« interrompre », définition dans le dictionnaire Littré

interrompre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

interrompre

(in-tè-rom-pr'), j'interromps, tu interromps, il interrompt, nous interrompons ; j'interrompais ; j'interromprai ; j'interromprais : j'interrompis ; interromps, interrompons ; que j'interrompe, que nous interrompions ; que j'interrompisse ; interrompant ; interrompu v. a.
  • 1Rompre la continuité ou la continuation d'une chose. La route est interrompue par un fossé. Prête, sans me troubler, l'oreille à mes discours ; D'aucun mot, d'aucun cri n'en interromps le cours, Corneille, Cinna, V, 1. Mais les songes suivis et dont, à tout propos, L'horreur se rencontrant interrompt le repos…, Rotrou, Vencesl. IV, 1. Ah ! marquis, que l'on voit de fâcheux tous les jours Venir de nos plaisirs interrompre le cours ! Molière, Fâcheux, II, 7. Les autels ne se plaindront pas que leur sacrifice soit interrompu par un entretien profane, Bossuet, Bourgoing. Sommeil léger qui n'appesantit pas l'esprit, et qui n'interrompt presque point ses actions, Bossuet, la Vallière. Jamais l'heure de l'oraison ne fut changée ni interrompue, pas même par les maladies, Bossuet, Anne de Gonz. Pourquoi interrompre par ces idées funestes la relation glorieuse de ses honneurs et de ses charges ? Fléchier, Mme de Mont. La mollesse en pleurant… Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois, Boileau, Lutrin, II. Ou, si quelque chagrin en interrompt la course [de ses plaisirs], Racine, Brit. II, 3. Ne vous offensez pas si mon zèle indiscret De votre solitude interrompt le secret, Racine, Bérén. II, 3. Mais un trouble importun vient depuis quelques jours De mes prospérités interrompre le cours, Racine, Ath. II, 5. Son sommeil était souvent interrompu par les avis qu'il recevait, Fénelon, Tél. XVII. Votre vie n'a-t-elle pas été assez criminelle pour interrompre enfin une si affreuse carrière ? Massillon, Carême, Mot. de conv. Les astres de la nuit interrompent leur course, Les fleuves étonnés remontent vers leur source, Et Pluton même tremble en son obscur séjour, Rousseau J.-B. Circé. Une bombe qui tomba près de la salle de la comédie, n'interrompit point le spectacle, Voltaire, Louis XIV, 21.
  • 2 Terme de jurisprudence. Interrompre la possession, la prescription, la péremption, empêcher qu'une possession, une prescription, une péremption ne continue. La citation en justice… interrompt la prescription, Code Napoléon, 2246.
  • 3Interrompre quelqu'un, empêcher qu'il ne continue de faire ce qu'il faisait. Mais rien ne vient m'interrompre ; Je mange tout à loisir, La Fontaine, Fabl. I, 9. La mort dans ce projet m'a seule interrompu, Racine, Mithr. V, 5.

    Empêcher de continuer à parler. Ne répondez point avant que d'avoir écouté, et n'interrompez point une personne au milieu de son discours, Sacy, Bible, Ecclésiastique, XI, 8. Ah ! surtout ne m'interrompez point, Molière, D. Garc. IV, 8. Don précieux, inestimable présent, si seulement la possession avait été plus durable ! mais pourquoi ce souvenir vient-il m'interrompre ? Bossuet, Duch. d'Orl. Oh ! pourquoi celui-là m'a-t-il interrompu ? Je ne dirai plus rien, Racine, Plaid. III, 3. Pendant que vous lui répondez, il perd le fil de sa curiosité, vous interrompt, entame un autre sujet…, La Bruyère, VIII. Il écoutait tous mes récits, il ne m'interrompait jamais, Picard, le Conteur, I, 3.

    Familièrement. Sans vous interrompre, locution exprimant une sorte d'excuse de ce qu'on interrompt quelqu'un qui parle. Léandre : Mais sans vous interrompre. - Céphise : Encore ! il m'interrompt, Boissy, Babillard, sc. 9.

  • 4S'interrompre, v. réfl. Être interrompu. De pareilles occupations s'interrompent quand on veut.
  • 5Cesser de faire une chose. Cincinnatus labourait ; il s'interrompit en voyant l'envoyé du sénat.

    Couper le fil de ce que l'on disait. La lettre qu'il [le prince de Condé mourant] a écrite au roi est la plus belle chose du monde, et le roi s'interrompit trois ou quatre fois par l'abondance des larmes, Sévigné, 13 déc. 1686. Tous entreprennent son éloge [de Turenne] ; et chacun, s'interrompant lui-même par ses soupirs et par ses larmes, admire le passé…, Fléchier, Turenne. Tout à coup, elle s'interrompait elle-même, Fénelon, Tél. VII.

HISTORIQUE

XIIe s. Il entrerumpiet la pierre el desert, e abevrat els, Liber psalm. p. 106.

XIIIe s. Et usages qui est aquis ou tenu ou deçà ou de là, n'antreront pas l'usage, Livre de jost. 140.

XIVe s. Ils se leverent presque tous encontre luy, et entrerompirent son dit souvent, Ménagier, I, 9.

XVe s. Avant qu'il eust fixé sa parole, les vilains plastriers lui entrerompirent, en niant, Louis XI, Nouv. XCVIII.

XVIe s. J'ay trouvé mauvais aux escrits de mon temps de voir les suittes des grandes affaires à tous coups entrerompues des discours de l'escholle, de livrets d'apologie, quelquefois de mauvaises rhytmes, D'Aubigné, Hist. I, 50. Depuis la S. Barthelemi, ce prince n'avoit repos que entrerompus de tressaux et de gemissemens, D'Aubigné, ib. II, 129. Cette treve afin de recomancer le traitté de paix entrerompu, D'Aubigné, ib. II, 178. Martius escouta les paroles de Volumnia sa mere sans l'interrompre, Amyot, Cor. 56. Et bien souvent luy jettoient de la fange et des pierres, entrerompans les prieres et requestes qu'il faisoit au peuple, Amyot, Cicéron, 39. Celuy qui ne daigna interrompre la lecture de son livre pendant qu'on l'incisoit, Montaigne, I, 307.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. entrerompre ; du lat. interrumpere, de inter, entre, et rumpere, rompre.