« rouille », définition dans le dictionnaire Littré

rouille

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rouille

(rou-ll', ll mouillées, et non rou-ye) s. f.
  • 1Oxyde qui se forme par l'action de l'humidité atmosphérique à la surface du fer. Le fer décomposé et réduit en rouille, Buffon, Min. t. II, p. 148. Les plumes d'un roux de rouille, Buffon, Ois. t. XIV, p. 103. De tous les acides, je ne connais que l'oxalique qui dissolve complétement la rouille, sans affecter l'étoffe, Chaptal, Inst. Mém. scienc. t. VI, p. 493.

    Fig. Le péché, cette rouille invétérée de notre nature, Bossuet, 2e sermon pour le jour de Pâques, I. Cesse de t'étonner, si l'envie animée, Attachant à ton nom sa rouille envenimée, La calomnie en main quelquefois te poursuit, Boileau, Ép. VII. Je suis fâché qu'Amyot qui, dans son siècle, a fait tant d'honneur à la littérature, ait terni un peu sa gloire par cette rouille de l'avarice, Rollin, Traité des Ét. V, 1re part. Solide gloire. C'est là un trésor qui ne craint ni les vers, ni la rouille, Massillon, Panég. St Bern. Ces vers [ceux de Corneille]… Parés de leur rouille adorable, Ducis, le Ménage des deux Corneille.

  • 2Il se dit aussi de ce qui se forme sur le cuivre et sur quelques autres métaux et les altère. La rouille du cuivre ou vert-de-gris. La simple décomposition du cuivre en rouille verte, entraînée par la filtration des eaux, forme des stalactites vertes, Buffon, Min. t. V, p. 78.

    Rouille de plomb, blanc de plomb.

  • 3Il se dit des parties d'une glace dont le tain est altéré. Il y a des taches de rouille à cette glace.

    Se dit aussi de taches dans le verre lui-même.

  • 4 Fig. Traces d'ignorance et de grossièreté qu'on remarque dans certains siècles et dans certains écrits. La philosophie ne put, il est vrai, effacer la rouille scolastique ; mais Corneille commença, en 1636, par la tragédie du Cid le siècle qu'on appelle celui de Louis XIV, Voltaire, Mœurs, 176. La rouille de la barbarie était si forte, que des hommes ne savaient pas goûter des plaisirs honnêtes, Voltaire, Dict. phil. Bouffon. Partout on voit des institutions antiques, mais dénaturées par la barbarie, et couvertes de la rouille des siècles, Bailly, Atlantide, p. 448. Ce nom [du Créateur], caché depuis sous la rouille des âges, En traits plus éclatants brillait sur tes ouvrages, Lamartine, Méd. I, 28.
  • 5Maladie consistant dans la présence de petits champignons à la surface des tiges et des feuilles de beaucoup de plantes et principalement des céréales ; ces champignons appartiennent presque tous aux genres uredo, puccinia et sclerotium. La plupart des agriculteurs se plaignent de la rouille des blés ; Fontana a décrit le premier l'état des plantes attaquées de cette maladie ; il a montré les clavaires microscopiques qui étaient la cause du mal, Sennebier, Ess. art d'obs. t. I, p. 282, dans POUGENS.

    Une maladie semblable attaque quelques arbres.

    Se dit aussi de taches rouges formées par des dépôts limoneux à la surface des plantes, dans les plaines tourbeuses ou sujettes aux inondations.

  • 6 S. m. Terme de teinture. Le rouille, nom vulgaire, dans la teinture en noir, d'un mordant qui est un sel ferrique que l'on combine ensuite avec les acides gallique, tannique, etc. Préparer le rouille.

    Bain de rouille, nitrosulfate de fer, employé à charger la soie, c'est-à-dire à lui restituer le poids perdu par le décreusage.

HISTORIQUE

XIIe s. Il duna à ruil le fruit d'els, et les lur travalz à salterele, Liber psalm. p. 109.

XIIIe s. Or s'i puet la ruille embatre, Sans oïr marteler ne batre, la Rose, 19771. Preneiz …Et de la pourre [bourre] de l'estrille, Et du ruyl de la faucille, Rutebeuf, 254.

XVe s. Votre sainteté, qui, jusqu'à maintenant a esté en bonne reputation en sainte Eglise et sans tache, cherra par cette œuvre en suspection ou rouille, Monstrelet, II, 106.

XVIe s. Les maux et desordres sont attachez au corps universel de la France, ainsi que la rouille est attachée au fer, Lanoue, 104. Et certes qui verroit aussi bien la rouille des ennuis qu'engendrent les richesses dedans les cœurs comme leur esclat et splendeur, elles seroient autant haïes comme elles sont aymées, Charron, Sagesse, I, 22. …Viendra jamais le temps Que le rouil mangera les haches emoulues ? Vauquelin de la Fresnaye. Art poetique.

ÉTYMOLOGIE

Berry, le rouil ; génev. le rouille, provenç. roill, ruil, ruylha, et rozilh, ruzil ; catal. rovell ; espagn. robin ; ital. ruggine. L'espagnol et l'italien viennent du lat. robiginem, rouille ; cela est certain. Les autres formes romanes sont considérées par Diez comme des diminutifs de robiginem. Ru-il, ru-i-lle, ainsi prononcés comme on le voit par les vers, conduisent à rubīgilum (ru-il), et rubīgila (ru-i-lle). M. Boucherie tire rouiller de rutilare, être rouge ; mais rutilus ne s'accommode pas aux formes provençales ou catalanes. Rōbīgo se rattache à rŭber, rouge, avec renforcement de la voyelle.