« excès », définition dans le dictionnaire Littré

excès

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

excès

(è-ksê ; l's se lie : des è-ksê-z indignes) s. m.
  • 1Différence en plus de deux quantités inégales. L'excès d'une ligne sur une autre. L'excès ou le défaut d'une idée sur une autre, ou, pour me servir des termes ordinaires, l'excès ou le défaut d'une grandeur, Malebranche, Rech. VI, I, 5.

    Il se dit, en arithmétique, pour exprimer le résultat d'une soustraction.

  • 2 Fig. Ce qui dépasse une limite ordinaire, une mesure moyenne. L'excès du froid. L'excès du chaud. J'espère que vous m'avouerez que la pension que le roi me fait, n'est pas un excès qui doive être sujet à réformation, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 6. Pour voir à quel excès irait ton insolence, Corneille, Héracl. I, 2. Un excès de plaisir nous rend tout languissants, Corneille, Cid, IV, 5. Et de sa digne ardeur [de l'âme dévote] le salutaire excès, Egal aux fortunes diverses, M'adore autant dans les traverses, Que dans les plus heureux succès, Corneille, Imit. III, 6. Néron tant détesté N'a point à cet excès poussé sa cruauté, Racine, Bérén. IV, 6. Ma douleur, à cette triste vue, à son dernier excès est enfin parvenue, Racine, ib. v, 6. … Qui sait même, qui sait si le ciel irrité A pu souffrir l'excès de ma félicité ? Racine, Iphig. III, 6. Et qu'Aman soit admis à cet excès d'honneur, Racine, Esth. II, 7. Madame, je sais trop à quel excès de rage La vengeance d'Hélène emporta mon courage, Racine, Andr. IV, 5. Protésilas ne disait rien ; mais il tâchait de me faire entrevoir le danger et l'excès de toutes ces réformes que vous me faisiez entreprendre, Fénelon, Tél. XII. Peut-être que la bonté de Dieu vous a réservé pour être un monument public de l'excès de ses miséricordes envers les plus grands pécheurs, Massillon, Car. Lazare. Un excès de prudence est souvent un danger, Delille, Pitié, IV.

    Absolument. Et toujours d'un excès vous vous jetez dans l'autre, Molière, Tart. v, 1. Toujours il va d'un excès dans un autre, La Fontaine, Mandr. Je veux avec excès vous aimer et vous plaire, Voltaire, Zaïre, I, 2. Tout excès mène au crime, Voltaire, Alz. IV, 1.

    Il se dit quelquefois au pluriel. Mais tels sont les excès du malheur qui m'opprime, Corneille, Clit. II, 6.

    Familièrement. Il n'y a pas d'excès, se dit quand on veut rabattre quelque chose d'une louange. Il se montre fort aimable. - Vraiment, il n'y a pas d'excès.

    Excès de pouvoir, fait de rendre une décision ou d'agir en dehors des attributions légales.

  • 3 Au plur. Débauche, dérèglement. Faire des excès. Ses excès ont ruiné sa santé. Des excès de table. Vous avez beau vouloir sanctifier vos passions ; elles vous punissent toujours des excès qu'elles vous font commettre, Rousseau, Lév. d'Éphr. 3.

    Au sing. Familièrement. Nous avons fait hier un petit excès, se dit d'une partie de table.

  • 4 Au plur. Violences, outrages. Il prévit à quels excès ils se porteraient, Bossuet, Hist. III, 5.

    En termes de jurisprudence, séparation de corps pour cause d'excès, de sévices et d'injures graves.

  • 5À l'excès, jusqu'à l'excès, loc. adv. Outre mesure, à l'extrême. Vous montrez un chagrin qui va jusqu'à l'excès, Corneille, Cid, I, 2. Le respect pour l'autorité allait jusqu'à l'excès, Bossuet, Hist. III, 5. Ses débordements allèrent à l'excès, Bossuet, ib. II, 1. Ils [les Scythes] aiment le vin au point que, pour dire boire à l'excès, on dit boire comme un Scythe, Barthélemy, Anach. ch. 20.
  • 6Dans l'excès, au delà de la limite ordinaire. Et lorsque la valeur ne va point dans l'excès, Elle ne produit point de si rares succès, Corneille, Cid, IV, 3. Madame de Nesles est affligée dans l'excès, Sévigné, 487.

    PROVERBE

    L'excès en tout est un défaut.

REMARQUE

Peut-on dire trop d'excès ? Voy. la remarque à EXCESSIF.

HISTORIQUE

XIVe s. Se dix estoit le plus grand excès en aucune matiere et deux estoit la plus grant deffaute, Oresme, Eth. 44. Puisque il a ja fait les excès et se est mal gouverné, Oresme, ib. 74. On dit que excès n'est corrigé que parexcès, c'est à dire que oultrage ne se corrige fors que par oultrage, Ménagier, I, 9. Pour eschever [éviter] le gast et excès des mesnies, ib. II, 4.

XVe s. Vous excitez tous excès en nature Que ne pourroit souffrir chevaulx ne ours, Deschamps, Vie dissipée. Le grant Alexandre jadis Et plusieurs roys en firent gloire [de boire] ; L'excès [je] n'en appreuve pourtant, Basselin, I. Commocions de peuple et autres deliz et excès contre nostre dit seigneur, Bibl. Des ch. 5e série, t. I, p. 81.

XVIe s. Ceulx qui disent qu'il n'y a jamais d'excès en la vertu, d'autant que ce n'est plus vertu si l'excèz y est…, Montaigne, I, 223. Commettre des excès, Amyot, Cam. 51. Il commença à parler et à nommer celui qui lui avait fait cet excès [violence], Paré, VIII, 31.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. exces ; espagn. exceso : ital. eccesso ; du lat. excessus, de excessum, supin de excedere (voy. EXCÉDER).