« négliger », définition dans le dictionnaire Littré

négliger

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négliger

(né-gli-jé. Le g prend un e devant a et o : je négligeais, négligeons) v. a.
  • 1Traiter quelque chose avec moins de soin qu'il ne faut. Elle [Madeleine] répand ses parfums, elle jette ses vains ornements, elle néglige ses cheveux, Bossuet, Sermons, Intégrité de la pénit. 3. On l'entendit [Lamoignon], selon les temps, parler des grandes choses comme s'il eût négligé les petites, et des petites comme s'il eût ignoré les grandes, Fléchier, Lamoignon. Un magistrat qui n'a rien ignoré ni rien négligé dans son ministère, Fléchier, ib. Mais lorsqu'on la néglige [la rime], elle devient rebelle, Boileau, Art p. I. Tu négliges les sentiments, Pour faire briller la pensée, Chaulieu, Ode contre l'esprit. Gardez-vous bien de négliger votre santé, Hamilton, Gramm. 8. L'histoire des mœurs et de l'esprit humain a toujours été négligée, Voltaire, Lett. Formont, 13 juin 1756. Votre Majesté Impériale paraît aujourd'hui forcée de cultiver l'art de la guerre, mais vous ne négligez point les autres, Voltaire, Lett. Cather. 127.

    Négliger veut de devant un infinitif. Quand les princes, négligeant de connaître leurs affaires et leurs armées, Bossuet, Reine d'Anglet. Un auteur n'est jamais parfait, Quand il néglige d'être aimable, Bernis, Épître à Fonten.

    Terme de peinture. Négliger une partie, la laisser imparfaite.

    Terme de manége. Négliger son corps, ne pas se maintenir en bonne position à cheval.

  • 2Négliger quelqu'un, n'avoir pas pour lui la considération, l'attention qu'il faudrait. Dans ces jours de confusion et de trouble où les grâces tombaient sur ceux qui savaient à propos se faire soupçonner ou se faire craindre, on le négligea comme un serviteur qu'on ne pouvait perdre, Fléchier, Duc de Mont. Du même fond dont on néglige un homme de mérite, l'on sait encore admirer un sot, La Bruyère, XII. Le duc d'Épernon s'était presque ruiné pour secourir la reine mère, et se plaignait d'avoir été négligé par elle, après l'avoir si bien servie, Voltaire, Mœurs, 176. On payait un astrologue, et on négligeait un géomètre, Voltaire, Fragm. sur l'hist. 1. Il [Louis XIV] négligea le seul la Fontaine, et paya par cet oubli le tribut à la royauté, D'Alembert, Éloges, Dangeau.

    Absolument. On néglige aisément un homme qui néglige, Corneille, la Suiv. I, 6.

    Négliger une femme, se refroidir à son égard et ne plus lui témoigner la même assiduité. Je ne respire pas dans cette incertitude ; Moi, je vivrais, Phénice, et je pourrais penser Qu'il me néglige, ou bien que j'ai pu l'offenser ! Racine, Bérén. II, 5. Il m'aimait à sa manière, comme les hommes savent aimer, en me négligeant, en se livrant à toutes les vaines dissipations qui l'arrachaient d'auprès de moi, Genlis, Théât. d'éduc. l'Amant anonyme, I, 6. Vous aux pieds d'un cruel qui a pu vous négliger, qui fait couler vos pleurs, qui doit seul en verser ! Mme Riccoboni, Marg. de Pressy, Œuvr. t. II, p. 85, dans POUGENS.

    Cet homme néglige sa femme, il ne lui donne pas les marques d'affection qu'elle a droit d'attendre de lui.

    Négliger quelqu'un, le voir rarement. Je lui dis un jour : Grimm, vous me négligez, je vous le pardonne, Rousseau, Confess. VIII. J'ai demeuré longtemps à Pétersbourg, et je l'ai vu comme je vous vois ; mais, depuis ce temps, je l'ai négligé beaucoup, Al. Duval, Menuis. de Livonie, II, 7.

  • 3Ne pas mettre en usage. Il n'a négligé aucun des moyens qui pouvaient le faire réussir. Il n'était pas homme à négliger la moindre précaution, Hamilton, Gramm. 5. Mon cœur a tout à craindre, et rien à négliger, Voltaire, Mér. II, 1.

    Négliger une occasion, la laisser échapper, ne pas en profiter.

  • 4Ne pas tenir compte. Comme rien n'est égal à sa grandeur suprême [de Dieu], Il faut ne rien aimer qu'après lui, qu'en lui-même, Négliger, pour lui plaire, et femme et biens et rang…, Corneille, Poly. I, 1. La menace n'était pas à négliger, Hamilton, Gramm. 9. Je négligerai, si l'on veut, l'autorité de Barbeyrac, qui déclare nettement que…, Rousseau, Inégal. 4e part.
  • 5 Terme d'algèbre. Omettre dans le calcul des quantités fort petites qui ne peuvent pas en affecter le résultat. Négliger les dernières décimales. Une valeur très sensible qu'il aurait été impossible de négliger dans des observations aussi exactes, Biot, Instit. Mém. acad. scienc. t. III, p. 317.
  • 6Se négliger, v. réfl. N'avoir pas soin de sa personne pour la propreté, l'ajustement, etc. Ce vieillard se néglige.

    S'occuper moins exactement qu'à l'ordinaire de son devoir, de sa profession, de son travail, etc. Pompée croit que son nom soutiendra tout et se néglige, Bossuet, Hist. III, 7. Cette manière de presser les draps en cache les inégalités et les défauts, ce qui pourrait donner occasion aux ouvriers et fabricants de se négliger, Arrêt du conseil, 3 déc. 1697. Dans le cours de tant de prospérités où l'on se néglige pour l'ordinaire, le sénat agissait toujours avec profondeur, Montesquieu, Rom. 6.

HISTORIQUE

XIVe s. Que nulle chose appartenans au droit divin ne fust troublée en negligent les coustumes du pays, Bercheure, f° 13, verso.

XVIe s. Il estoit bien mal aisé de leur faire le procès, en un si grand trouble, et bien dangereux de negliger, attendu leur conspiration, Amyot, Agés. 54. Ne sçachant que ce chien fust enragé, Il negligea sa morsure, et quatre mois après mourut furieux et enragé, Paré, XXIII, 20.

ÉTYMOLOGIE

Berry, ingliger ; du lat. negligere, qui vient de nec, ni, ne, faisant fonction de préfixe négatif, et legere, prendre, cueillir : proprement, ne pas prendre.