« mûrir », définition dans le dictionnaire Littré

mûrir

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mûrir

(mu-rir ; au XVIIe siècle, on écrivait et on prononçait meurir, CHIFFLET, Gramm. p. 202) v. n.
  • 1Devenir mûr. Les raisins n'ont pas mûri cette année. Il fait naître et mûrir les fruits, Racine, Athal. I, 4. Le ciel nous redonne la paix ; Nos vins et nos moissons mûriront désormais, Dancourt, Impr. de Surêne, Prol. J'ignore encore si l'homme aux cinquante-trois ans ne ressemble pas aux nèfles qui ne mûrissent que sur la paille, Voltaire, Lett. Beaumont, 23 janv. 1770.

    Fig. Choisissez, autant que vous pourrez, vos amis dans un âge un peu au-dessus du vôtre ; vous en mûrirez plus promptement, Fénelon, dans Recueil de FEUGÈRE, p. 45. Tout mûrit par le temps et s'accroît par l'usage, Voltaire, Loi nat. part. 2. Il faut du temps pour que les réputations mûrissent, Voltaire, Louis XIV, 32. Un pape l'avait prêchée [la croisade] inutilement malgré sa toute-puissance ; il la voulut, sans pouvoir la faire, quoiqu'il fût Grégoire VII ; mais que cette idée fermente et mûrisse, vingt ans plus tard un simple ermite l'exécute, Villemain, Littér. franç. 18e siècle, 2e part. 4e leç. Qu'avec crainte et docilité Ta parole en mon cœur mûrisse, Lamartine, Harm. I, 7. Ma harpe fut souvent de larmes arrosée, Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée ; Sous un ciel toujours pur le cœur ne mûrit pas, Lamartine, Médit. II, 5.

    Fig. Laisser mûrir, donner le temps nécessaire pour qu'une chose vienne à point. Laissez entre mes mains mûrir vos destinées, Et ne hasardez point le fruit de vingt années, Corneille, Héracl. II, 2. J'avance cette opinion ; mais, parce qu'elle est nouvelle, je la laisse mûrir, au temps, Pascal, Prov, VI. Laissons mûrir le dessein de ce voyage de traverse comme une opinion probable dans Pascal, Sévigné, 23 avr. 1690. Y eut-il jamais homme plus sage et plus prévoyant… qui laissât mûrir ses entreprises avec tant de patience ? Fléchier, Turenne. Laissez mûrir l'enfance dans les enfants, Rousseau, Ém. II.

  • 2 V. a. Rendre mûr. Le soleil mûrit nos moissons.

    Terme rural. Mûrir la terre, en exposer, par un labour profond, les parties inférieures à l'action fertilisante des gaz atmosphériques.

  • 3 Par extension, produire un effet comparé à la maturité d'un fruit. Cet emplâtre mûrira l'abcès. La chaleur mûrit les rhumes.
  • 4 Fig. Donner de la maturité, de la réflexion. Après tout, l'âge peut le mûrir ; tout ce que vous avez daigné faire pour lui peut parler à son cœur, Voltaire, Lett. Richelieu, 6 janv. 1768.

    Il se dit dans un sens analogue des choses qu'on amène à point. D'abord le docteur grave qui l'a inventée [une opinion nouvelle en casuistique] l'expose au monde, et la jette comme une semence pour prendre racine ; elle est encore faible en cet état ; mais il faut que le temps la mûrisse peu à peu, Pascal, Prov. VI. Maintenant que le temps a mûri mes désirs, Que mon âge, amoureux de plus sages plaisirs, Bientôt s'en va frapper à son neuvième lustre…, Boileau, Épître V. L'âge mûrira les passions, Massillon, Carême, F. conf. La foi qui mûrit de bonne heure la raison, Massillon, Panégyr. St Benoît. Vingt ans d'étude et de méditation dans le silence et la retraite ont amassé, mûri et fécondé ses connaissances ; et moi je répands mes idées lorsque à peine elles sont écloses, Marmontel, Mém. IV. Ah ! ne vous hâtez pas de mûrir vos pensées ! Jouissez du matin, jouissez du printemps, Hugo, Odes, V, 17.

HISTORIQUE

XIIIe s. Il [les fruits] ne pueent [peuvent] es rains [rameaux] durer, Tant qu'il se puissent meürer, la Rose, 18118.

XIVe s. Les vices se veillisseroient et vertu se meuriroit, Bercheure, f° 55, recto. Mere, ce dist Bertran, ne vueillez effraier ; Car le fruit ne vaut riens qui ne se puet murer, Guesclin. 153-174.

XVe s. Les blés commençoient à murir, Froissart, I, I, 127.

ÉTYMOLOGIE

Mûr ; wallon, mawouri, maweri ; namur. mûri ; Hainaut, meurir ; pic. meurir ; Berry, meûrer, meûser, meûrir ; provenç. et espag. madurar ; ital. maturare. Du latin maturare on avait fait meürer ; mais mûr avait aussi fourni mûrir, selon la règle générale chez nous qui forme en ir les verbes qui signifient devenir : grossir, devenir gros ; grandir, devenir grand ; verdir, devenir vert ; mûrir, devenir mûr, etc.