« je », définition dans le dictionnaire Littré

je

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

je

(je), pronom personnel de la première personne, du singulier et des deux genres.
  • 1Il s'emploie toujours comme sujet de la proposition, et jamais comme régime ou complément : je dis, je fais, je lirai, je hais.

    Quand le verbe commence par une voyelle ou une h non aspirée, on élide l'e : j'aime, j'honore.

  • 2Il est quelquefois séparé du verbe dans certaines formules, par l'énonciation des qualités de celui qui parle. Je soussigné, conservateur des hypothèques, certifie que…

    L'ancienne langue, pour laquelle moi était toujours un régime, et qui disait : qui a fait cela ? je, permettait les séparations de je et de son verbe. Cette tournure se trouve encore dans Scarron : Je qui chantai jadis Typhon D'un style qu'on trouva bouffon, Scarron, Virg. I. Dans la langue actuelle, quand on veut employer une tournure semblable, il faut dire : moi qui, je… Moi qui vous parle, je l'ai vu de mes yeux.

  • 3Il se met après le verbe, dans les façons de parler interrogatives ou admiratives, comme : que ferai-je ? que répondrai-je ? où suis-je ?

    Il s'y met quand le verbe se trouve enfermé dans une espèce de parenthèse, comme : Vous remarquerez, lui dis-je, que… Osez-vous, lui répondis-je, me parler de la sorte ? Moi, j'ai blessé quelqu'un ? fis-je tout étonnée, Molière, Éc. des f. II, 6. Il s'y met quand on l'emploie par manière de souhait, comme : Puissé je de mes mains te déchirer le flanc ! Voltaire, Fanat. V, 2.

    Il s'y met dans ces phrases-ci et autres semblables : Dussé-je en périr, fussé-je au bout du monde, quand je devrais en périr, quand je serais au bout du monde. Eussé-je un faible cœur Jusques à n'en pouvoir effacer votre image, Molière, le Dép. IV, 3.

    Il s'y met dans des phrases où le doute s'exprime, comme : Peut-être irai-je, peut-être n'irai-je pas. Encore ne sais-je. Si je vous ouvre mon cœur, peut-être serai-je à vos yeux bien moins sage que vous, Molière, l'Avare, I, 2.

    Il s'y met aussi quand le verbe est précédé de la conjonction aussi ou de certains adverbes, comme : Aussi puis-je vous assurer… ; en vain prétendrais-je le persuader ; inutilement voudrais-je m'y opposer.

    Lorsqu'il est ainsi placé après le verbe, c'est toujours immédiatement, sans qu'on puisse rien mettre entre deux.

  • 4Dans ces circonstances, c'est-à-dire je étant placé après son verbe, si le verbe est au présent de l'indicatif et de la première conjugaison, on accentue l'e final, et d'un e muet on fait un é fermé. Mais où cherché-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous ? Boileau, Épître I. Elle me fuit ! veillé-je et n'est-ce point un songe ? Racine, Iphig. II, 7.

    On l'accentue encore, si le sens de la phrase demande l'emploi du présent du subjonctif ou de l'imparfait du même mode, comme : je dusse, je puisse, on écrira : dussé-je, puissé-je. Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre, Corneille, Hor. IV, 5. Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre, Racine, Androm. I, 4.

    On accentue l'e final du verbe, parce qu'alors le verbe et le pronom ne forment qu'un seul mot et que dans notre langue il est impossible qu'un mot se termine par deux syllabes muettes.

  • 5Quand le verbe qui doit être suivi du pronom je se trouve d'une seule syllabe ou terminé par deux consonnes, on prend alors une autre tournure pour ne pas choquer l'oreille, et, au lieu de dire : dors-je, mens-je, m'endors-je, on dit : est-ce que je dors ? est-ce que je mens ? est-ce que je m'endors ?

    Cependant on trouve de ces monosyllabes avec le pronom je dans les meilleurs auteurs. Ne sens-je pas bien que je veille ? Molière, Amph. I, 2. Ne tiens-je pas une lanterne en main ? Molière, ib. I, 2. Dans toutes ces expressions l'oreille doit être juge. C'est par plaisanterie que P. L. COURIER fait dire à un soldat : je sers ; mais à quoi sers-je ? Courier, 2e lettre particulière. Le principe par lequel l'oreille juge, c'est d'admettre dors-je, sers-je, etc. quand ils ne portent pas l'accent phraséologique, et de les rejeter quand ils le porteraient.

  • 6Je, comme tous les pronoms personnels, se répète forcément dans deux cas : premièrement, quand il y a deux propositions de suite où l'on passe de l'affirmation à la négation et de la négation à l'affirmation ; secondement, quand les propositions sont liées par toute autre conjonction que les conjonctions et, mais, ni.

    Dans tous les autres cas, on consulte l'harmonie et l'élégance de la phrase pour répéter ou non le pronom. Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords, La Fontaine, Fabl. XI, 4. Misérable ! et je vis ! et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue, Racine, Phèdre, IV, 6. Un rapport clandestin n'est pas d'un honnête homme ; Quand j'accuse quelqu'un, je le dois et me nomme, Gresset, Méchant, V, 4.

  • 7Je ne sais quoi, ou, substantivement, un je ne sais quoi, voy. SAVOIR.

HISTORIQUE

IXe s. Si salvarai eo [je] cest meon fradre Carlo, Serment. Si io returnar non l'int puis [si je ne l'en puis détourner], ib.

Xe s. E io ne dolreie [je ne serais pas dolent] de tanta millia hominum, si perdut erent ? Fragment de Valenc. p. 469.

XIe s. Jojetai vos choses de la nef pur poür [peur] de mort, Lois de Guill. 38. Bel sire niés [neveu], et je et vous irons, Ch. de Rol. LXVIII.

XIIe s. Et je, qui sui au mourir, Couci, IV. Jes [je les] ai laissez au reigne d'Aumarie, Ronc. p. 167. Qu'il me prendroit, et je lui à mari, ib. 170. Amis, dist-ele, verrai vous je jamais ? Raoul de Camb. 234.

XIIIe s. Helas ! or n'oserai je mais devant lui aler, Berte, CXXXIX. Repentir ? las ge que feroie ? la Rose, 4165.

XVe s. Voir est que je, qui ai empris… ai, par plaisance… frequenté plusieurs nobles et grands seigneurs, Froissart, Prol.

XVIe s. Ce ne suis-je pas qui en suis cause, mais Jupiter et la deesse de necessité, Calvin, Instit. 146. Quand la mere oublieroit ses enfans, encor ne t'oublieray-je jamais, Calvin, ib. 150. Voulant doncques (je vostre très humble esclave) accroistre voz passe-temps, Rabelais, Pant. II, prol. De l'endurer lassé je ne suis pas, Ny ne seroy-je, allassé-je là bas…, Ronsard, 54. Remply-je ce que je luy donne ? Ronsard, 376. Mais pourquoy sens-je en mon age imparfait Avant le temps le mal qu'elle me fait ? Ronsard, 928. Rougis-je ? escume-je ? tressauls-je ? fremis-je ? Montaigne, III, 142. Je trouve dans le commun langage ces façons de parler… Cependant que j'irons au marché, pour nous irons : j'avons bu, pour nous avons ; allons m'en, de par le diable, pour allons nous en ; j'allons bien, pour nous allons bien, Palsgrave, f° 125 au verso. Pensez à vous, o courtisans, Qui, lourdement barbarisants Toujours, j'allions, je venions, dites, H. Estienne, Du langage français italianisé. J'avons esperance qu'il fera beau temps, Lettre de François 1er citée par GÉNIN, Variations, p. 291.

ÉTYMOLOGIE

Nivernais, i ; picard, ege, ej, euj'' ; provenç. eu, ieu, io ; espagn. yo ; portug. eu ; ital. io ; du lat. ego ; goth. ik ; allem. ich ; lithuan. isz ; zend, azem ; sanscr. aham.