« opprimer », définition dans le dictionnaire Littré

opprimer

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opprimer

(o-pri-mé) v. a.
  • 1Accabler sous un poids. Sous des rocs entassés le superbe Encelade, La bouche haletante et le sein enflammé, Soulève le fardeau dont il est opprimé, Delille, Trois règnes, IV.
  • 2Accabler sous la violence, sous une autorité tyrannique. La vérité ne se laissera point opprimer à une multitude de sophistes, Guez de Balzac, liv. V, lett. 10. Il vous importe de vous accoutumer de haïr l'injustice, et de prendre ceux qu'on opprime sous votre protection, Voiture, Lett. 9. Celui qui opprime le pauvre, fait injure à celui qui l'a créé ; mais celui qui en a compassion rend honneur à Dieu, Sacy, Bible, Prov. de Salom. XIV, 31. La pauvre Mme du Puy-du-Fou vint hier ici… nous témoigner la douleur où elle est du procédé de son frère et de son gendre ; elle est opprimée du dernier, et se cache de lui, il la tient comme prisonnière, Sévigné, 12 juill. 1675. Mère affligée, elle [l'Église] a souvent à se plaindre de ses enfants qui l'oppriment ; on ne cesse d'entreprendre sur ses droits sacrés, Bossuet, le Tellier. Je ne veux que vous faire souvenir de la cause célèbre de ces étrangers… ceux qui devaient les secourir aidaient eux-mêmes à les opprimer, Fléchier, Lamoignon. Et ce moment si cher, madame, est consumé à louer l'ennemi dont je suis opprimé ! Racine, Brit. II, 6. Seigneur, de mes efforts je connais l'impuissance ; Je cède, et laisse aux dieux opprimer l'innocence, Racine, Iph. I, 4. Il est aisé de m'opprimer, mais difficile de m'avilir, Rousseau, Lett. à M. Davenport, Corresp. t. VI, p. 385, dans POUGENS. Cette précieuse partie de l'État, que tant de ministres ont comptée pour si peu de chose, et qu'ils ont opprimée comme on égorge ces animaux faibles et paisibles, qui n'ont ni la force de se défendre, ni même celle de se plaindre, D'Alembert, Éloges, Fouquet. Les Juifs qu'on méprise, qu'on opprime et qu'on outrage : tous les peuples du continent détestent le joug qui les accable, Raynal, Hist. phil. XI, 9.

    Fig. Les violences dont l'art y [à Versailles] opprime la pauvre nature, Sévigné, 15 juin 1676.

    Absolument. Mais tel est d'un tyran le naturel infâme, … S'il ne craint, il opprime, et s'il n'opprime, il craint, Corneille, Héracl. V. 6. Bientôt ils [les courtisans] vous diront… Qu'aux larmes, au travail le peuple est condamné, Et d'un sceptre de fer veut être gouverné ; Que, s'il n'est opprimé, tôt ou tard il opprime, Racine, Ath. IV, 3. Il est plus aisé d'opprimer que de contenir, et d'exercer un acte de violence qu'un acte de justice, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 14 déc. 1767.

  • 3Faire éprouver des chagrins, des souffrances, des embarras. Je ne sais comme sont faites les autres sortes d'amitiés que l'on a pour vous ; on vous étouffe, on vous opprime, on crie à la dépense, et c'est eux qui la font ! Sévigné, à Mme de Grignan, 1er avr. 1689. Malgré le faix des ans et du sort qui m'opprime, Racine, Mithr. II, 3. Loin de la secourir, mon amitié l'opprime, Racine, Iphig. IV, 9.

HISTORIQUE

XIVe s. Afin que il ne nous puisse grever et obprimer, Bercheure, f° 24, recto. Pueple opprimé, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVIe s. Avant qu'avoir pu jetter l'œil sur la voye, il est de rechef opprimé de tenebres, Calvin, Instit. 196. Nous sommes quasi opprimez de grande multitude de miseres, Calvin, ib. 791. Il s'en retourna à Athenes, là où ses amis n'estoient point encore totalement opprimez par ses ennemis, Amyot, Thés. 43. Les intherests communs de haine avec l'opprimé contre l'oppresseur, D'Aubigné, Hist. II, 412. Financiers, justiciers, qui opprimez de faim Celui qui vous faict naistre ou qui defend le pain, D'Aubigné, Tragiques, Misères.

ÉTYMOLOGIE

Prov. opprimer ; anc. cat. oppremer ; esp. oprimir, ital. opprimere ; du lat. opprimere, de ob, et premere, presser (voy. PRESSION). Opprimer est un latinisme fait au XIVe siècle ; d'origine il eût été opreindre.