« morale », définition dans le dictionnaire Littré

morale

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

morale

(mo-ra-l') s. f.
  • 1Ensemble des règles qui doivent diriger l'activité libre de l'homme, décomposé en deux parties : démontrer que l'homme a des devoirs, des obligations, et faire connaître ces devoirs, ces obligations. Voulez-vous apprendre la morale ? - La morale ? - Oui. - Qu'est-ce qu'elle dit cette morale ? - Elle traite de la félicité, enseigne aux hommes à modérer leurs passions, et… - Non, laissons cela : je suis bilieux comme tous les diables, et il n'y a morale qui tienne ; je me veux mettre en colère tout mon soûl, quand il m'en prend envie, Molière, Bourg. gent. II, 6. Hé ! doucement, ma sœur ; où donc est la morale Qui sait si bien régir la partie animale ? Molière, Femmes sav. I, 2. Toute notre dignité consiste en la pensée… travaillons donc à bien penser ; voilà le principe de la morale, Pascal, Pens. I, 6, éd. HAVET. Morale et langage sont des sciences particulières, mais universelles, Pascal, ib. XXV, 77. Il est indubitable que, que l'âme soit mortelle ou immortelle, cela doit mettre une différence entière dans la morale ; et cependant les philosophes ont conduit la morale indépendamment de cela, Pascal, ib. XXIV, 57 ter. Toute la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam ; et toute la morale en la concupiscence et en la grâce, Pascal, Pens. XXIV, 4. La vraie éloquence se moque de l'éloquence ; la vraie morale se moque de la morale ; c'est-à-dire que la morale du jugement se moque de la morale de l'esprit qui est sans règles ; car le jugement est celui à qui appartient le sentiment, comme les sciences appartiennent à l'esprit, Pascal, ib. VII, 34. Ceux qui sont dans le déréglement disent à ceux qui sont dans l'ordre que ce sont eux qui s'éloignent de la nature… comme ceux qui sont dans un vaisseau croient que ceux qui sont au bord fuient… il faut avoir un point fixe pour en juger ; le port juge ceux qui sont dans le vaisseau ; mais où prendrons-nous un point dans la morale ? Pascal, ib. VI, 4. Le temps où nous sommes, où la corruption de la morale est aux maisons de sainteté et dans les livres des religieux et des religieuses, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 9. Il eût voulu pouvoir attaquer sans nuire ; se défendre sans attaquer… enfin il s'était fait une espèce de morale militaire qui lui était propre, Fléchier, Turenne. La morale douce et relâchée tombe avec celui qui la prêche, La Bruyère, XV. La morale des États se résout, pour de si grands intérêts, à hasarder le sacrifice de quelques particuliers, Fontenelle, Marsigli. La morale, qui se propose pour objet de régler les mœurs, est, à proprement parler, la science de l'homme, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. XII, p. 564, dans POUGENS. Que sa loi [du Christ], sa morale et consolante et pure De mes sens désolés guérirait la blessure, Voltaire, Alz. I, 4. Le jeune prince plein d'honneur ne pensait pas qu'il y eût une morale différente pour les rois et pour les particuliers, Voltaire, Charles XII, II. Ne pensons pas qu'en effet il y ait une morale pour les citoyens, et une autre pour les souverains, et que le prétexte du bien de l'État justifie l'ambition du monarque, Voltaire, Panég. St Louis. Voyez combien d'excellents traités nous possédons en matière de physique, d'histoire naturelle, d'économie, d'arts, etc. ; et nous n'avons point encore de système tant soit peu complet de morale, Bonnet, Palingén. XIII, 5. Je conviens avec votre Majesté que la morale est encore plus intéressante [que la géométrie], et qu'elle mérite surtout l'étude des philosophes, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 29 janv. 1768. La morale est peut-être la plus complète de toutes les sciences quant aux vérités qui en sont les principes et quant à l'enchaînement des vérités, D'Alembert, Mél. t. V, § 1. La morale est la science des lois naturelles, ou des choses qui sont bonnes ou mauvaises dans la société des hommes, Diderot, Opin. des anc. philos. (hobbisme). Ils espéraient tout de cette morale publique qui semble avoir soumis jusqu'au gouvernement, Mirabeau, Collection, t. I, p. 71. La morale est le sentiment du juste et de l'injuste, du bien et du mal, de l'honnête et du déshonnête, Cambacérès, Inst. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 8. Soit que vous considériez la morale comme l'expression des devoirs, soit que vous la considériez comme la science des caractères ; que le moraliste devienne un prédicateur de vertu, ou seulement un observateur du cœur humain, Villemain, Litt. franç. 18e siècle, 2e part. 1re leç.

    Terme de droit. Offense à la morale publique, sorte de délit qui se commet par la voie de la presse et que consiste en propositions jugées dangereuses pour les mœurs. Je fus en prison deux mois à Sainte-Pélagie, par l'indulgence des magistrats, pour avoir outragé la morale publique, crime de Socrate comme vous savez ; sur la morale particulière, un peu différente de l'autre, je n'ai eu de démêlés avec qui que ce soit, et même n'entends point dire qu'on me reproche rien, Courier, Au rédact. de la Quotidienne.

  • 2Morale avec une épithète défavorable désigne des doctrines plus ou moins nuisibles aux mœurs. Et tous ces lieux communs de morale lubrique Que Lully réchauffa du feu de sa musique, Boileau, Sat. X.
  • 3Traité de morale. Je lisais ces jours passés la Morale d'Épictète plus grande que nature, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 3 mars 1782. Toute l'antiquité a regardé la Morale d'Aristote comme le plus parfait de ses ouvrages, Champagne, Instit. Mém. sc. mor. et polit. t. III, p. 91.

    On dit aussi : les Morales d'Aristote, parce qu'il a fait plusieurs traités sous ce titre.

    Les Morales, titre d'un ouvrage de saint Grégoire le Grand. La raison qu'en rapporte saint Grégoire …dans ses Morales sur Job, Bourdaloue, Car. XI, Parfaite observ. de la loi, 195.

  • 4Morale, leçon de morale. Une morale nue apporte de l'ennui ; Le conte fait passer le précepte avec lui, La Fontaine, Fabl. VI, 1. Cette théologie n'aura rien de fatigant pour vous, et elle me donnera lieu d'entrer dans les morales les plus édifiantes, Bourdaloue, 9e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 143. On fait apprendre les fables de la Fontaine à tous les enfants, et il n'y en a pas un seul qui les entende ; quand ils les entendraient, ce serait encore pis, car la morale en est tellement mêlée et disproportionnée à leur âge, qu'elle les porterait plus au vice qu'à la vertu, Rousseau, Ém. II.

    La morale d'un ouvrage, la leçon de morale qui en résulte.

    Dans le langage familier, il se dit souvent pour conséquence simplement. La morale de la chose fut que…

  • 5Réprimande. Son père lui a fait la morale, une morale. Excédés de vos fades leçons, de vos longues morales, Rousseau, Ém. IV.

ÉTYMOLOGIE

Moral.