« entier », définition dans le dictionnaire Littré

entier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

entier, ière

(an-tié, tiè-r'. Du temps de Chifflet, Gramm. p. 188, er se prononçait dans entier comme dans fer, hiver) adj.
  • 1Qui a toutes ses parties, toute son étendue. L'univers entier. Le gâteau est encore entier. Du corps du grand Rantzau tu n'as qu'une des parts ; L'autre moitié resta dans les plaines de Mars ; Il dispersa partout ses membres et sa gloire ; Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le cœur, Épitaphe de Rantzau, 1650. Personne [pendant une bataille] ne sentit un tremblement de terre qui arriva dans cette contrée, et qui renversa des villes entières, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 418, dans POUGENS.

    Terme de botanique. Se dit des feuilles et des pétales dont la circonférence n'est ni incisée ni dentelée.

    Terme de féodalité. Homme lige entier, vassal qui n'est attaché par le serment de fidélité qu'à un seul seigneur.

  • 2Qui n'est pas châtré. Cheval entier.
  • 3 Terme d'arithmétique. Unité entière, celle qui n'indique pas de fraction.

    Nombre entier, tout nombre qui ne renferme que des unités entières.

  • 4 Fig. Il se dit des choses abstraites, morales, qui sont dans leur totalité. Une entière confiance. Une entière indépendance. Une soumission entière. Je l'envisage entier [notre malheur], mais je n'en frémis point, Corneille, Hor. II, 3.
  • 5Qui n'a pas subi de diminution, de déchet, de modification. Un homme d'une réputation peu entière, Saint-Simon, 469, 202. Il abusa de ce secours [les calmants], si c'était en abuser que de l'employer à diminuer ses peines et à conserver plus entières les facultés de son âme, Condorcet, Bucquet.

    La question reste entière, c'est-à-dire elle n'est pas résolue du tout, on a répondu à des difficultés accessoires, mais non à la véritable qui faisait le fond même de la question. Qu'est-ce que les comètes ? les anciens pensaient que c'étaient des vapeurs ; mais l'observation a montré que c'étaient des corps bien au delà du cercle de la lune ; la question a changé de face, mais elle reste entière.

    Les choses ne sont plus entières, c'est-à-dire les circonstances ne sont plus les mêmes.

    Ne laisser rien d'entier, toucher à tout, innover en tout, changer tout. Il faut une autorité… autrement, la présomption, l'ignorance, l'esprit de contradiction ne laissera rien d'entier parmi les hommes, Bossuet, Pensées chrét. 14. Défiez-vous de ces dangereux esprits, de ces hardis novateurs, en un mot des Sociniens, qui bientôt, si on les écoutait, ne laisseraient rien d'entier dans la religion chrétienne, Bossuet, Var. Avert. I, § 48.

  • 6Qui maintient entières ses idées, ses volontés. C'est un homme entier. En tous ses sentiments elle est assez entière, Tristan, Mort de Chrispe, II, 3. Plus entier que jamais en son impiété, Rotrou, St Gen. v, 7. Ce vieux plaideur, quoique inflexible et entier presqu'autant que son adversaire, n'a pu résister à l'ascendant qui nous a tous subjugués, Rousseau, Hél. v, 6.

    Terme de manége. Cheval entier, celui qui refuse de tourner. Il peut être entier à une main ou aux deux mains, suivant qu'il a de la peine à tourner d'un seul côté ou des deux côtés.

  • 7Il se joint à tout ; ce qui lui donne plus de force. Le pays tout entier se souleva. La haine sur Titus tombera tout entière, Racine, Bérén. III, 2.

    Cette affaire, cette fonction exige un homme tout entier, c'est-à-dire elle exige toutes les forces et tout le temps d'un homme. Quand pourront les neuf sœurs, loin des cours et des villes, M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux Les divers mouvements inconnus à nos yeux ! La Fontaine, Fabl. XI, 4.

    Tout entier à, uniquement occupé de. Livré tout entier à mon nouveau goût. De ne vivre jamais pour soi et d'être toujours tout entier aux passions d'un maître, Molière, Sicil. 2. Il a voulu témoigner par là qu'il est tout entier à vos charmes, Molière, Comtesse d'Esc. 2. Je volais tout entière au secours de son fils, Racine, Phèd. IV, 5.

    Se livrer tout entier à, se donner tout entier à, se donner, consacrer tout son temps, se dévouer à. Il se donne tout entier à l'étude. Se donner tout entier à son pays.

    On dit dans un même sens se donner entier. À ce reproche l'assemblée, Par l'apologue réveillée, Se donne entière à l'orateur, La Fontaine, Fabl. VIII, 3.

    Mourir tout entier, mourir sans laisser de postérité, de souvenir, de renommée. Voudrais-je… Ne laisser aucun nom et mourir tout entier ? Racine, Iphig. I, 2.

    En un autre sens, il est mort tout entier, il est mort avec ses facultés entières, avec toutes ses facultés.

  • 8 S. m. La totalité, l'ensemble d'une chose. Ce passage est rapporté dans son entier.

    En son entier, dans un état d'intégrité, intact, dans le même état qu'auparavant. Remettre les choses en leur entier. Ce n'était pas une explication qui laissât en son entier le fond du mystère, Bossuet, Avert. 1. Le Parthénon subsista dans son entier jusqu'en 1687, Chateaubriand, Itin. 199.

  • 9 Terme d'arithmétique. Un entier, un nombre entier.
  • 10Le mot qui fait le sujet d'une charade et qui se divise le plus souvent en deux parties nommées le premier et le dernier. On dit aussi le tout.
  • 11Un entier, un cheval entier.
  • 12En entier, loc. adv. Entièrement, complétement. Il a récité le morceau en entier.

    Terme de droit. Restitution en entier, voy. RESTITUTION.

SYNONYME

ENTIER, COMPLET. Une chose est entière lorsqu'elle n'est ni mutilée, ni brisée, ni partagée, et que toutes ses parties sont jointes et assemblées de la façon dont elles doivent l'être : elle est complète lorsqu'il ne manque rien, et qu'elle a tout ce qui lui convient, GIRARD.

HISTORIQUE

XIIe s. Set ans aconplis et entiers, Ronc. p. 31. Ja cil d'Espaigne n'eschaperont entier, ib. p. 83. Bien [je] peüsse ma joie avoir entiere D'esgarder, de veoir, Couci, XVIII. Il tenoit un espié dont la hante est entiere, Sax. X. Idunc l'en comencierent al mustier amener ; Mais parmi l'entier mur lur estoveit [il leur fallait] aler, E par les huis fermez, s'il volsissent passer, Th. le mart. 145.

XIIIe s. Et les ronces n'ont pas laissé sa robe entiere, Berte, X. Qui veïst Blanchefleur la dame au cuer [cœur] entier [excellent], ib. CXXIX. Dame, voici, il est mes sire ; Je sui son home lige entiers, la Rose, dans DU CANGE, solidus.

XIVe s. Et requeroient que la chose fust gardée entiere jusques à la venue de lui, Bercheure, f° 65, verso.

XVe s. Il convenroit passer par la force de plusieurs seigneurs, qui ne sont pas si entiers ne si loyaus aus chrestiens comme il deussent, Du Cange, integraliter. La vertu et proesse des quatre chevaliers estoit joeuse à regarder ; car sans heaulmes et sans escuz estoient en estant, le roy Perceforest, le roy Lyonnel, le roy Gadiffer, et le chevalier doré son frere, qui n'avoient d'entiers que les cueurs, Perceforest, t. IV, f° 84.

XVIe s. Fidelement representer les choses en leur entier, Montaigne, I, 59. J'avois une santé ferme et entiere, Montaigne, I, 195. Nous appelons un cheval entier, qui a crin et aureille, Montaigne, I, 368. Martius estoit homme ouvert de sa nature et entier, et qui ne fleschissoit jamais, Amyot, Cor. 21. En temperance et netteté de mains, pour ne se laisser point corrompre par argent, il se peult accomparer aux plus vertueux, plus nets et plus entiers [intègres] des Grecs, Amyot, Alc. et Cor. comp. 8. Il aima mieulx acquerir la reputation d'homme de bien, vaillant, entier et droitturier, Amyot, P. AEM. 4. Chevauchant une mule entiere, D'Aubigné, Faen. III, 23. Le harangueur fut ferme et entier à la tollerance des reformez, D'Aubigné, Hist. 108. Je ne suis homme si entier en mes opinions, que je ne reconnaisse facilement ma faute, Paré, Au leçt. Et si en l'une et en l'autre partie y avoit entier et rout [fraction] ensemble…, Est. de la Roche, Arismetique, f° 13.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. antei ; provenç. entier, entieyr, enteir ; catal. enter ; espagn. et ital. intero ; portug. inteiro ; du latin integrum (avec l'accent sur te), entier (voy. INTÈGRE).