« rêverie », définition dans le dictionnaire Littré

rêverie

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rêverie

(rê-ve-rie) s. f.
  • 1Idée chimérique semblable à un rêve. Est-ce une illusion, est-ce une rêverie ? Corneille, Théod. V, 7. Les indépendants… parmi lesquels on voit les trembleurs, gens fanatiques, qui croient que toutes leurs rêveries leur sont inspirées, Bossuet, Reine d'Anglet. Et cent autres rêveries que je m'étonne qui n'aient perdu de réputation toute l'antiquité, Fontenelle, Mondes, 1er soir. Les rabbins ont débité sur Adam tant de rêveries…, Voltaire, Dict. phil. Adam. Quand on renouvelle de si vieilles rêveries, on n'a pas trop bonne grâce à se moquer des vieilles vérités, La Harpe, Cours de litt. t. IX, p. 386.

    Faire une rêverie, concevoir une idée étrange, avoir une distraction. Je veux savoir si vous n'avez point ri de la rêverie naturelle que je fis à Vitré, en priant ce gentilhomme de basse Bretagne de nous faire vitement dîner, Sévigné, 4 oct. 1671. J'ai fait depuis peu une rêverie sur un certain sujet ; mais je hais de la dire ; car il semble qu'on veuille contrefaire Brancas [le célèbre distrait], Sévigné, 14 juill. 1677.

  • 2Délire causé par une maladie, par la fièvre. Les cheveux hérissés, j'entre en des rêveries De contes de sorciers, de sabbats, de furies, Saint-Amand, les Visions. Dans mes rêveries de ma grande maladie, je trouvais, et je croyais, et je disais que j'avais une cuisse bleue, Sévigné, 23 oct. 1676. Corbinelli est demeuré à Paris avec une fièvre tierce et une rêverie qui fait peur, Sévigné, 21 sept. 1677.
  • 3État de l'esprit occupé d'idées vagues. Par le travail, on charmait l'ennui, on ménageait le temps, on guérissait la langueur de la paresse et les pernicieuses rêveries de l'oisiveté, Bossuet, Anne de Gonz. Il faut aimer pour ressentir Le charme de la rêverie, Quinault, Phaéthon, I, 2. Il se peut que la vue de toutes ces étoiles semées confusément et disposées au hasard en milles figures différentes favorise la rêverie et un certain désordre de pensées où l'on ne tombe point sans plaisir, Fontenelle, Mondes, 1er soir. Ma muse, pour vous attendrie, D'une charmante rêverie Subit déjà l'aimable loi, Gresset, Épît. au P. Bougeant. Dans la rêverie on n'est point actif ; les images se tracent dans le cerveau, s'y combinent comme dans le sommeil sans le concours de la volonté, Rousseau, 2e dial. Elle s'abandonne à cette rêverie vague et délicieuse qu'inspire une musique expressive, Genlis, Vœux témér. t. I, p. 98, dans POUGENS. De ces lieux s'exilent pour toujours La douce rêverie et les discrets amours, Delille, Jard. II. Cette rêverie, sans calcul et sans but, qui mène si loin la pensée, Staël, Corinne, IV, 3. La rêverie est plutôt le partage des femmes, de ces êtres faibles et résignés dès leur naissance, Staël, ib. XVI, 4. Ce sentiment de tristesse religieuse, cette rêverie de l'âme qui n'a point de place dans la composition dramatique où le poëte s'efface et disparaît, avait aussi presque manqué à la poésie de nos deux grands siècles, Villemain, Litt. fr. XVIIIe siècle, 2e part. 2e leçon.

    Titre de certains morceaux de poésie ou de musique.

  • 4Pensées riantes ou tristes auxquelles se laisse aller l'imagination. Éveiller son esprit troublé de rêverie, Régnier, Sat. X. Ne revenez donc plus, tragiques rêveries, Tristan, M. de Chrispe, I, 1. Les rêveries sont quelquefois si noires qu'elles font mourir : vous savez qu'il faut un peu glisser sur les pensées, Sévigné, 37. J'ai quelquefois des rêveries dans ces bois d'une telle noirceur, que j'en reviens plus changée que d'un accès de fièvre, Sévigné, 57. Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais plus souvent mes méditations finissent par la rêverie, Rousseau, 7e prom.
  • 5Produit de l'action de rêver, de méditer. J'occupe ma raison d'utiles rêveries, Boileau, Épît. VI. Dans peu vous allez voir vos froides rêveries Du public exciter les justes moqueries, Boileau, ib. X.

HISTORIQUE

XIVe s. Et faisoient leurs resveries, Leur caroles, leur chanteries, Leur regars, leur ris, leur manieres, Leur demandes et leur prieres ; Ainsi chascuns se deduisoit, Machaut, p. 44.

XVIe s. Il trouva remede à ceste resverie par une aultre resverie [à une pensée qui l'obsédait], Montaigne, I, 94. De toutes les resveries du monde, la plus universelle est le soing de la gloire, Montaigne, I, 320. Les resveries qui sont les songes des veillants, et pires que songes, Montaigne, II, 369.

ÉTYMOLOGIE

Rêver.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RÊVERIE. - HIST. XIVe s. Ajoutez : Mais orendroit conter vous veulge, Sans ajouter mot de mençoingne, De trois de celes [chanoinesses] de Couloingne, Et dire un poi de reverie, Par convent que chascuns en rie, Dits de Watriquet, p. 373. (à noter à cause du sens précis de rêverie, ici gaudriolle, rêver étant d'origine douteuse.)