. I, 39.

    Absolument. Mes pareils sans péril se rangent à sa suite ; Le mérite et le sang nous y font discerner, Corneille, Othon, I, 1.

  • 4Se discerner, v. réfl. Être reconnu. Tout ce qui est mérité se sent, se discerne, se devine réciproquement, La Bruyère, V.

REMARQUE

On dit discerner d'avec : discerner le bien d'avec le mal, et discerner de : discerner le bien du mal ; et enfin sans préposition discerner le bien et le mal. Dans les deux premiers cas on compare ; dans le troisième on aperçoit seulement l'un et l'autre, mais pour les reconnaître et les séparer.

HISTORIQUE

XIVe s. Mucius ne sceut discerner se ce estoit li roys Porsennes, Bercheure, f° 32, recto. Nous eslisons et prenons à conseilliers gens qui scevent discerner et congnoistre de grans choses et notables, Oresme, Eth. 65.

XVe s. Et en ces detriances [retards] on envoieroit du conseil notables personnes devers le comte de Hainaut, pour avoir sens plus discerné pour respondre, Froissart, III, IV, 16. [Ces gens] Qui, pour gouster les bons vins, Sont bien fins, Sachans comme on les discerne, Basselin, XXIX.

XVIe s. La raison est propre à nostre nature, pour nous discerner d'avec les bestes brutes, Calvin, Instit. 195. C'est un sentiment de la conscience par lequel elle discerne entre le bien et le mal suffisamment, Calvin, ib. 200. Dieu a accoustumé de s'orner de certains titres, par lesquels il se discerne d'avec les idoles des payens, Calvin, ib. 281. La nuict n'estoit si obscure que l'on ne veist du tout rien, ne si claire que l'on peust assuréement discerner à l'œil ce qui se presentoit, Amyot, Nicias, 39. Il est bien difficile de discerner et juger, lequel des deux y proceda plus seurement, Amyot, Nicias et Crassus, 8. Les sages nous apprennent assez à nous garder de la trahison de nos appetits et à discerner les vrays plaisirs et entiers, des plaisirs meslez et bigarrez de plus de peine, Montaigne, I, 283.

ÉTYMOLOGIE

Lat. discernere, de dis… préfixe, et cernere, voir (voy. CERNER).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DISCERNER. Ajoutez :
5Se discerner, se distinguer, se faire remarquer. Ces anciens évêques, qui ne se discernaient que par le zèle et la charité avec laquelle ils conduisaient leurs troupeaux, Arnauld, dans STE-BEUVE, Port-Royal, t. V, p. 302, 3e édit.