« mentir », définition dans le dictionnaire Littré

mentir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mentir [1]

(man-tir), je mens, tu mens, il ment, nous mentons, vous mentez, ils mentent ; je mentais ; je mentis ; je mentirai ; je mentirais ; mens, qu'il mente, mentons, mentez, qu'ils mentent ; que je mente, que nous mentions ; que je mentisse ; mentant, menti v. n.
  • 1Dire un mensonge. Il faut bonne mémoire après qu'on a menti, Corneille, le Ment. IV, 5. La première [mère devant Salomon] répliquait : vous mentez ; car c'est mon fils qui est vivant, et le vôtre est mort, Sacy, Bible, Rois, III, III, 22. Quoique les personnes n'aient point d'intérêt à ce qu'elles disent, il ne faut pas conclure de là absolument qu'elles ne mentent point ; car il y a des gens qui mentent simplement pour mentir, Pascal, Pens. VI, 29, édit. HAVET. Ce tombeau s'ouvrirait, ces ossements se rejoindraient et se ranimeraient pour me dire : pourquoi viens-tu mentir pour moi qui ne mentis jamais pour personne ? Fléchier, Duc de Mont. C'est alors qu'on trouva, pour sortir d'embarras, L'art de mentir tout haut en disant vrai tout bas, Boileau, Sat. XI. Cela ressemble à Arlequin qui se dit curé de Domfront ; et, quand le juge lui fait voir qu'il a menti : monsieur, dit-il, je croyais l'être, Voltaire, Philos. Bible expl. Machab. VIII. D'un bout du monde à l'autre on ment et l'on mentit ; Nos neveux mentiront comme ont fait nos ancêtres, Voltaire, Filles de Minée. Ne sais-tu pas que ceux qui mentent sans esprit, ainsi que ceux qui mentent avec esprit, n'entreront jamais dans le royaume des cieux ? Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760. La satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort, Voltaire, Lett. Bordes, 10 janv. 1769.

    Il n'enrage pas pour mentir, se dit d'un homme qui ment habituellement.

    Sans mentir, à ne point mentir, il ne faut point mentir, en vérité, à dire vrai. Et sans mentir, pour voir encore un homme pareil à vous, il est besoin que toute la nature travaille, Guez de Balzac, liv. I, lett. 5. Sans mentir, vous auriez tort de vous faire turc ; car je vous assure que vous avez beaucoup d'amis dans la chrétienté, Voiture, Lett. 124. Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois, La Fontaine, Fabl. I, 2. …La persécution qui se prépare non-seulement contre les personnes (ce serait peu), mais contre la vérité ; sans mentir, Dieu est bien abandonné, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 5. Non ; mais je viens tremblante, à ne vous point mentir…, Racine, Phèdre, IV, 6. Il ne faut point mentir, ma juste impatience Vous accusait déjà de quelque négligence, Racine, Bérén. I, 4.

  • 2Mentir à Dieu, mentir au Saint-Esprit, phrases tirées de l'Écriture. J'avoue qu'il est rare de trouver de ces âmes noires et maudites de Dieu, qui, de propos délibéré, viennent mentir au Saint-Esprit, Massillon, Carême, Confess. Je ne mentirai point au Dieu de vérité, Chénier M. J. Fénelon, I, 2.
  • 3Il en a menti, c'est-à-dire il a menti sur la chose dont il s'agit. Ils se servent comme ils doivent du mentiris impudentissime, c'est-à-dire que vous en avez menti, mon révérend père, Pascal, Lett. de Nicole au père Annat. … Vous en avez menti, Reprend le campagnard, et, sans plus de langage, Lui jette pour défi son assiette au visage, Boileau, Sat. III. Ceux qui vous l'ont dit en ont menti, Hamilton, Gramm. 4.

    Pour rendre le démenti plus offensant, on disait : Il en a menti par la gorge. Charles-Quint et François Ier se défièrent, s'envoyèrent des cartels, se dirent qu'ils avaient menti par la gorge, et ne se battirent point, Voltaire, Mœurs, 99.

    À n'en point mentir, pour n'en point mentir, pour dire la vérité. Mais, à n'en point mentir, il serait des moments Où je pourrais entrer en d'autres sentiments, Molière, D. Garc. I, 5. Et, pour n'en point mentir, n'êtes-vous pas méchante De vous plaire à me dire une chose affligeante ? Molière, Tart. II, 4.

    Cet en ne se met qu'avec les temps composés et avec l'infinitif ; encore avec l'infinitif il tombe en désuétude.

  • 4Vous avez fait mentir le proverbe, le mot, se dit à celui qui a fait une chose improbable selon les opinions reçues. Celle-ci donc ne fit mentir le mot, La Fontaine, Fér.

    Faire mentir quelqu'un, prouver qu'il s'est trompé dans son jugement. Je me fais un honneur de faire mentir M. de la Trousse, et je crains quelquefois de ne pas y réussir, Sévigné, 395.

  • 5Se mentir à soi-même, se persuader à soi-même une chose qu'on sait être fausse.

    Se mentir réciproquement, se dire des mensonges les uns aux autres. Ils se sont menti réciproquement. Elles se sont toujours menti.

  • 6Activement, dans le style élevé, figurer faussement, représenter faussement. De même qu'avant lui une érudition servile avait mal interprété les vieux monuments de notre histoire pour leur faire mentir la servitude, ainsi souvent Mably leur fait mentir la liberté, Villemain, Tabl. de la littér. du XVIIIe s. 1re part. 17e leçon.

PROVERBES

On sait mentir sans parler, c'est-à-dire on peut vouloir induire en erreur par sa contenance, par ses gestes.

A beau mentir qui vient de loin, c'est-à-dire celui qui vient de loin, dît-il des mensonges, ne peut être convaincu de fausseté.

Peut-être garde les gens de mentir, c'est-à-dire dans le discours peut-être est un correctif qui diminue la portée des affirmations.

Amplifier n'est pas mentir.

Bon sang ne peut mentir, une personne bien née ne dégénère pas.

REMARQUE

Mens-je ? ne se dit pas ; on tourne par : est-ce que je mens ?

HISTORIQUE

XIe s. Cuivert [misérables] paien, vus i avez mentit, Ch. de Rol. XCIII.

XIIe s. Il menti de tot ce que il avoit promis, Machab. I, 11. La bele, des nompers la flour, Ne faites vostre pris mentir, Par trop merci contre-tenir, Chrestien de Troyes, poésies mss avant 1300, t. III, p. 1265, dans LACURNE. Dix mil paiens et plus, se je ne ment, Ronc. 95. De tout se ment [il ment en tout], bien le poez prover, ib. 186. Il boissa [trompa] le roi Charle et sa foi lui mentit, ib. 192. Et sachiez bien, se biaus servirs ne ment, Que touz les biens qu'on puet [peut] avoir d'amer, Aura mes cuers [mon cœur] qui adès [toujours] s'i atent, Couci, XII. Tant [elle] est belle à regarder, Que nulz n'en porroit mentir [exagérer], ib. p. 123.

XIIIe s. Que qu'il se plaint et il se blasme, Li cuers li ment, et il se pasme, Et la parole a jà perdue, Narcisse, ms. de St-Germain, f° 130, dans LACURNE. Ensi furent ilec par deux jors, et puis leur menti de quanque il lor avoit en covenant [en promesse], Villehardouin, CLIII. Mais dites verité, n'i ait de riens menti, Berte, CXVIII.

XIVe s. …Ce seroit Vices très grief et grans d'avoir dit janglerie ; Quar d'armes et d'amours mentir ne doit on mie, Girart de Ross. Prol.

XVe s. Il nous vaut trop mieux à mentir notre serment envers le duc d'Anjou que devers le roi d'Angleterre, Froissart, II, II, 8.

XVIe s. Premierement ils mentent de cela : car il n'est dit nulle part que nostre Seigneur ait commandé cela à ses disciples, Calvin, Instit. 189. Nous disons que vous avez menty par la gorge, et qu'autant que vous le dirés, vous mentirés, Gage de bat. de François 1er et de Charles Quint, f° 80, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç et esp. mentir ; ital. mentire ; du lat. mentiri, de mens, esprit, imagination, parce que mentir c'est imaginer. Si le verbe est irrégulier au présent, cela tient à la place de l'accent dans méntior ; ainsi accentué, mentior a donné je ments, et le reste s'en est suivi.