« importer.2 », définition dans le dictionnaire Littré

importer

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importer [2]

(in-por-té) v. n.

Il n'est d'usage qu'à l'infinitif et aux troisièmes personnes.

  • 1Être important, être de conséquence. Et mon trépas importe à votre sûreté, Corneille, Cinna, V, 1. Je suis prince et chrétien de qui l'exemple importe, Rotrou, Bélis. III, 5. Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte ; Et, si quelque affaire t'importe, Ne la fais pas par procureur, La Fontaine, Fabl. XI, 3. Allez, cet ordre importe au salut de l'empire, Racine, Brit. II, 1. Tout m'importe, et de tout je suis en défiance, Voltaire, Mér. III, 1.
  • 2Importer de, avoir l'importance de, y aller de. En matière d'État, ne fût-ce qu'un atome, Sa perte quelquefois importe d'un royaume, Corneille, Attila, I, 2. L'on pouvait reprocher à Fernand avec beaucoup de justice, qu'il savait mal garder ses places, de négliger ainsi les bons avis qui lui étaient donnés, et de prendre le parti le moins assuré dans une nouvelle qui ne lui importait pas moins que de sa ruine, Sent. de l'Acad. sur le Cid. D'où vient donc qu'il aurait attendu si tard à donner un avis qui importait à son roi de la conservation de sa vie ! Arn. Apol. pour les cath. I, 21. Il avait, disait-il, un procès qui lui importait de dix mille francs, Regnard, Voyage de Pologne.
  • 3Il se prend aussi comme verbe impersonnel. Quand l'effet est certain, il n'importe des causes, Corneille, Sophon. V, 4. Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, La Fontaine, Fabl. I, 5. Mais il n'importe ; car vous ne voulez vous servir longtemps de ce raisonnement, Pascal, Prov. 17. Dans une vie si égale il n'importe pas à cette princesse où la mort frappe : on n'y voit point d'endroit faible par où elle pût craindre d'être surprise, Bossuet, Mar.-Thér. Et, le remplissant [Satan] de fiel et d'amertune contre nous, elle [l'envie] le contraint d'avoir recours à la fraude, à la tromperie, à ses artifices malicieux ; il ne lui importe pas pourvu qu'il nous perde, Bossuet, 2e sermon, Démons, 2. Il ne lui importait quelles mœurs eussent ces peuples, Montesquieu, Esp. x, 14. Un chrétien pour eux est un homme qui va au prêche tous les dimanches : quoi qu'il fasse dans l'intervalle, il n'importe pas, Rousseau, Lett. au maréchal de Luxembourg, 20 fév. 1761. C'est au temps à révéler ce qu'il importerait à l'historien de savoir, Raynal, Hist. phil. V, 9.
  • 4Importer, s'emploie dans plusieurs locutions négatives ou interrogatives, ou avec peu, pour exprimer l'indifférence qu'on a, le peu de cas qu'on fait. N'importe, servons-la, méritons son amour, Corneille, Sertor. II, 5. Épousez ou Didyme ou Cléante ou quelque autre, Ne m'importe pas qui, mon choix suivra le vôtre, Corneille, Théod. II, 4. La pensée du peu de place que nous tenons dans ce grand univers, et combien il importe peu, à la fin du monde, qu'il y ait eu un comte de Bussy heureux ou malheureux, Sévigné, Lett. à Bussy, 13 août 1688. Il vient, dit-il [Jésus-Christ], comme un voleur… comme un voleur, direz-vous, indigne comparaison ! n'importe qu'elle soit indigne de lui, pourvu qu'elle nous effraye et qu'en nous effrayant elle nous sauve, Bossuet, Mar.-Thér. Qu'importe que vous puissiez vous en servir, si vous ne vous en servez pas ? Bourdaloue, 9e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 177. Que m'importe, seigneur, sa haine ou sa tendresse ? Racine, Andr. II, 2. Qu'importe sa pitié, sa joie et sa vengeance ? Voltaire, Mérope, IV, 2. Qu'importe, leur dit-il, que Derar soit pris ou mort ? Dieu est vivant et vous regarde, combattez, Voltaire, Mœurs, 6. Plusieurs d'entre eux ne voulaient que faire un livre, n'importait quel, pourvu qu'il fût accueilli, Rousseau, 3e promen. Espérant que vos lettres continueront à me parvenir… ayant peut-être été ouvertes, mais n'importe pas, pourvu qu'elles parviennent, Rousseau, Lett. à Lalliaud, 8 octob. 1768.

    Qu'importe, n'importe, avec la préposition de. Et qu'importe, après tout, d'une autre ou d'Aristie ? Corneille, Sertor. II, 4. Et qu'importe à tous deux de Rome et de l'État ? Corneille, Othon, II, 4. Qu'importe de mon cœur si je fais mon devoir ? Corneille, Sertor. I, 3. Terre, ne couvre pas mon sang, disait Job ; mais qu'importe du sang de Job ? Bossuet, 2e sermon, Passion, 2. Et que m'importe, hélas ! de ces vains ornements ? Racine, Bérén. IV, 2. Deux voyageurs, n'importe de leur nom, Chemin faisant dans les champs d'Arabie, Lamotte, Fables, II, 9. Pourvu qu'on ait la conscience nette, qu'importe des discours ? Baron, la Coquette, I, 4. Si, en général, le caractère est bon, qu'importe de quelques défauts qui s'y trouvent ? Montesquieu, Espr. XIX, 5.

REMARQUE

Il faut employer de avec l'infinitif quand le second verbe se rapporte au régime : Il importe à votre frère de partir ; mais, quand le second verbe ne se rapporte pas au régime, il faut mettre que avec le subjonctif : Il importe à votre frère que vous partiez.

HISTORIQUE

XVIe s. Le plus ordinaire moyen qu'on suit pour cet effect est d'assieger places qui importent, Lanoue, 434. Il leur fit sentir desir de parler au roi à part pour chose qui l'importoit, D'Aubigné, Hist. II, 14. Une entreprise qui importe la conqueste d'une province, Carloix, VII, 7. Après qu'ils ont travaillé aux affaires serieuses qui importent notre repos, Sat. Mén. p. 184. Qu'importe que nous tordons nos bras, pourvu que nous ne tordons pas nos pensées ? Montaigne, III, 200. J'ay recogneu, estant sur le lieu, que ma venue n'importoit rien moins que la conservation de ceste armée à mon service, Lett. miss. de Henri IV, t. III, p. 382.

ÉTYMOLOGIE

Lat. importare, porter dans, de in, en, et portare, porter. Si l'on suit l'historique, on voit comment importer a pris le sens d'être de conséquence : une chose importe, par exemple la conservation de la vie, c'est-à-dire elle apporte avec soi… ; puis, absolument, une chose importe. Dès lors, la transition est faite ; et du sens de porter dans ou importer, on touche au sens de avoir de l'importance.