« rajeunir », définition dans le dictionnaire Littré

rajeunir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rajeunir

(ra-jeu-nir) v. a.
  • 1Refaire jeune. Encore passe si ces messieurs [les pasteurs de Suisse] faisaient des miracles ; s'ils rajeunissaient M. Abauzit, s'ils guérissaient M. Bonnet de sa surdité, Voltaire, Facéties, Quest. miracles, 13. Tous les Indiens des Antilles croyaient que la nature cachait dans le continent une fontaine dont les eaux avaient la vertu de rajeunir tous les vieillards assez heureux pour en boire, Raynal, Hist. phil. XV, 1. Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir, Lamartine, Médit. XII.

    Absolument. Je sens un soleil capable de rajeunir par sa douce chaleur ; nous ne devons pas négliger présentement ces petits secours, mon cher cousin, Sévigné, à Bussy, 13 nov. 1690.

    Cela ne nous rajeunit pas, se dit quand des personnes âgées parlent d'anciennes aventures de jeunesse, ou d'enfants devenus grands. Cela ne nous rajeunit ni l'un ni l'autre ; mais nous nous portons bien, Picard, Vieille tante, I, 1.

  • 2Dire plus jeune. On me rajeunit ; j'ai soixante ans.

    Rendre quelque chose de la jeunesse. Je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit, Rousseau, Ém. II. Ses petits enfants entouraient ses genoux, et le rajeunissaient de leur jeunesse, Chateaubriand, Génie, IV, I, 9.

    Fig. et familièrement. Faire la barbe. Les barbiers ont pour enseigne : Ici l'on rajeunit.

  • 3 Par extension. Rajeunir les arbres, les arbustes, couper les branches qui commencent à dépérir.

    Tondre, couper, recéper.

    Rajeunir une vigne, la renouveler.

    On dit de même : rajeunir les prés.

  • 4 Fig. Donner à ce qui est vieux un air de nouveauté. Rajeunir des mots anciens. Voyons si dans mes vers je l'aurai rajeunie [cette nouvelle], La Fontaine, Matr. L'avocat Patelin, ancien monument de la naïveté gauloise, qu'il rajeunit, Voltaire, Louis XIV, Écrivains, Brueys. Il [un bâtiment] est un peu gothique ; Mais je rajeunirai cet édifice antique, Collin D'Harleville, Chât. en Espagne, IV, 2.
  • 5 Fig. Donner une nouvelle jeunesse. En voilà une [lettre] un peu longue, écrite toute de ma main ; il y a longtemps que je n'en ai tant fait ; je crois que vous me rajeunissez, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 22 avr. 1764. Votre altesse sérénissime me parle de tragédie : donnez-moi de la jeunesse et de la santé… rajeunissez aussi Mlle Gaussin, qui n'a rien à faire, et qui sera fort aise de recevoir de vous cette petite faveur, Voltaire, Lett. Pr. de Pr. au landgrave de Hesse, 7 avril 1764. Mais le cœur ne vieillit jamais, Et les désirs le rajeunissent, Bernis, les Sais. Automne. La liberté va rajeunir le monde, Béranger, Bon vieill.
  • 6 V. n. Redevenir jeune. Vous remarquerez que le serpent passait pour immortel chez tous les peuples, parce que sa peau muait ; or, s'il changeait de peau, c'était sans doute pour rajeunir, Voltaire, Philos. Princ. d'action, 18. L'homme à sa dernière saison Par mille dons peut plaire encore ; Ne savons-nous pas que Tithon Rajeunit auprès de l'Aurore ? Al. Duval, le Prisonnier, sc. 6. Pour moi, quand le destin m'offrirait, à mon choix, Le sceptre du génie… J'en jure par la mort, dans un monde pareil, Non, je ne voudrais pas rajeunir d'un soleil, Lamartine, Médit. XVIII.

    Reprendre l'air, la force de la jeunesse. Le public, enrichi du tribut de nos veilles, Croit qu'on doit ajouter merveilles sur merveilles… Il veut en vieillissant que nous rajeunissions, Boileau, Épître VI.

    Fig. Reprendre une nouvelle force. À mesure qu'elles [certaines femmes] vieillissent, leur passion pour le jeu semble rajeunir, Montesquieu, Lett. pers. 56.

    Fig. Au printemps la nature rajeunit.

  • 7Se rajeunir, v. ré. fl Se faire jeune de nouveau. On parla d'un M. de Saint-Germain qui a cent cinquante à cent soixante ans, et qui se rajeunit quand il se trouve vieux, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 15 oct. 1759.

    Se donner l'air jeune. Je trouvai la conversation occupée par deux vieilles femmes qui avaient en vain travaillé tout le matin à se rajeunir, Montesquieu, Lett. pers. 59.

    Familièrement. Se dire plus jeune qu'on ne l'est réellement. Bon, elle se rajeunit de quatre ans, Genlis, Théât. d'éduc. Tendresse matern. sc. 2.

    Fig. Reprendre une nouvelle force. Avec elle [la femme plaideuse] il n'est point de droit qui s'éclaircisse, Point de procès si vieux qui ne se rajeunisse, Boileau, Sat. X.

HISTORIQUE

XIIIe s. …La fontaine de Jovent, Qui fet rajovenir la gent, Barbazan, Fabliaux, édit. MÉON, t. IV, p. 180. Tout me rajovenist li cors, Quant g'i pense et quant gel [je le] recors, la Rose, 13143.

XIVe s. Dieux a donné au cerf une vertu, que de son sens il se rajoesnit, Modus, f° LII. … Avarice Qui se differe d'autre vice Que plus dure et plus rajeunie… Ne s'envieillist pas en vieillesse, Fauvel, dans Jahrbuch für romanische literatur, t. VII, p. 443.

XVIe s. Chassez la pesanteur qui le rend languissant, Rajeunissez savie, o flambeaux salutaires, Desportes, Cartels et masquarades, pour les chevaliers du Phenix.

XVIe s. Nous vivrons et mourrons ensemble, et tous les jours Vieillissans nous verrons rajeunir nos amours, Ronsard, 731.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et l'inusité ajeunir, de à et jeune ; Berry, rajeunezir ; wallon, rageoni ; provenç. rejovenir ; anc. espagn. rejuvenir ; ital. ringiovanir. Au XVIe siècle, on disait souvent renjeunir.