« obstiner », définition dans le dictionnaire Littré

obstiner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

obstiner

(ob-sti-ner. D'après Ménage, au XVIIe siècle, on prononçait ostiner ; ce qui est aujourd'hui la prononciation populaire) v. a.
  • 1Faire qu'une personne s'attache avec ténacité à quelque chose. Mais ce flatteur espoir… Me fait plaire en ma peine et m'obstine à souffrir, Corneille, Mél. I, 1. …Dis-moi quelle espérance Doit obstiner mon maître à la persévérance, Corneille, le Ment. IV, 7. Dompte sous une exacte et forte discipline Ces inséparables flatteurs Que l'amour de toi-même à te séduire obstine, Corneille, Imit. I, 21. Que le goût du bien souverain Déracine en mon cœur l'attachement humain, Et, faisant aux faux biens une immortelle guerre, M'obstine au généreux dédain De tout ce qu'on voit sur la terre, Corneille, ib. III, 23.

    Absolument. Obstiner quelqu'un, le contredire et, par là, l'enfoncer davantage en son opinion. C'est une volonté dure et opiniâtre ; et il suffit qu'on nous contredise, pour nous obstiner davantage, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 483. Ne l'obstinez point ; je connais son esprit, Il le ferait, monsieur, tout comme il vous le dit, Regnard, Légat. IV, 6.

  • 2S'obstiner, v. réfl. S'attacher avec ténacité à. Ne vous obstinez point en cette humeur étrange, Corneille, Cid, III, 3. Cinna seul dans sa rage s'obstine, Corneille, Cinna, IV, 1. Que ferez-vous enfin si toujours il s'obstine ? Corneille, Poly. III, 5. Puis, tout triste et pensif, il s'obstine au silence, Corneille, Pomp. III, 1. Je ne recherche plus la damnable origine De cette aveugle amour où Placide s'obstine, Corneille, Théod. II, 5.

    Il prend à, avec un verbe à l'infinitif. L'affliction s'obstine à suivre qui l'évite, Corneille, Imit. II, 12. Quiconque s'obstine à n'avoir point d'autre fin dans le mal que le mal même, nous rompons avec lui, Pascal, Prov. VII. L'Académie en corps a beau le censurer [le Cid] ; Le public révolté s'obstine à l'admirer, Boileau, Sat. IX. Je voulus m'obstiner à vous être fidèle, Racine, Andr. IV, 5.

    Fig. Sa Chine [d'un géographe] et sa Tartarie s'obstinaient à demeurer mal placées et mal disposées contre le témoignage de relations indubitables, Fontenelle, Delisle.

    Il se dit aussi quelquefois avec de et un infinitif. Ne vous obstinez point d'aimer si hautement, Tristan, Panthée, I, 7. Si vous vous obstinez de vivre au milieu des périls, Massillon, Avent, Concept.

    Il se dit d'un mal qui résiste aux remèdes et au temps. Mon rhume s'obstinait, et ma bruyante haleine Par secousse, en sifflant, s'exhalait avec peine, Delavigne, Ép. à Lamartine.

REMARQUE

Cet imbécile de sir Thomas m'obstine que vous arriverez le dix, Mme Riccoboni, Lett. de Fanny Butler, lett. 86. Cela signifie : me soutient obstinément que…, et est du langage populaire.

HISTORIQUE

XVe s. Et tant estoient obstinés l'un contre l'autre… que nul n'y avoit pu mectre paix, Boucic. I, 33. Et luy eust mieulx valu [à Charles le Téméraire] n'estre jà obstiné en sa demeurée [lorsqu'il remit le siége devant Nancy], Commines, V, 5.

XVIe s. Les Romains s'obstinoient à continuer ce siege, Amyot, Anton. 50. La grandeur de son courage faisoit qu'il s'obstinoit invinciblement en toutes choses, Amyot, Alex. 51. Une vigueur masle et obstinée, Montaigne, I, 3. Voyant son fier et obstiné silence, Montaigne, I, 5. Il n'y a damnés que les obstinés, Nuits de Straparole, 1. I, p. 380, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. obstinar ; ital. ostinare ; du latin obstinare, de ob, en face, et d'un radical stanare, qui est aussi dans destinare (voy. DESTINER).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

OBSTINER. - REM. Ajoutez :
2Obstiner sa persévérance, pour persévérer obstinément, est une phrase de Malherbe : Qu'un amant flatté d'espérance Obstine sa persévérance, Lexique, éd. L. Lalanne.