« leur.2 », définition dans le dictionnaire Littré

leur

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leur [2]

(leur) ; au plur. LEURS (leur, l's se lie : leur-z amis) adj. poss. des deux genres
  • 1Il signifie d'eux, d'elles, qui appartient à eux, à elles ; il est ordinairement relatif aux personnes. Il est leur adversaire, mais il a leur estime. Lorsque d'un saint respect tous les Persans touchés N'osent lever leurs fronts à la terre attachés…, Racine, Esth. II, 1. Il est bien dur pour un cœur magnanime D'attendre des secours de ceux qu'on mésestime, Leurs refus sont affreux, leurs bienfaits font rougir, Voltaire, Zaïre, II, 1.

    Il se dit quelquefois relativement aux animaux, aux plantes et même aux choses inanimées. Les chevaux ont perdu leurs fers. Mes orangers ont perdu leurs feuilles. Le char d'Amphitrite, traîné par des chevaux marins plus blancs que la neige ; … leurs yeux étaient enflammés, et leurs bouches étaient fumantes, Fénelon, Tél. IV. Les hautes montagnes de Thrace, qui de leurs fronts couverts de neige et de glace depuis l'origine du monde fendent les nues, Fénelon, ib. XIX.

  • 2Quelquefois on le dit d'un nom au singulier, pourvu que ce nom soit collectif. C'est une famille illustre ; leurs aïeux sont nommés dans l'histoire… Une Espagnole eût promis davantage, je n'ai point leurs mœurs, est très français ; lisez la grammaire à l'article des pronoms collectifs, Voltaire, Lett. Thiriot, 16 mars 1736.
  • 3Leur placé devant les comparatifs et les adverbes comparatifs forme un superlatif. Leurs meilleurs amis. Leurs plus beaux fruits. Leur plus riche habit.
  • 4Leur précédé de l'article le, la, les, s'emploie pronominalement. Les gens sages conservent leurs amis, et les fous perdent les leurs. Les mémoires de Ludlowe, colonel alors dans l'armée [républicaine anglaise], et l'un des juges [de Charles 1er], font voir combien leur fierté était flattée en secret de condamner en maîtres celui qui avait été le leur, Voltaire, Mœurs, 180. Ils vous ont servi de modèle, Et vous auriez été le leur, Voltaire, Lettres en vers et en prose, 113.

    Quoique d'ordinaire il soit relatif aux personnes, on le peut dire des animaux, et même des choses inanimées. Cette poule a laissé son grain ; les autres ont mangé le leur. Ce mur nouveau a perdu son aplomb ; les vieux ont gardé le leur. Le genre humain s'égara jusqu'à adorer ses vices et ses passions ; et il ne faut pas s'en étonner : il n'y avait point de puissance plus inévitable ni plus tyrannique que la leur, Bossuet, Hist. II, 3.

  • 5Leur s'emploie substantivement pour signifier ce qui est à eux, à elles. Qu'ils gardent ce qu'ils ont, je ne veux rien du leur. N'oubliez pas que vous avez des parents et des alliés qui ne doivent pas en souffrir ; et que du moins il n'y aille rien du leur ; c'est tout ce qu'on vous demande, Marivaux, Marianne, 7e part.
  • 6Leurs, au pluriel, est quelquefois substantif et signifie leurs parents, leurs amis, ceux qui leur sont attachés. Je m'intéresse à eux et aux leurs. J'y pris la même part que si j'eusse été un des leurs, Marmontel, Mém. X.

REMARQUE

Leur se répète devant les adjectifs qui ont un sens opposé ou différent ; ainsi : Ils nous ont montré leurs bonnes et leurs mauvaises marchandises. Mais il ne se répète pas devant les adjectifs qui ont à peu près la même signification : Ils nous ont montré leurs beaux et brillants équipages. Cette règle n'est nullement obligatoire ; elle n'est pas observée dans cette phrase-ci : Avec leur froide et leur pesante sagesse, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. Pour cela on consulte beaucoup l'oreille.

HISTORIQUE

Xe s. E lor peccatum lor dimisit, Fragm. de Valenc. p. 468.

XIe s. Or et argent [il] lur met tut en present, Ch. de Rol. XXIX. À lur signor, ib. XXVIII. [Ils] Vont par le camp [champ], si requerent les lor, ib. CX. Paien reclament un lur deu Tervagant, ib. CLXXVI. [Mon âme] Entre les lur est alouée et mise, ib. CCVI. Franc s'en iront en France la lor tere, ib. IV. Enz en lur mains [ils] portent branches d'olive, ib. VII.

XIIe s. Mort [il] le trestourne entre deux cens de lor [des leurs], Ronc. 79. Espeigne ert [sera] lor, de ce se vont vantant, ib. 122. Congié demandent, et il lor a doné, ib. 203. Et cent ostaiges volontiers lor ofrons, Et li lor home volentiers devenons, Raoul de C. 163.

XIIIe s. Se il tienent mes comandemenz por escomeniez et les leur por loiaux…, Psautier, f° 108. Et bien li deïssent apertement que il pourchaceroient le leur si come il porroient, Villehardouin, XCIII. Dux Naymes leur ala les esperons chausser, Berte, CXXIX. Toutes leur aventures se [je] vouloie conter, ib. 111. En la terre hongroise, en un leur bel manage, ib. LXX. Moult lor convient soffrir dolor, Ains que gens lor doignent [donnent] du lor, la Rose, 8020. Les barons, qui deussent garder le leur pour bien emploier en lieu et tens, se pristrent à donner les grans mangers et les outrageuses viandes, Joinville, 217.

XIVe s. Belle chose leur sembloit que les leur regnassent à Rome, Bercheure, f° 29, verso. Il tolt [enlève] et emble aux gens le leur, Dont en la fin muert [meurt] à doleur, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 18. Nostre dit habitant seront tenuz de maintenir au leur [à leurs dépens] les aules [halles], Du Cange, aula. D'autre partie les meres scevent mielx que les enfans sont leur, que les peres ne scevent que il sont leur, Oresme, Eth. 276. À leur [à eux] ou aulcun d'eulx, Ordonn. des rois de Fr. t. III, p. 656.

XVe s. Les princes en leurs jeunesses, Commines, Prol. Ils eussent bien voulu le dit royaume leur, car ils y avoient meilleur droit que ceux qui l'ont possedé, Commines, VIII, 16.

XVIe s. La commune de son armée… au mespris de leur chef et de son triomphe, Montaigne, I, 4. Les leurs, Montaigne, I, 14. Ils doibvent du plus leur [ils doivent de ce qui est plus à eux], Montaigne, I, 31. Comme fait le monde, sans exercer leurs [ses] forces, Montaigne, I, 34. Ceste desbauche qui se veoid en nostre jeunesse au port de leurs [ses] vestements, Montaigne, I, 192. On leur [les] a veu parfois s'accuser de…, Montaigne, IV, 186. Et pour comble de leurs malheurs ils esteient tenus pour mahumettans entre les chrestiens et pour chrestiens entre les leur, D'Aubigné, Hist. I, 346. Le peuple lui donnant de bon cœur la disme de leur fruits et le quint de leur butins, D'Aubigné, ib. I, 349. Cette leur mauvaise intention s'est encores rendue plus manifeste depuis que…, D'Aubigné, ib. III, 331. Nul de ceux que l'on appelle leurs mignons n'oze leur dire librement leur verité, Amyot, Timol. 21.

ÉTYMOLOGIE

Berry et Normandie, leux ; bourguig. lo devant une consonne : lo peire, leur père ; los devant une voyelle : los efan, leur enfant ; lote, au féminin devant une consonne : lote raice, leur race ; chécun de lor, chacun d'eux ; provenç. lor, lhor, lur ; catal. lur ; ital. loro ; du génitif latin pluriel illorum, d'eux, nominatif ille (voy. IL). Leur, représentant illorum, était toujours invariable ; on n'a commencé à le faire varier que dans le XVe et le XVIe siècle, encore sans uniformité ; dans leurs manuscrits autographes, Brantôme et Malherbe écrivent toujours leur amitiés, leur guerres.