« imputer », définition dans le dictionnaire Littré

imputer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

imputer

(in-pu-té) v. a.
  • 1 Terme de finance et de jurisprudence. Porter en compte, appliquer un payement à une certaine dette ; déduire une somme, une valeur sur une autre, l'en rabattre (le sens propre du latin imputare étant porter sur le compte de). L'avancement d'hoirie doit être imputé sur la quotité disponible.
  • 2 Fig. Mettre au compte moral d'une personne. La foi d'Abraham lui fut imputée à justice, Sacy, Bible, St Paul, Ép. aux Rom. IV, 9. Une action ne peut être imputée à péché, si…, Pascal, Prov. IV. Les péchés de surprise ne pourraient être imputés, Pascal, ib. Il ne faut point imputer les conséquences à qui les nie, Bossuet, 3e avert. 2.

    Terme de théologie. Mettre au compte de l'homme, en parlant des mérites de Jésus-Christ. Il [Piscator] dit que la justice de Jésus-Christ qui nous était imputée, n'était pas celle qu'il avait pratiquée dans tout le cours de sa vie, mais celle qu'il avait subie en portant volontairement la peine de notre péché sur la croix, Bossuet, Var. XII, § 27.

  • 3 Fig. Attribuer à, avec l'idée d'éloge ou de blâme. Je ne l'impute point à l'injure du sort, Malherbe, VI, 36. Ils voudraient bien, s'ils pouvaient, imputer à leur mérite ce qu'ils doivent à l'assistance de leur ami, Malherbe, Traité des bienf. de Sénèque, II, 23. On nous imputerait ce mauvais artifice, Corneille, Hor. II, 8. Mais je sais que chacun impute, en cas pareil, Son bonheur à son industrie ; Et, si de quelqu'échec notre faute est suivie, Nous disons injures au sort, La Fontaine, Fabl. III, 14. Il ne faut imputer mon silence qu'à mon peu de loisir, Bossuet, Lett. Corn. 46. Telle était son habileté que… lorsqu'il était vaincu, on ne pouvait en imputer la faute qu'à la fortune, Fléchier, Turenne. Ou ne dois-je imputer qu'à votre seul devoir L'heureux empressement qui vous porte à me voir ? Racine, Andr. II, 2. Nos superbes vainqueurs, insultant à nos larmes, Imputent à leurs dieux le bonheur de leurs armes, Racine, Esth. I, 4. À l'amour de Pharnace on impute mes pleurs ! Racine, Mithr. II, 6. Seigneur, je crois surtout avoir fait éclater La haine des forfaits qu'on ose m'imputer, Racine, Phèdre, IV, 2. Je ne veux pas vous imputer mon malheur, et je n'en accuse que moi, Lesage, Diabl. boit. t. V, p. 72, dans POUGENS. Imputons à nos romans ces défauts du théâtre, et plaignons le plus beau génie qu'eut la France, d'avoir été asservi aux plus ridicules usages, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Pompée, IV, 3. Mais, dis, sens-tu ce trouble, et ce secret murmure Qu'un préjugé vulgaire impute à la nature ? Voltaire, M. de César, III, 2.

    Imputer à. .. suivi d'un substantif sans article, attribuer ce qui est exprimé par ce substantif. Peuple qui me veux mal et m'imputes à vice D'avoir été payé d'un fidèle service…, Malherbe, V, 4. Et a voulu taxer de légèreté une action qui fut imputée à grandeur de courage par ceux qui en furent les témoins, Corneille, Cid, Avertiss. Vous m'en désavouez, vous l'imputez à crime, Corneille, Pomp. III, 2. Je m'impute à forfait tout ce que j'imagine, Corneille, Rodog. V, 4. Je crains, sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère Ne m'ait à mépris imputé D'avoir différé cet hommage, La Fontaine, Fabl. VIII, 3. On y voit [dans les églises de l'Orient] tout le culte des images qu'on nous impute à idolâtrie, Bossuet, 3e avert. 10. Cette entreprise, par laquelle vous prétendez vous honorer, ne vous sera pas imputée à gloire par le Seigneur notre Dieu, Bossuet, Polit. VII, V, 10. Ils ont donc raison de ne pas vouloir qu'on leur impute leur soumission à faiblesse, Bossuet, Var. 5e avert. § 16. Il [Cicéron] confie ses justes plaintes à sa femme et à son ami, et on impute à lâcheté sa franchise, Voltaire, Rome sauvée. Préf.

    On dit quelquefois dans le même sens : imputer pour. Accusez-moi plutôt… Et m'imputez pour crime un trop parfait amour, Corneille, Tite et Bérén. III, 5. On ne peut pas imputer pour une faute au procureur constitué, si…, Domat, Lois civiles, 1re part. liv. I, tit. 15, sect. III, 5.

    Imputer de, avec l'infinitif. Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison, Corneille, Cid, I, 9. Et je m'imputais même à trop de vanité De trouver entre nous quelque inégalité, Corneille, Héracl. III, 1. Pourrait-il m'imputer de craindre le trépas ? Mairet, Mort d'Asdr. II, 1.

    Imputer que, avec le verbe à l'indicatif. Imputer à de telles gens qu'ils sont soumis par faiblesse, ou modestes par crainte, ce n'est pas vouloir seulement déshonorer le christianisme, mais encore vouloir obscurcir la vérité même plus claire que le soleil, Bossuet, Var. 5e avert. § 16.

    S'imputer, imputer à soi. Il s'impute à péché la moindre bagatelle, Molière, Tart. I, 6. Ne vous imputez point le malheur qui m'opprime, Racine, Mithr. IV, 2. La désolation de l'État augmentée par les divisions ordinaires aux malheureux qui s'imputent les uns aux autres les calamités publiques, Voltaire, Louis XIV, 10. Ils osèrent dire au gouvernement que c'était à lui à s'imputer les malheurs et les fautes de la compagnie, Raynal, Hist. phil. IV, 25.

  • 4Attribuer. Ils diront qu'on impute un faux nom à Léonce, Corneille, Héracl. III, 4. On m'a imputé des vers insolents contre son Éminence, Scarron, Œuv. t. I, p. 268. Vous m'imputez un poëme sur la religion naturelle ; je n'ai jamais fait de poëme sous ce titre ; j'en ai fait un, il y a environ trente ans, sur la loi naturelle, ce qui est très différent, Voltaire, Lett. Cogé, 27 juill. 1767.
  • 5S'imputer, v. réfl. Être imputé, mis en compte. Les payements faits par un débiteur s'imputent sur les dettes qui lui sont le plus à charge.

    Fig. Être attribué à. Elle… ne souffrira pas Que ce change s'impute à son manque d'appas, Corneille, Galer. du pal. III, 1. C'est un point délicat ; et de pareils forfaits, Sans les bien avérer, ne s'imputent jamais, Molière, Sgan. 12.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si parla l'en de ces clers riches, Et des prestres avers [avares] et chiches, Qui ne font bonté ne honour à evesque ne à seignour ; Cil prestres i fut emputeiz [accusé], Rutebeuf, 275.

XIVe s. Madame. je te prie que tu ne vueilles imputer à moy ce dont je suis contraint de faire, Ménagier, I, 6. Ce que nous faisons par ire et en concupiscence est chose involuntaire, et ne nous doit pas estre imputé à mal, Oresme, Eth. 62.

XVe s. Cil li respont isnel le pas : Voir, très chier ami te repute ; Or ne doubte nul qui t'empute [accuse] ; Car devant le roy m'en iray Pour toy, et te delivreray, Myst. Barlaam et Jos. dans GUI DE CAMBRAI, p. 391. Je ne lui veux point du tout imputer l'occasion de la guerre, Commines, IV, 13.

XVIe s. Bienheureux celui auquel Dieu impute ou alloe la justice sans œuvres ! Calvin, Inst. 571. Pourquoi Dieu imputeroit il à vice aux hommes les choses desquelles il leur a imposé necessité ? Calvin, ib. 862.

ÉTYMOLOGIE

Lat. imputare, porter en compte, de in, en, et putare compter (voy. PUTATIF).