« poser », définition dans le dictionnaire Littré

poser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

poser

(pô-zé) v. a.
  • 1Placer, mettre sur. Il la retira [Psyché] du gouffre, et, lui faisant prendre un autre chemin que celui qu'elle avait choisi, il l'éloigna de ces lieux funestes, et l'alla poser avec ses habits sur les bords d'un fleuve, La Fontaine, Psyché, II, p. 110. Lui-même [Dieu] la posa dans le sein de la reine, sa mère, ou plutôt dans le sein de l'Église catholique, Bossuet, Duch. d'Orl. Comme la colombe qui revient à l'arche, ne sachant où poser son pied, Bossuet, Exp. doct. cath. Avertiss. Mon fils, avec respect posez sur cette table De notre sainte loi le livre redoutable, Racine, Ath. IV, 1. C'est dans cette demeure élevée au-dessus de la terre que Jupiter a posé son trône immobile, Fénelon, Tél. IX. De vastes salles Où… Veillaient assis en cercle et se regardant tous Des dieux d'airain, posant leurs mains sur leurs genoux, Hugo, Orientales, 1.

    Poser à terre, mettre sur la terre. Cet animal [l'hyène] est si fort, qu'il enlève aisément un homme et l'emporte à une ou deux lieues sans le poser à terre, Buffon, Quadrup. t. IX, p. 60.

    Dans les exercices militaires, poser l'arme à terre, mettre son arme à terre, devant soi, le bout du canon en avant.

    Il se dit, au piano, de la manière de placer la main. Cet enfant pose mal sa main.

  • 2Mettre dans le lieu, dans la disposition convenable. Poser des rideaux, des draperies, une glace.

    Poser un modèle, le mettre dans l'attitude la plus favorable pour l'imitation.

    En termes de guerre, poser des sentinelles, les placer en quelque endroit. Madame, à chaque porte on a posé des gardes, Corneille, Suréna, IV, 2.

    Dans un sens analogue. J'ai posé des gens pour épier, Imbert, Jaloux sans amour, V, 1.

  • 3Fixer une pierre, une poutre, une colonne, une statue, etc. à la place qu'elle doit occuper. Poser la première pierre d'un édifice.

    Poser à sec, construire sans mortier.

    Poser à cru, élever sans fondation une charpente, un pilier.

    Poser de champ, placer sur la face la plus étroite une brique, une planche, etc. et, dans le sens contraire, poser de plat.

    Poser une sonnette, des sonnettes, les fixer à un mur, et établir les fils d'archal qui doivent les mettre en mouvement.

  • 4En arithmétique, poser des chiffres, les mettre en colonne aux rangs d'unités, de dizaines, de centaines, etc. dans l'opération de l'addition ou de la soustraction.

    Elliptiquement, pose pour : je pose ou posons. Dans le schisme des donatistes on ne peut guère compter moins de 400 personnes assommées : pose… 400, Voltaire, Phil. Déf. de Bolingbr. 42.

  • 5Jouer un dé ou un domino.

    Absolument. C'est à vous à poser.

  • 6 Terme de typographie. Poser une forme, la dresser.
  • 7Quitter, déposer, en parlant de quelque vêtement, de quelque chose que l'on porte sur soi. Oui, nous jurons… De ne poser le fer entre nos mains remis Qu'après l'avoir vengé [Joas]…, Racine, Ath. IV, 3. Je quittai la dorure et les bas blancs, je pris une perruque ronde, je posai l'épée, Rousseau, Confess. VIII. Les Morvandiaux sont bons soldats ; conscrits, ils quittent leurs chères montagnes avec regret ; mais à peine ont-ils posé leurs sabots et endossé l'habit militaire…, Dupin, Morvand, p. 24.

    Faire poser, faire déposer. Je vais, par des douceurs, puisque j'y suis réduite, Faire poser le masque à cette âme hypocrite, Molière, Tart. IV, 4.

    Fig. Poser l'épée, renoncer à l'état militaire. Il pouvait sans risque poser l'épée, bien sûr qu'on ne l'obligerait pas à la reprendre, Rousseau, Conf. XI.

    Poser les armes, les mettre bas, se retirer.

    Fig. Poser les armes, faire la paix ou une trêve. Il ne put les obliger à poser les armes, Bossuet, Hist. III, 5.

  • 8 Fig. Établir quelque chose, comme on fait un fondement. Il ne s'agit pas de preuves, il s'agit de bien poser la doctrine, Bossuet, Var. IV, 38. Quand nous nous mettons à raisonner, nous devons d'abord poser comme indubitable que nous pouvons connaître très certainement beaucoup de choses dont toutefois nous n'entendons pas toutes les dépendances ni toutes les suites, Bossuet, Libre arbitre, 4. Quelque vieux Chrysippe Voudrait follement Poser un principe Contre un sentiment, Bernard, Poés. div. Ép. 4.

    Absolument. On commence par rejeter ce qui est mauvais, et on le fait assez bien ; poser sera la grande peine, Bossuet, Var. XI.

    Poser une question, la fixer, la préciser.

  • 9 Fig. Supposer. Posez le cas que je ne sois point roi, mais seulement personne privée, Vaugelas, Q. C. 418. Mais posons qu'en ceci le sénat vous outrage, Mairet, Sophon. V, 2. Ayant une fois posé Sabine pour femme d'Horace, il est nécessaire que tous les incidents de ce poëme lui donnent les sentiments qu'elle en témoigne avoir, Corneille, Hor. examen.
  • 10 Terme de musique. Attaquer un son avec fermeté et sûreté, et surtout le maintenir pendant toute la durée de la note. Il pose mal sa voix.
  • 11 Fig. Poser quelqu'un, lui donner du crédit (emploi néologique). Cette action, ce livre l'ont posé. Poser un jeune homme dans le monde.

    Mettre en évidence. Voilà un manége qui pose une femme.

  • 12 V. n. Être posé, appuyé sur quelque chose. Poser à faux.

    Fig. Notre crainte [de la mort], ne pouvant poser sur rien de certain, n'est plus qu'un sentiment vague et confus, qui ne porte sur rien du tout, Massillon, Carême, Mort.

    Chez les doreurs, poser au livret, appuyer le bord de la feuille et ouvrir le livret à mesure que la feuille s'étend, sans faire aucun pli.

  • 13Prendre une attitude pour se faire dessiner ou peindre. Cet homme pose dans les ateliers de peinture. Jetant le voile qui te pèse, Réalité que l'art rêva, Comme la princesse Borghèse Tu poserais pour Canova, Th. Gautier, Émaux et camées, à une robe rose.

    Fig. Étudier ses attitudes pour produire de l'effet, chercher à paraître ce qu'on n'est pas (cet emploi est nouveau, c'est-à-dire date d'une quarantaine d'années). Cet homme pose toujours. Que cherches-tu sous les meubles ? - Le naïf pour qui tu poses, E. Augier, les Effrontés, III, 1.

    Faire poser, mystifier. Monsieur, dit-il tranquillement, comptez-vous me faire poser longtemps ? Ch. de Bernard, le Gentilhomme campagnard, I, 20.

  • 14Se poser, v. réfl. Se mettre, se placer. Comme une aigle qu'on voit toujours, soit qu'elle vole au milieu des airs, soit qu'elle se pose sur quelque rocher…, Bossuet, Louis de Bourbon. [Au soir] Les brises du matin se posent pour dormir, Le rivage se tait, la voile tombe vide, Lamartine, Harm. II, 6.

    Être posé. Son pied se posait sur le tapis.

  • 15Se créer un rôle original. Se poser en réformateur des abus.
  • 16 S. m. L'instant où, dans la marche, le pied du cheval arrive sur le sol. Le poser, dit aussi appui ou foulée.

HISTORIQUE

XIIe s. Et en sarquez [cercueils] pouser et aloer [les corps], Ronc. p. 176.

XIIIe s. Mès or soit posé que gel [je le] praingne, à jalousie la grifaigne Que porrions nous ore dire ? la Rose, 12898. Por ce, sire Dieux, les poseras bruchedos, c'est souz les piés des autres gens, Psautier, f° 28.

XIVe s. Posé que par desesperance il se noiast ou pendist, Ordonn. des rois, t. VII, p. 544.

XVIe s. Sa femme l'asseura que mal aulcun ne luy adviendroyt ; seullement que sus elle il eust à se pouser et repouser, Rabelais, Pant. IV, 47. L'harmonie si posée et religieuse de nos voix, Montaigne, II, 363. Aristides estoit de sa nature homme posé, droit et entier en sa vie, Amyot, Thém. 5. Et luy, posant incontinent son manteau, se meit à fendre du bois, Amyot, Philop. 3. Il les contraignit de poser les armes, et se rendre à luy, Amyot, Eumènes, 8. Si s'en allerent ces corbeaux poser sur l'un et l'autre bout des verges dela voile, Amyot, Cicéron, 59. Un de ses soldats en posant la garde le tua d'une harquebusade sans y penser, D'Aubigné, Hist. II, 63.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. pausar, pauzar ; espagn. posar ; port. pousar ; ital. posare ; du bas-lat. pausare (Lex Alam. tit. 45, § 2 : et pausant arma sua josum), qui est le lat. pausare, cesser (voy. PAUSE). L'intermédiaire se trouve dans l'emploi qu'on en faisait dans les épitaphes chrétiennes : Hic pausat in pace ingenua, Inscr. chrét. par LE BLANT, 3e liv. p. 373, fin du IVe siècle. Mais il ne faut pas méconnaître qu'il y a eu confusion entre poser, de pausare, et le verbe ponere, positus.