« mercure », définition dans le dictionnaire Littré

mercure

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mercure

(mèr-ku-r') s. m.
  • 1Dieu du paganisme gréco-romain qui présidait au commerce, à l'éloquence, qui était le messager des dieux et le patron des voyageurs, des filous, et qui était chargé du soin de conduire les âmes des morts dans les enfers. Je vais là-bas…Dépouiller promptement la forme de Mercure, Pour y vêtir la figure Du valet d'Amphitryon, Molière, Amph. Prologue.

    Par extension. On voit à gauche arriver le pigeon messager, l'oiseau mercure, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 54, dans POUGENS.

  • 2Messager d'amour, celui qui porte des billets doux entre deux amants et qui se charge de procurer ou de faciliter à un autre quelque commerce de galanterie ; dénomination qui vient sans doute du rôle que Mercure joue dans quelques intrigues amoureuses de Jupiter. La Varenne, marmiton, puis cuisinier, après portemanteau, ensuite le mercure d'Henri IV, Saint-Simon, 168, 265. Depuis ma prison je m'étais accoutumé à regarder les choses dans un point de vue moral, et je ne trouvais pas l'emploi de mercure aussi honorable qu'on le disait, Lesage, Gil Blas, XII, 3. Un bon père ne doit être ni le tyran de son fils, ni son mercure, Voltaire, Jenni, 4.
  • 3Titre de divers écrits périodiques traitant de politique, de littérature, et contenant des annonces, des nouvelles. Quand… tous les Mercures et toutes les brochures m'accablaient de mépris en croyant faire leur cour à Mme de Pompadour, Voltaire, Lett. d'Argental, 13 avril 1763. Il n'y a guère d'années qu'on ne débite sous son nom [de Voltaire] des ouvrages qu'il n'a jamais vus ; et il apprend qu'il n'y a guère de mois où l'on ne lui impute dans les Mercures quelque pièce fugitive qu'il ne connaît pas davantage, Voltaire, Oreste, Avis au lect.

    Le Mercure de France, livre périodique, qui se donnait, à Paris, tous les mois, et qui contenait divers ouvrages d'esprit, avec une courte exposition de tout ce qui regardait les sciences, les arts, l'état civil, politique, etc. de la France ; il fut commencé, sous le nom de Mercure galant, en 1672, par M. de Visé, qui l'interrompit, en 1674, jusqu'au mois de mars 1677. Et tout ce que Segoing dans son Mercure entasse, Boileau, Sat. V. Le Mercure Galant est immédiatement au-dessous de rien : il y a bien d'autres ouvrages qui lui ressemblent, La Bruyère, I. Vous ne lisez donc pas le Mercure de France ? Il cite au moins par mois un trait de bienfaisance, Gilbert, le Dix-huitième siècle. Les talents n'ont ni fleurs ni fruits dont le Mercure ne se couronne ; littéraire, civil et politique, il extrait, il recueille, il annonce, il embrasse toutes les productions du génie et du goût, Marmontel, Mém. VI. Qu'ont fait ces nains lettrés qui, sans littérature, Au-dessous du néant soutiennent le Mercure ? Chénier M. J. Ép. à Voltaire.

  • 4La planète la plus voisine du soleil. La distance de Mercure au soleil est d'environ six millions de myriamètres ; elle parcourt son orbite en 88 jours, et le volume en est le seizième de la terre. Mercure est si petit et si proche du soleil, dans les rayons duquel il est presque toujours perdu, qu'il échappe à toute l'adresse des astronomes, Fontenelle, Mond. 4e soir. Depuis le soleil jusqu'à onze ou douze millions de nos lieues ou environ, il ne paraît aucun globe ; à onze ou douze millions de nos lieues est Mercure dans sa moyenne distance, Voltaire, Phil. Newt. III, 8. Mercure ne s'éloigne jamais du soleil au delà de trente-deux degrés, Laplace, Expos. I, 5.
  • 5Substance métallique fluide à la température ordinaire, communément appelée vif-argent. Le mercure du baromètre. Des trois grandes mines de mercure et dont chacune suffirait seule aux besoins de l'univers, deux sont en Europe, et une en Amérique, Buffon, Min. t. V, p. 293. Et le mercure enfin, qui, connu par son poids, En globules roulants glisse et fuit sous nos doigts, Delille, Trois règnes, V.

    Fig. Si quelques esprits qui ne participent rien du mercure, demeurant fermes…, Naudé, Rosecroix, III, 4. Mobiles comme le mercure, ils pirouettent, ils gesticulent, ils rient, ils s'agitent, La Bruyère, IX.

    Terme d'ancienne chimie. Fixer le mercure, le solidifier ; solidification qui arrive dans la plupart de ses combinaisons et sans l'intermédiaire du froid.

    En un autre sens, fixer le mercure, l'empêcher de se disperser en globules ; ce qui ne peut se faire.

    Fig. Fixer le mercure, arrêter l'inconstance et la légèreté d'un esprit. Ils continuent pourtant leur entreprise [marier M. de Gordes] ; mais ils n'en viendront à bout que le jour qu'ils auront trouvé l'invention de lier le vent et de fixer le mercure, Sévigné, 3 nov. 1688.

    Mercure doux, mercure dulcifié, vieux nom du protochlorure de mercure.

    Mercure éteint, mercure très divisé et privé ainsi de son éclat métallique. Un petit sac tout plein de poudre de mercure, Régnier, Sat. X.

    Mercure des philosophes, substance que les alchimistes croyaient contenir un élément précieux.

    Mercure de vie, protochlorure de mercure.

    Mercure hépatique, variété de sulfure de mercure contenant du bitume.

  • 6En médecine, nom que l'on donne aux préparations mercurielles employées à divers usages, et particulièrement pour le traitement de la syphilis. Prendre du mercure.

REMARQUE

Mercure prend une m majuscule quand il signifie le dieu, la planète, le recueil périodique. Il prend une petite m, quand il signifie un messager d'amour et le métal.

HISTORIQUE

XIVe s. Qui pourroit devaler en terre, Et dedans la miniere enquerre, Et cercher par subtile cure Des metaulx le parfait mercure, Se le trouvant à la parclose, Avec lui feroit belle chose, l'Alch. à nat. 192.

XVIe s. J'ay fait par art et par nature Tout ce qu'un amant peut penser, Afin d'arrester ce mercure, Sans jamais y rien avancer, Desportes, Diverses amours, XXIX, Chanson.

ÉTYMOLOGIE

Lat. Mercurius, dieu dont le nom est passé à la planète, puis au métal ; de merx, marchandise : le dieu des marchands.