« révérence », définition dans le dictionnaire Littré

révérence

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révérence

(ré-vé-ran-s') s. f.
  • 1Grand respect mêlé d'une sorte de crainte. Depuis aux bons sergents j'ai porté révérence, Régnier, Sat. VIII. Ou vous les exécuterez [les décrets] avec révérence, ou vous nous manderez la raison que vous croyez avoir de ne pas le faire, Pascal, Prov. XVIII. Les spectacles et les jeux publics, où la révérence de l'ordre sacerdotal est ravilie, Bossuet, Ordonn. synodale, 1691. Que peuvent des évêques qui ont anéanti eux-mêmes l'autorité de leur chaire et la révérence qu'on doit à la succession, en condamnant ouvertement leurs prédécesseurs jusqu'à la source même de leur sacre ? Bossuet, Reine d'Anglet. Il assistait tous les jours au saint sacrifice ; et son attention et sa modestie imprimaient le respect aux âmes les moins touchées de la révérence du lieu et de la sainteté du culte, Fléchier, Duc de Mont. Il [Euchidas] se purifia d'abord, s'aspergeant d'eau sacrée, se couronna de laurier, s'approcha de l'autel, y prit avec révérence le feu sacré…, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 270, dans POUGENS. Ayez pour la grammaire un peu de révérence, Regnard, le Distr. III, 3. Ô révérence des temps passés et des contrées éloignées, combien tu nous fais dire de sottises ! Raynal, Hist. phil. I, 21.

    Fig. L'histoire, des grands cœurs la plus chère espérance, Que le temps traite seule avecque révérence, Rotrou, St-Gen. I, 4.

  • 2 Populairement. Révérence parler, parlant par révérence, sauf votre révérence, excuse dont on se sert quand on dit quelque chose qui pourrait déplaire ou blesser. Et moi, monsieur, que j'ai mon haut-de-chausse tout troué par derrière, et qu'on me voit, révérence parler…, Molière, l'Av. III, 2. Ce damoiseau, parlant par révérence, Me fait cocu, madame, avec toute licence, Molière, Sgan. 16. Mais dépenser son bien pour acheter du mal, Révérence parler, c'est être un animal, Boursault, Fabl. d'Ésope, II, 6. Sa vie [de Frédéric II] et, révérence parler, la mienne, sont de plaisants contrastes ; mais enfin il avoue que je suis plus heureux que lui ; c'est un grand point et une belle leçon, Voltaire, Lett. d'Argental, 8 nov. 1757.
  • 3Titre d'honneur qu'on donnait à certains religieux. Il n'y a pas même jusqu'aux religieux, qui, nonobstant les continuelles humiliations auxquelles leurs règles et leur profession les obligent, ne se traitent entre eux de Votre Révérence, Caillières, Mots à la mode, 2e convers. Il dit Votre Révérence à un prince du sang et Votre Altesse à un jésuite, La Bruyère, XI.

    En cet emploi, Révérence prend une majuscule.

    Populairement. On a bien parlé à Sa Révérence, on l'a bien réprimandé, on l'a bien gourmé.

  • 4Mouvement du corps pour saluer, qu'on fait soit en s'inclinant, soit en pliant les genoux. Un jeune homme bien fait, qui, rencontrant ma vue, D'une humble révérence aussitôt me salue : Moi, pour ne point manquer à la civilité, Je fis la révérence aussi de mon côté, Molière, Éc. des f. II, 6. Apprenez-moi comme il faut faire une révérence pour saluer une marquise ; j'en aurai besoin. - Le maître à danser : Une révérence pour saluer une marquise ? Molière, Bourg. gent. II, 1. Ô ciel ! quelle ignorance ! Ne savoir pas encor faire la révérence Depuis trois ans et plus qu'elle apprend à danser ! Regnard, le Distr. I, 4. Aux cérémonies de l'ordre du Saint-Esprit et à celles du parlement, on fait les révérences comme on les faisait anciennement, comme les femmes les ont toujours faites, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 288, dans POUGENS. La vérité de l'histoire ne permet pas de taire qu'elle faisait mal la révérence ; mais elle dansait comme les fées, chantait comme les sirènes…, Voltaire, Zadig, 15. Il [Voltaire] disait : j'ai les reins peu flexibles ; je consens à faire une révérence ; mais deux de suite me fatiguent, Condorcet, Vie de Voltaire. Mais d'où vient donc, dis-moi, quelque part qu'on s'arrête, en Calabre ou ailleurs, tout le monde se met à faire la révérence, et voilà une cour ; c'est instinct de nature, nous naissons valetaille, Courier, Lettres, 25 juin 1806.

    Fig. Et faisant révérence à ma bonne fortune, Régnier, Sat. X.

    Familièrement. Tirer sa révérence à quelqu'un, le saluer. Quand il passa, je lui tirai ma révérence.

    Familièrement. Tirer sa révérence, saluer en s'en allant, s'en aller. Je lui dis ce que j'avais à lui dire, et lui tirai ma révérence.

    Fig. Tirer sa révérence, se dit pour refuser, ne pas se prêter à. Ne comptez pas sur moi en cette affaire, je vous tire ma révérence.

    Particulièrement. Faire la révérence, sa révérence à quelqu'un, lui présenter ses hommages, et le saluer pour la première fois ou quand on a été quelque temps sans le voir. Donner commission de lui faire la révérence de notre part, Pascal, Prov. IX. Il [le jeune Grignan] partit le jour de Noël pour aller coucher à Claye, et faire en passant la révérence à Livry, Sévigné, 27 déc. 1688. Quelle folie de s'appeler monsieur et madame de Grignan, et le chevalier de Grignan [des Grignans non de Provence, mais de Salon], et vous venir faire la révérence ! qu'est-ce que ces Grignans-là ? pourquoi n'êtes-vous pas unique en votre espèce ? Sévigné, 11 oct. 1671.

    Fig. Je fais une révérence à la sainte et modeste sépulture de Mme de Guise, dont le renoncement à celle des rois ses aïeux mérite une couronne éternelle, Sévigné, 29 mars 1696.

    Fig. Faire la révérence, s'esquiver, déserter. Il y eut des vedettes qui, sur de pareilles remontrances, firent une révérence aux leurs, et se rendirent à nous, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 214.

    Terme de manége. Faire la révérence, se dit d'un cheval qui fait un faux pas.

  • 5Sorte d'hommage rendu à un souverain, en certaines occasions. Le roi a reçu les révérences. Les voyages de Noisi sont plus fréquents que jamais, les révérences y sont plus réglées, les fontanges tout à fait établies, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 7 avril 1685.

HISTORIQUE

XIIe s. E depeschad [brisa] le serpent de arain que Moyses fist faire, pur ço que la gent jesque à cel tens li ourent ported reverence plus que faire ne dussent e fait oblatiuns, Rois, 406.

XIIIe s. Ma mere est : si la crieng d'enfance, Ge li port moult grant reverence, la Rose, 10794. Et prioit par grant reverence Nostre-Seigneur, que par les merites du benoict saint Loys le delivrast de si grant langueur, Miracles St Loys, p. 137. Reverence est cele vertus qui nos fait honor rendre as nobles persones et à celles qui ont aucune seignorie, Latini, Trésor, p. 432.

XIVe s. Lequel, oïz les noms des legaz, et le don, et le dieu à qui il estoit tramis, commença à avoir reverence à la bezongne, Bercheure, f° 107, verso.

XVe s. Adonc se montra ledit roi à tout le peuple qui là estoit assemblé ; et, quand ils le virent venir, tous s'inclinerent contre lui et lui firent la reverence, Froissart, III, IV, 52. Fist le roy d'Angleterre encores une plus grant reverence [salutation], Commines, IV, 10. Ge vous prie que vous veuilliez vestir mon habit de reverence, Perceforest, t. I, f° 139.

XVIe s. Il eut en si grande reverence la gravité venerable de ses propos et de sa conversation, que…, Amyot, Philop. 27. Reverence à [pour] la religion, Montaigne, I, 17. Ils regardent à sa reverence, à son maintien et à ses bottes quel homme il est, Montaigne, I, 147. Je vis du jour à la journée, et, parlant en reverence, ne vis que pour moy, Montaigne, III, 290.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. reverencia, reverensa ; espagn. reverencia ; ital. riverenza, du lat. reverentia, de revereri, révérer.